Meistersinger

du 10 au 12 janvier 2007
2h30

Meistersinger

Les héros de Wagner luttent pour l’art et l’amour, tiraillés entre leurs aspirations révolutionnaires et les convenances bourgeoises, à mi-parcours entre le Moyen Âge, l’âge d’or de l’expressionnisme et la science-fiction.
  • Wagner, révolutionnaire

Figure marquante de la scène internationale, le metteur en scène allemand Frank Castorf réduit la partition du monument wagnérien à cinq instruments à vent, deux pianos, un choeur d’une quinzaine de chanteurs et quatre solistes.

En 1868, Richard Wagner achève la composition du seul de ses opéras où une légèreté joyeuse prévaut sur les violences guerrières.

Malgré des compositions tournées vers une Allemagne traditionnelle et nostalgique, le livret des Maîtres chanteurs de Nuremberg vire au manifeste politique. L’opéra, summum de la schizophrénie identitaire de l’histoire germanique, oppose les progressistes et les conservateurs.

Depuis l’église Sainte-Catherine d’un Nuremberg poussiéreux à la rusticité de la campagne avoisinante, les héros de Wagner y luttent pour l’art et pour l’amour, tiraillés entre leurs aspirations révolutionnaires et les convenances bourgeoises.

Ces Maîtres chanteurs oscillent entre élan rebelle et confort moderne, évoluent aujourd’hui dans des espaces à mi-parcours entre le Moyen Âge, l’âge d’or de l’expressionnisme et la science-fiction.

P.N.

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  • Notes à propos de la conception musicale

Wagner voulait, dans son "drame musical", réunir le drame et la symphonie et se sentait également responsable pour le mot et le son. Lorsqu’il a mis en musique ses propres livrets, il a choisi que de longs passages soient déclamés comme au théâtre, ce qui a pour conséquence que ses mélodies ne sont pas très harmonieuses et que l’intérêt musical se situe dans l’orchestre.

L’opéra traditionnel, qui a l’œil rivé sur les stars, a bien du mal à satisfaire aux impératifs wagnériens et présente bien trop souvent le chant comme un bel canto raté.

Dans cette production des Meistersinger, nous allons tenter d’aborder le chant wagnérien par l’autre côté, la déclamation, et nous confierons les rôles essentiellement à des comédiens. Les Meistersinger s’y prêtent comme aucune autre œuvre de Wagner, car on y trouve, moins qu’ailleurs, des cantilènes d’envergure.

Seul Walther von Stolzing a le droit d’apparaître comme chanteur de bel canto – plus particulièrement dans son chant de concours – le rôle a donc été confié, dans notre version également, à un ténor (Christoph Homberger, qui, avec l’arrangeur Stefan Wirth et moi-même, est responsable de la conception musicale).

Nous ne devions faire aucun compromis musical sur ce point dans la mesure où les comédiens chantent leurs rôles dans la forme originale, c’est-à-dire sans transposition, et dans la hauteur de ton et le rythme de la partition de Wagner tout aussi fidèlement que le font les chanteurs.

Pour la comédie des Meistersinger, Wagner a imaginé un orchestre plus léger que dans ses drames musicaux. Dans cette optique, notre production envisage elle aussi une radicalisation de l’intention de Wagner : nous renonçons totalement aux instruments à corde pour libérer le son du pesant et du gras.

Le fait d’introduire cinq instruments à vent lui donne à la place vivacité et mordant et permet d’exprimer la subtile polyphonie des Meistersinger avec une grande transparence.

L’ajout de deux pianos garantit que la phrase originale de Wagner puisse toujours se réaliser pleinement et dans toute son ampleur et que tous les effets de puissance des tutti soient possibles.

Le quintette à vent hautbois, clarinette, basson, trompette et trombone a été réuni également pour faire face aux déploiements de force car notre transcription ne vise aucunement à rendre la sonorité plus fluette ou même plus "pauvre", de même qu’en aucun cas il n’est question d’ironiser sur l’œuvre.

Certes les célèbres mélanges de timbres de Wagner ne sont possibles que jusqu’à un certain point, sans que pourtant il ne manque aucune couleur à l’orchestre, car en plus des instruments alternatifs (doublages d’instruments), le cor anglais (auprès du hautbois), le saxophone (auprès de la clarinette) et l’euphonium (auprès du trombone), on a eu recours à un synthétiseur qui se charge des parties de la harpe, du luth et de l’orgue et qui en outre peut être utilisé comme liant pour l’ensemble relativement hétérogène, tout comme Schönberg se servait de l’harmonium par exemple dans ses arrangements des valses de Strauss.

En aucun cas donc la réduction de la distribution n’est associée à une simplification. Dans l’arrangement de Stefan Wirth, aucune note de la partition originale n’a été supprimée, quelques-unes même ont été ajoutées.

Dans le deuxième acte, des passages de voix parallèles à une mélodie, dans la manière du faux-bourdon, suscitent un désarroi qui correspond aux désordres auxquels les acteurs se voient confrontés. Dans le troisième acte, et plus particulièrement dans le prélude, qui a été profondément remanié et repoussé vers la fin, la nouvelle version s’échappe par moments du corset des tonalités harmoniques dont Wagner ne s’était pas libéré malgré toutes ses innovations.

Walther est dans notre version musicalement un peu plus audacieux et atteint dans son chant de concours les sommets d’un Skriabine.

La plus grande intervention consiste toutefois dans la réduction de l’étendue de la partition des Meistersinger. La production des Meistersinger dans un théâtre et non dans un opéra ne pouvait que nous engager à enrichir le texte wagnérien d’autres éléments textuels, à ne pas imiter ce petit monde borné des coteries du récit.

Wagner se perd dans les détails dans les Meistersinger, si bien que, pour notre propos, nous pouvions aisément renoncer à bon nombre de passages dans lesquels s’engagent des considérations de toutes sortes, ou quand l’action se ramifie dans des digressions secondaires. Notre choix s’est borné à l’essentiel, tant sur le plan dramaturgique que musical.

Pour cette raison, nous avons procédé différemment dans les trois actes. Nous avons fragmenté le premier acte de telle sorte que les rapports entre les personnages et les situations dans lesquelles ils se trouvent deviennent clairs. En opposition à cette fragmentation du premier acte, nous avons maintenu dans le deuxième l’unité d’ensemble et relativement très peu coupé par rapport à l’original.

Le deuxième acte est chez Wagner non seulement le plus court mais également le plus influencé par l’action et le moins chargé en digressions philosophico-esthétiques.

Dans le troisième acte, nous avons pris comme principe d’organisation la structure des motifs qui était déjà présente chez Wagner de façon latente (L’Hommage de David à Sachs, le "Wahn Monolog" de Sachs, le Chant de concours de Walther et sa caricature par Beckmesser, la Marche des Meistersinger).

Ici notre procédure d’arrangement s’inspire des formes du Singspiel et de la comédie musicale, mais notre propos n’a été aucunement de reproduire intégralement chaque "numéro" ni de suivre fidèlement le texte wagnérien dans le découpage des scènes. Les intervalles entre les "numéros musicaux" sont plutôt censés ouvrir l’espace à des choses nouvelles.

Voilà en fait le but essentiel de notre arrangement musical : qu’une fois libérée des contraintes de l’opéra traditionnel, la thématique des Meistersinger apparaisse sous une nouvelle perspective que, même dans sa mise en scène la plus audacieuse, elle aurait été incapable d’atteindre.

Christoph Keller

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Meese aime Wagner, ce qui n’est absolument pas mon cas.

Tout ce qui constitue la modernité de l’art, moi y compris des manifestes futuristes aux réalistes est tout simplement mis en accusation par lui, par sa germanité et son idolâtrie du peuple. Un opéra comme les Meistersinger n’a pas constitué impunément la clé de voûte de l’œuvre d’art total national-socialiste de 1933.

Les monter avec un artiste comme Meese, qui incarne tout ce qui a été à cette époque dénoncé comme "dégénéré", c’est aux antipodes/le monde à l’envers et c’est ce pied de nez qui me plaît.

Dans notre version, le Moyen Age entrera en collision avec le vaisseau spatial Enterprise. Meese adore ce genre de référence grand public. Les commentaires typographiques dont il sature la scène mettent en branle une démarche intellectuelle radicalement autre. C’est justement ça que je trouve excitant.

Frank Castorf

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Traduction des textes Nicole Roethel

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Spectacle terminé depuis le vendredi 12 janvier 2007

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