Nouvelle Byzance

du 5 au 23 février 2008

Nouvelle Byzance

Savoir ce qu'on cherche n'est pas forcément le meilleur moyen de trouver. Il n'y a pas de texte dans ce spectacle. Il y a en revanche des personnages que l'on dirait sortis tout droit d'un rêve ou d'une peinture surréaliste. Alors, ce qui importe, ce sera les rapports entre ces personnages poétiques. Rapports qui naîtront peut-être du choc, de la friction, de l'impossibilité, mais qui se situent toujours en dehors de nos catégories habituelles.
  • Une nouvelle géographie du réel

Un homme traverse le plateau, une lune perchée sur son épaule ; une femme se promène avec un couteau planté dans le dos ; ailleurs, un arbre a poussé sur le bras d’une femme… Mladen Materic propulse ses personnages oniriques dans un espace qui évolue au gré de leurs relations de séduction, répulsion, domination ou soumission… Sous le ciel percé de cristaux reflétant les lumières lointaines, Nouvelle Byzance sculpte dans le rêve une nouvelle géographie du réel.

« Ce qui me pousse vers un sujet, c’est l’inconnu : ne pas savoir a priori comment l’aborder et le traiter, qu’en faire, voilà ce qui me fait avancer. J’ai toujours pensé que le plateau était un endroit pour poser des questions plus que pour y répondre. Si j’ai déjà la réponse, je crois que ça ne vaut pas la peine de faire le spectacle. Sujet, verbe, complément : cette structure grammaticale de base que nous apprenons devient aussi la structure de notre pensée et même de notre perception. Utile sans doute, elle nous trompe souvent. Existe-t-il d’autres possibilités de pensée ? Intuition ? Rêve ? Pensée émotionnelle ? Les éléments non réalistes ont pour objectif de déplacer les actions du champ dit « connu». Pour mettre en relation une femme avec un triangle doré et un homme avec un bandeau noir sur les yeux, cela demande aussi bien aux acteurs qu’aux spectateurs d’appliquer une autre manière de perception et de pensée.

D’après les expériences de travail menées jusqu’à aujourd’hui, on a raison de croire qu’un déplacement de cette sorte nous amène au plus près de la vérité des rapports, et notamment des rapports humains. »

Mladen Materic

Par la Compagnie Théâtre Tattoo.

  • Entretien avec Mladen Materic

- Quelle est la question que pose Nouvelle Byzance ?
Mes spectacles précédents étaient sans paroles. Il y avait donc une attention particulière portée à l’espace, aux acteurs, à leurs relations, aux situations qu’ils recréaient sur le plateau. Mais ces situations étaient encore reconnaissables, c’étaient des tableaux de la vie quotidienne : un couple, ou des parents et leurs enfants par exemple. Les personnages étaient identifiables, ils étaient visiblement le produit de certaines conceptions culturelles. Avec Nouvelle Byzance, j’ai eu envie d’aller au-delà de ces tableaux, au-delà des jugements préconçus qu’on ne peut éviter de projeter sur des situations reconnaissables. J’avais déjà ôté les mots du théâtre pour voir ce qui restait. Là je me suis dit : que se passe-t-il si j’enlève aussi le reste ?

- Et que reste-t-il ?
Prends une peinture de Malevitch, compare-la à une peinture figurative. Que reste-t-il chez Malevitch ? Ce qui reste, c’est la peinture. On peut dire que Malevitch a enlevé toute figuration, mais la peinture est restée la peinture. On la reçoit, on l’aime ou pas, on l’accepte ou pas, exactement de la même façon que la peinture figurative. Donc on accepte l’idée que la substance de la peinture n’est pas dans la figuration, et qu’elle a sa propre substance. Que reste-t-il, je me pose la même question avec le théâtre, et Nouvelle Byzance est une façon de poser cette question.

- Comment se débarrasse-t-on de la figuration au théâtre ?
D’abord on ne peut pas tout à fait, sauf à produire un théâtre d’objets débarrassé des acteurs, ce qui n’est pas mon propos. Mais il y a d’autres moyens, qui sont les moyens de base du théâtre : en l’occurrence, cela passe par un espace indéfini qui ne prétend pas être autre chose qu’un plateau de théâtre, et par des personnages sans définition psychologique. Nous sommes donc dépourvus des signes de reconnaissance habituels. Il me semble que ce dénuement peut nous mener au plus près de la réalité d’une situation. Conflit, amour, haine : comment se tissent les relations entre les êtres ? Nouvelle Byzance attaque ces questions d’une manière directe, sans aucun prétexte réaliste, aucune introduction formelle.

- En quoi Nouvelle Byzance poursuit-il la ligne engagée avec tes précédents spectacles ?
Depuis des années, les spectateurs disent que notre jeu est hyperréaliste mais avec « quelque chose en plus ». Parfois ils parlent d’un jeu « comme au cinéma, mais au ralenti, ou avec un effet bizarre». Je crois que ça vient du fait qu’à chaque spectacle nouveau, nous commençons les répétitions par une étape préparatoire dans laquelle sont travaillés les forces, les rythmes, les conflits, comme dans le théâtre dramatique mais avec des moyens abstraits. De ces exercices naît une conscience particulière de l’espace, des acteurs, et surtout des gestes. Nous travaillons alors avec un répertoire de gestes réalistes, qui sont banals dans la vie mais deviennent sur le plateau nos moyens de jeu, nos seuls moyens, comme un peintre joue avec les lignes et les couleurs. Cette phase préparatoire est devenue la base de Nouvelle Byzance. C’est pour cela que j’ai choisi des acteurs avec lesquels j’ai déjà travaillé.

- A la base de ce spectacle, il y a aussi l’intuition d’un théâtre de sensations, d’émotions, où la raison ne dirige pas l’action ou la narration…
Je crois que dans notre pensée occidentale, très rationaliste, il y a un grand danger de simplification. On ne peut envisager la réalité sous le seul angle de la raison. Si c’était aussi simple, il me semble que nous serions bien meilleurs dans l’anticipation et la prévision. Au niveau social, politique autant que personnel, les prévisions se révèlent souvent fausses, même à court terme. Je pense que ce vocabulaire logique, toutes nos évaluations rationnelles, toute notre morale, nos jugements, tout cela déforme notre perception de la réalité. Nous avons tendance à séparer les choses : une part rationnelle, une émotionnelle, une corporelle.
Il faudrait donc couper un personnage en trois ? Et en trois quoi ? En réalité ces trois dimensions sont inséparables. Nos réactions sont conditionnées par un mélange de ces trois parts, jamais par une seule. La raison intervient dans nos décisions, et pourtant nous nous surprenons parfois à prendre des décisions qui vont à l’encontre de la raison.

- Comment le travail de plateau peut éclairer ces mécanismes non rationnels ?
Quels sont les moments de théâtre préférés par les acteurs, et même par les spectateurs ? Justement ces moments irrationnels, quand on glisse vers l’abstraction, vers un au-delà du réel. Même au niveau du jeu d’acteur, les meilleures écoles enseignent que les moments les plus précieux sont marqués par l’introduction de forces subconscientes, qui échappent à la seule raison. C’est pourquoi dans Nouvelle Byzance on s’affranchit de la figuration, de cette introduction dite réaliste des situations : on entre tout de suite dans le non-dit, où les réponses ne peuvent plus être simplement logiques mais nuancées par de pures sensations, à ce niveau qui nous engage ensemble, de tout notre être, et pas seulement au niveau analytique. C’est une petite tentative nourrie de notre expérience théâtrale précédente, comme une méthode pour voir mieux en prenant un peu de recul.

- « Voir mieux » : le recours à l’irrationnel modifie la perception du spectacle ?
Je pense que cette approche permet un plus large registre d’associations, parce que les émotions se partagent plus facilement que les idées. Je n’ai jamais essayé de trop suggérer ma propre vision, ni trop insisté sur ce que je voulais que le public voit. De toute façon, je pense qu’au théâtre l’enjeu n’est pas du tout là. Le plateau doit reconstruire une réalité propre au spectacle, et de toute façon, quand un metteur en scène veut imposer sa vision, même si elle est très lisible, ça ne marche pas vraiment. Le spectateur ne voit que ce qu’il voit, chacun selon sa culture, son expérience, et au final ce qui est perçu est toujours plus riche que ce que l'on montre.

- Remettre en jeu l’intuition, les émotions, l’irrationnel : voilà qui dépasse le seul cadre du théâtre…
Ça va à l’encontre de ce sur quoi toute notre société est fondée. Pourtant on tombe amoureux sans savoir pourquoi. On ne comprend pas pourquoi on aime un millefeuille. On n’a pas besoin de comprendre un paysage pour l’aimer. Pareil pour un tableau de Vermeer. Toute cette partie de notre vie se fait sans le recours à la raison. Et je pense que si l’on retarde le moment où intervient la raison, ce moment où l’on juge, où l’on évalue, où l’on définit l’identité, où l’on exclut, ça peut ouvrir une Nouvelle Byzance de sensations.

Propos recueillis par Stéphane Boitel.

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Spectacle terminé depuis le samedi 23 février 2008

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