Nuit d’automne à Paris

Lyon (69)
du 15 au 18 janvier 2003

Nuit d’automne à Paris

L’Histoire retrouvée : les événements du 17 octobre 1961.

La petite histoire et la Grande
Témoignages anonymes
L’histoire de la pièce
Extraits
Sombre nuit, lumineux interprètes

« Lorsque Guy Rétoré me passa commande d’une pièce pour le Théâtre de l’Est Parisien, j’étais bien loin de penser écrire « Nuit d’automne à Paris ».

C’est un bête article de journal qui faisait allusion à des massacres d’algériens par la police française au cœur de Paris qui me mit sur la piste…

Je ne savais pas, jamais entendu parler, et lorsque, moi, j’en parlais on me répondait « oui bien sûr ! Charonne ! ». Manifestement, la dizaine de morts du métro Charonne avait pesé beaucoup plus lourd dans la mémoire collective française que les 200 morts algériens du 17 octobre.

Sujet fort ? Peut-être, mais le propos ne fait pas la pièce. Si c’est de ceci dont on pouvait parler, il fallait trouver des voix pour le dire, des corps pour le porter, des lieux pour les faire sonner.

Ce fut d’abord l’image d’une salle de boxe. Parler de la boxe, pugilat bestial pour certains, mais aussi combat sublime, la boxe, sport à nul autre comparable, sport roi de l’époque, la boxe tremplin possible pour le petit, pour l’immigré, prends des coups et tu grandiras… La boxe c’est aussi cet univers noir et blanc embué de fumées épaisses, un univers imprégné des couleurs du cinéma de l’époque (oublions le technicolor !) et mâtiné d’Otto Dix.

Le lien fut facile. Un des premiers soucis de la police française lorsqu’elle eut vent de la manifestation du FLN fut de prévoir des lieux pour concentrer les manifestants. Les locaux de la préfecture de police n’y suffisant pas, nombre de salles de sport, de musique furent réquisitionnées dans Paris.

Alors la trame de la pièce se tisse doucement, quatre personnages dans la tourmente, quatre histoires faites de chair et de sang, d’amour et de nostalgie, quatre histoires prises dans les méandres de la grande. Quatre histoires comme on suit des traces de pas dans le faisceau d’une lampe torche jusqu’au bord du fleuve, l’espace d’une nuit. »

Gilles Granouillet 

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Il n’y avait absolument aucune arme, ni matraque, ni rien, tout le monde est parti tout simplement avec sa pièce d’identité, la femme avec son enfant soit à la main, soit sur les bras ou l’homme avec son enfant et c’est tout…Il n’y avait même pas de langage, pas de slogan. Tout ce qui était brun, était happé, tabassé et compressé dans les cars de police qui étaient autour….

Je suis sorti immédiatement et j’ai assisté à quelque chose d’indescriptible…j’ai vu des policiers déchaînés, frapper sur des femmes, des enfants, des vieillards, ça a été une débauche de coups…j’ai vu de l’autre côté du pont Saint Michel les cars qui stationnaient, les gens montaient, j’ai vu les femmes, des enfants sur le bras monter dans les cars sans un mot…ce que j’ai vu au pont Saint Michel était véritablement hallucinant. Au lieu de voir une immigration apeurée et servile, le préfet a vu celle-ci se dresser après le couvre feu devant lui en plein cœur de Paris.

On ne sait combien il y a eu de morts. 
Il y en a qui dise 400, ça semble fou… des centaines…
On saura un jour ?
On ne saura jamais !

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A Paris, Madame Marthe, aidée par Aïcha, tient une salle de boxe. Elle vient de quitter l’Algérie avec Lounis, peut-être un futur champion, certainement son tout jeune amant. Ce soir là, Zale frappe à sa porte. Zale l’ancien para qu’elle a connu de l’autre côté de la Méditerranée. Il vient lui demander un service, juste l’espace de quelques heures, juste une nuit…cette nuit du 17 octobre 1961 où à l’appel du FLN les immigrés algériens s’apprêtent à manifester en plein Paris.

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« Regarde-moi. Baisse les yeux. Regarde-moi. Regarde à droite. Regarde à droite ! Regarde-moi !
Rappelle-toi : tu es là pour apprendre à avoir peur. Baisse les yeux. Baisse les yeux. Tu as peur ? C’est lui qui te fait peur. Il est mort. C’est ce que tu penses ? Va voir. 
Je t’avais dit de ne pas sortir. Tu as oublié. Ca peut arriver à tout le monde tu sais, je ne peux pas t’en vouloir. Tu ne serais pas la première à oublier mes conseils. C’est pour cela que je me sens si seul…
C’est mon corps, mon corps tout proche qui te fait peur ? son odeur ? Ca sent l’homme ici. Toujours. Les putains qui le visitent n’y changent rien. Neufs, les cars de police sentent déjà. La bière. La banlieue, les pieds, les petits matins blêmes.
Tes cousins l’ont construit, la boucle est bouclée. 
Tu as poussé ici et tu n’es jamais monté là dedans. Je me trompe ?
Règle d’or : le voyageur reste silencieux. Le temps d’un passage. Revoir défiler sa vie. Maman au bord du fourneau qu’on n’avait pas vu depuis longtemps. Même en rêve. Tes copines de la communale, toutes en couettes, à qui tu montrais ta culotte. Tu te rappelles. Reconnaître ses fautes … et puis penser à ce qui nous attend. Bien sûr l’avenir ! Epineux, difficile, comme un chemin de ronces. Je te l’ai dit, un lieu de silence et de recueillement. 
Tu gueulais trop fort dans la rue avec tes cousins. 
C’est mon chemin et je te raccompagne. Ca me fait du bien de parler avec toi et je trouverai d’autres choses à dire sur les quais. »

« Cette salle plus brillante que tu ne l’as laissée, Marthe, tu n’as même plus la lumière. Zale est un filou, et toi une conne. Il a filé à la fraîche, comme les soldats après une nuit chez les filles. Tu t’es laissée rouler dans le sentiment. Emballée dans la nostalgie. De toute façon je reste là. Je suis ici parce que je suis payée. Dans le noir ou pas j’attends Lounis. Hier, à huit heures, je l’attendais toujours devant la vitrine du tailleur. Une heure après je le retrouvais dans la bouche de métro. Je l’ai reconnu tout de suite mon Lounis, à vingt mètres entre les uniformes, mains sur la tête, nez dans la poussière, j’ai même pensé : par terre, heureusement qu’il n’a pas le costume. Je sais comment il faut faire, exactement ce qu’il faut faire, je l’ai fait là-bas en Algérie, dix fois. Demi-tour, tu montes quelques marches, tu respires et tu fonces, ostensible, tout droit, comme une qui viendrait chercher un chien égaré, renfrognée de se trouver seule dans la rue, à une heure pareille pour récupérer son bien. Les képis s’écartent tous comme les quilles au bowling. Ou presque.
Le premier qui s’est mis en travers ? c’est un gamin. Simplement, comme ça, dans son uniforme, sur mon chemin, tout pâlot, sans savoir quoi dire. 
Je le prends droit dans les yeux « Vive la France ! »,je lui balance. « Vive la France ! », Ça cloue les puceaux, ça les fait fondre, comme une formule magique ! »

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« Nuit d’automne à Paris » n’est pas une leçon d’histoire. C’est bien plus : du côté du labyrinthe des passions humaines. Sans manichéisme outrancier ni distance facile, avec des partis pris assumés portés par une conception scénique très cinématographique, on assiste à un tableau terriblement efficace. Et universel.

C’est l’AFAA qui a contacté le Chok Théâtre pour intégrer ce projet sur Octobre 61 dans le programme de l’Année pour l’Algérie en France. L’AFAA proposait dans ce cadre de monter un dispositif pour mettre en place une distribution franco-algérienne. Les stéphanois ont donc contacté le Théâtre National d’Algérie à Alger afin d’organiser une audition à Alger. Ce dernier les a mis en relation avec l’Institut National d’Art Dramatique, qui a fait circuler l’information auprès de ces élèves. L’équipe française s’est donc rendu à Alger quelques jours pour procéder aux auditions, et c’est ainsi qu’ils ont rencontré Samir Benalika et Lynda Sellam 

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Informations pratiques

Platte

32, rue René Leynaud 69001 Lyon

Spectacle terminé depuis le samedi 18 janvier 2003

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