Pas à deux

du 4 au 27 mai 2000

Pas à deux

Allez, pour une fois, le théâtre se transforme en salle de bal. Des corps qui guinchent dans l’ivresse du tango, sur la musique du Cuarteto " Darsena sur " avec violon, bandonéon, piano et contrebasse. Les mots guinchent aussi, sous la plume de Lydie Salvayre et Charlie Kassab.

Le tango, un espace théâtral
Écrire pour Pas à deux
Des bals (certains soirs)

"(...) un acte de rébellion, une sorte de pas de deux impudent, provocateur et spectaculaire, mais aussi la nostalgie, de la communion et de l’amour. Lorsqu’il se fait satirique, son humour possède l’agressivité d’une gifle. Voluptueux, les couples voltigent, marquent les pas au rythme de la danse, comme s’ils déposaient en elle leurs désirs." Introduction de Ernesto Sàbato à Horacio Salas, "Le Tango".

Le tango, un espace théâtral

Le tango est accessible à tous, sans limite d’âge, de nationalité ou de métier. Il nous dévoile le rapport à l’autre comme un art. Ce pas de deux provocateur, me sert comme langage de corps pour parler avec ironie et tendresse du rapport entre les hommes et les femmes, du rapport à l’autre en tant que différent de moi. Le dialogue des partenaires dans le tango commence par l’écoute. La musique dessine l’espace de cette rencontre. Le duel amoureux commence. Un duel dont le code d’honneur est la figure. Un duel où l’équilibre doit se trouver à deux. Chaque pas dessine le sol comme un trait de crayon sur une feuille blanche, à chaque instant tout peut arriver. Cette précision et cette ouverture nous donnent le vertige. "...Il y a une terreur dans cette danse, une peur de chuter à chaque instant, de ne pas tenir l’engagement de ce jeu de quelques minutes. Une peur de décevoir la confiance de l’autre qui se balance sans retenue, répondant à ma peau comme si c’était la sienne, sans autre réflexion que d’être là. Ne pas penser, danser ...".

Le tango nous révèle aussi à quel point l’autre est effrayant et que derrière cette terreur, qui n’est que pudeur, se cache notre capacité d’amour. La volupté marque le pas. Le désir s’exprime par gifle et caresse, dans le tempérament de cette danse d’origine populaire. A la promesse que se font des corps en accord, j’oppose l’élément subversif de la parole.

Pour l’écriture je propose la séduction comme un lieu. Un exil où hommes et femmes extraits de l’ordinaire, déjouent rôles et rapports sociaux. Un jeu surtout, où par convention chacun se met en danger et s’habille de plus en plus de nudité. La présence du masculin et du féminin dans l’écriture est primordiale pour ce projet. Les écrivains, qui travaillent indépendamment, sans se connaître, mais à partir de la même proposition, nous ont confié une série de dialogues et de monologues. Ceux-ci ont la particularité de souligner l’absence de l’autre avec un humour noir proche du surréalisme.

Le bal de tango, qui sera l’espace du spectacle (le théâtre sera transformé en salle de bal), est espace de danse, de musique, de chant et de parole. Distendu, abstrait ou non, il s’agit de créer un tissu flexible qui peut prendre la forme d’un bal aussi bien qu’un lieu ou un temps intérieur. Créant ainsi, dans cette intimité aux portes ouvertes, un réseau de résonances entre différentes histoires humaines. Le tango véhicule une intrigue intime dans un sens plus large, étant détonateur d’une énergie contagieuse. Masculin, féminin en face à face, interchangent leurs rôles pour mieux les définir et mieux les déconstruire. C’est une invitation au bal.

Camilla Saraceni

Écrire pour Pas à deux

Nous aimions le tango. Mais nous avions en horreur son goût du pathétique et des pleurnicheries. Nous aimions le tango. Mais nous étions lassés que tant d’hommes éplorés idéalisent dans les larmes leur amante parfaite disparue à jamais.

Nous aimions le tango. Mais nous voulions que les amants y soient vivants. Nous voulions qu’ils se cherchent et se perdent sans devoir en mourir. Nous les voulions complices. Nous les voulions en guerre. Nous les voulions rompus. Nous les voulions rieurs, rageurs, querelleurs, ironiques, cruels ou joyeux. L’insulte aux lèvres ou caressants. Prêts à tanguer à deux ou à dix. Prêts au vertige.

Nous aimions le tango. Mais nous voulions qu’il dise sans effroi le désir, la colère, la soif ou le banal quotidien plutôt que l’abandon, le malheur et la mort qui s’ensuit. Nous aimions le tango. Mais sans le formol et sans la nostalgie et sans la glu sentimentale. Vieux et neuf en même temps. Vert.

Alors, d’un commun accord, nous décidâmes de tremper le tango dans le bruit de nos vies.

Lydie Salvayre

Écrire pour le mouvement de huit personnes a quelque chose à voir avec l’organisation d’une fête, en particulier quand la formulation de la commande offre un espace volontairement vierge d’accroche fictionnelle. La fête, pas pour la salle de danse, mais pour la disposition à la rencontre, à l’échange, et ici pour un autre dialogue, celui du tango.(...)

Mettre en évidence le comportement humain, aujourd’hui, où le jeu de la séduction n’existe plus, avec comme conséquence de toutes les peurs modernes, la solitude. La pratique du tango permet à ses adeptes de transgresser cette solitude et de retrouver des sensations qui peuvent paraître désuètes à certains contemporains, mais sources d’émotion pour d’autres. La pratique quotidienne du tango permet d’opposer des rapports de pouvoir différents, d’opposer à une société austère l’intensité de ce temps en dehors qu’est celui de cette danse. La demande de cette écriture repose sur le désir de mettre en évidence l’opposition entre l’inhibé et le désinhibé, et entre le corps et le social.

Suivre son propre cheminement est l’idée directrice pour l’écriture de cette non-commande. Installer le rapport humain qui sera forcément détourné par le travail des comédiens, pour que le face à face du tango vienne poser sa mine au point élémentaire du sentiment.

Il est évident que l’écriture du texte est un des éléments de l’ensemble, une des voix du dialogue, mais aussi une voix à part entière. Les sujets ? De quoi vont parler ces personnages ? Directement d’eux-mêmes, et de tout autre chose, d’un paysage, de la mer, d’un courant d’air, mais aussi de détails anatomiques, de préférences, de points de vue, aussi bien architecturaux que de l’esprit. Tout sera propice à rapprochement, avec comme impératif une liberté d’esprit, comme une décontraction laissant courir les idées, les associant parfois dans le seul but que celles de l’autre s’accrochent à leur train. Un jeu sérieux, comme le mot sérieux, comme celui qui l’est trop et qui prête à rire, un catalogue, peut-être, pas tout à fait (...).

Charlie Kassab

Des bals (certains soirs)

Proposition de faire suivre une ou plusieurs représentations d’un bal tango auquel seront conviés tous les spectateurs de la soirée, et qui sera ponctué par l’intervention "d’invités surprises".

Ainsi, au Théâtre de la Bastille, le jeudi 4 mai, soirée d’ouverture, invitation d’Andres Ramos, tout jeune chanteur argentin (considéré comme le plus doué de sa génération) à réaliser un duo avec Sandra Rumolino (chanteuse du spectacle) sur des thèmes qui leur sont proches, accompagnés par le cuarteto "Darsena sur".

Le samedi 6 mai, les musiciens argentins, roumains, russes et français du groupe Translave feront le lien entre deux musiques d’origine populaire. Sur leurs compositions, un couple de tangueros , Birgit et Muso danseront un tango en déséquilibre.

Le samedi 13 mai, Lazar Perry, groupe de musiciens français, mouvance trip hop, dont la principale source d’inspiration est Astor Piazzola, nous fera voyager dans les pays arabes.

Le samedi 20 mai, Julien Goualo, percussionniste africain, se joindra au cuarteto "Darsena sur" et ils nous feront voyager d’Afrique en Argentine jusqu’à la milonga (première forme structurée du tango). Parallèlement, deux danseurs, Georges M’Boye et Jorge Rodriguez, nous proposeront le même voyage.

En Argentine, la nouvelle génération essaye d’accorder son désir pour le tango à ses goûts musicaux et projette dans la danse son rapport à l’autre aujourd’hui. Cela donne un tango déstructuré, à la recherche d’un autre rythme, d’un autre mouvement dans le couple, avec une façon de s’enlacer qui se modifie. Pour la soirée de clôture, le samedi 27 mai, j’ai donc invité un batteur anglais, Steve Argüelles, à rencontrer l’un de ces couples, Victoria Vieyra et Chico. Ils improviseront ensemble sur quelques morceaux.

C’est sur cette ligne de fuite du tango, entre un symbole traditionnel d’une identité culturelle que sont en train de s’approprier de jeunes gens, et la menace pour cette danse de disparaître si elle ne laisse pas place à ce nouveau regard, que je voulais clore les représentations à Paris, au Théâtre de la Bastille.

Camilla Saraceni

NB : Tarif bal tango 30 F payable sur place.

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Informations pratiques

Théâtre de la Bastille

76, rue de la Roquette 75011 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Bastille Salle climatisée
  • Métro : Bréguet-Sabin à 377 m, Voltaire à 391 m
  • Bus : Commandant Lamy à 2 m, Basfroi à 243 m, Charonne - Keller à 244 m, Voltaire - Léon Blum à 384 m
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Plan d’accès

Théâtre de la Bastille
76, rue de la Roquette 75011 Paris
Spectacle terminé depuis le samedi 27 mai 2000

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Spectacle terminé depuis le samedi 27 mai 2000