En langue française.
- Une satire cruelle et éblouissante
Une satire cruelle et éblouissante : telle est Platée, la comédie-ballet que Jean-Philippe Rameau offrit à la Cour de Louis XV pour le mariage du Dauphin avec l’infante Marie-Thérèse d’Espagne.
Une nymphe des marais - naïade ridicule nous dit-on - se croit aimée de Jupiter… Mais le dieu moqueur veut seulement s’amuser et donner une leçon à son épouse, la toujours soupçonneuse Junon. La plaisanterie ira fort loin, jusqu’à l’hymen, à la désillusion finale et même à la menace et la malédiction. Le divertissement est odieux mais follement drôle. Et le prologue nous avait avertis : ici, nul ne sera épargné, ni mortels ni dieux. Ayant dérobé sa lyre à Apollon, la Folie s’invite à la noce et donne une leçon de musique, mêlant et confondant chants d’allégresse et de douleur.
Chef-d’oeuvre de l’ambiguïté - le rôle-titre fut écrit pour Pierre Jélyotte, le premier ténor de l’histoire -, Platée est sans doute le plus baroque des opéras baroques.
Comédie lyrique (ballet bouffon) en un prologue et trois actes (1745)
Musique de Jean-Philippe Rameau (1638-1764)
Livret d'Adrien-Joseph Le Valois d'Orville d'après la pièce de Jacques Autreau
Direction musicale : Marc Minkowski
Décors :
Chantal Thomas
Chorégraphie : Laura Scozzi
Lumières : Joël Adam
Dramaturgie : Agathe Mélinand
Chef de chœur : Nicholas Jenkins
Choeur et musiciens du Louvre-Grenoble.
Distribution en alternance.
Ecrite pour le mariage, en 1745, du Dauphin et de l’Infante d’Espagne, Platée fit, lors de sa création à Versailles, l’effet d’une petite révolution. Car, outre le fait qu’on y raillait une vieille nymphe jouée par un homme devant une jeune mariée « peu gâtée » par la nature, on y voyait pour la première fois un ouvrage purement burlesque. A la différence de l’opéra italien, en effet, l’opéra français n’admettait guère le mélange des styles, pourtant constitutif du Baroque, et dans la « Tragédie lyrique », qui demeurait le modèle des théâtres musicaux de ce temps, il était parfois permis de sourire, mais jamais davantage.
Platée, donc, joue délibérément la carte du burlesque. Mais c’est aussi parce que l’œuvre elle-même est un énorme pastiche de l’opéra français traditionnel. Tous les poncifs, les tics, les manies du genre y sont regroupés et il suffit juste de déplacer un accent ou de les replacer dans un autre contexte pour en souligner l’aspect comique. Et comme le sujet le plus courant de l’opéra traditionnel est l’Amour, avec toutes ses vicissitudes, il est normal que la parodie s’étende à ce sujet et que Platée présente une image grotesque et dérisoire du « doux lien ». Sur le plan musical, Rameau joue de la même ironie et, pour traduire la maladresse et le ridicule de la pauvre Platée, invente des accords dissonants et malmène les règles, sacrées au XVIIIe siècle, de la bonne prosodie. Le baron Grimm et Jean-Jacques Rousseau furent de fervents admirateurs de l’œuvre.
1 avis