Lucrèce Borgia

Alors que Le Roi s’amuse est un échec cuisant pour Hugo, Lucrèce Borgia est sans doute l’un de ses plus grands succès, grâce notamment à l’interprétation mémorable de Mlle Georges dans Lucrèce, et de Frédérick Lemaître dans Gennaro. Ce drame, qui prend quelques libertés avec l’histoire des Borgia dont il s’inspire, possède un souffle unique mêlant une extrême violence et une action très serrée. Gennaro, jeune seigneur taciturne en quête d’identité, rencontre une dame qui le fascine et l’attire instinctivement. Ses compagnons de beuverie lui révèlent l’identité de cette femme : c’est Lucrèce Borgia, le monstre fait femme, la goule, l’empoisonneuse, la criminelle, l’incestueuse. Condamné à mort par Alphonse d’Este, Gennaro est sauvé par Lucrèce qui lui tend un contre-poison. Toutefois, blessée par les amis de Gennaro, Lucrèce décide de se venger d’eux. Au cours d’un banquet orgiaque et macabre, cinq cercueils sont disposés et attendent les dépouilles… Mais il y a six convives, parmi lesquels Gennaro… Ce drame est incontestablement l’une des plus grandes réussites de Hugo ; le suspense y atteint des paroxysmes à la limite du soutenable. La confrontation de la mère et du fils prend ici une valeur symbolique : la “difformité morale” de cette femme “la plus hideuse de toute” devient, face à Gennaro, “presque belle à nos yeux”.