Les Troyennes

Paris 20e
du 30 avril au 17 mai 2002

Les Troyennes

C’est tout d’abord la réussite remarquable de l’adaptation par Sartre, philosophe de la pensée contemporaine, du texte antique d’Euripide qui nous a enthousiasmé. Un pont magistral entre la Grèce du V ème siècle avant J.C. et la France des années 60 - ce genre de correspondance qui est l’essence même du théâtre que nous recherchons…

Présentation
Le travail du Chœur
Le Théâtre d’Ulysse

C’est tout d’abord la réussite remarquable de l’adaptation par Sartre, philosophe de la pensée contemporaine, du texte antique d’Euripide qui nous a enthousiasmé. Un pont magistral entre la Grèce du V ème siècle avant J.C. et la France des années 60 - ce genre de correspondance qui est l’essence même du théâtre que nous recherchons.

Elle est frappante dès qu’une interprète donne vie à ce texte. On « entend » les deux époques, le souffle de la tragédie et la clarté d’une langue directe. Un parler qui sait être quotidien et poétique, puissant et radical.

Ce sont ces mêmes qualités médiumniques qui avait guidé le choix de « Nerfertiti » d’André Chedid et du « Fusil de Chasse » de Yasushi Inoué précédentes productions du Théâtre d’Ulysse.

En plus des rôles magnifiques qu’offre cette version, le Chœur garde la place centrale qu’il avait dans l’original. Ce dont il est question, celles dont l’on parle, les Troyennes, c’est le chœur. Il est très évidemment, le cœur de la pièce, si l’on veut faire se répondre les homonymes. D’où la prééminence du travail du chœur.

Et ceci nous renvoi aux années 60-70, au théâtre de ces années-là, au Living Théâtre, à la Mama, à Grotowski, au théâtre corporel où l’on cherchait avec une telle intensité à faire jaillir la parole du corps en même temps que le mouvement dans une catharsis, effet recherché par la représentation théâtrale antique, selon Aristote...

Ici, le travail du chœur a été dirigé par Stefano Fogher, formé au techniques de théâtre corporel de Grotowski et Eugenio Barba, d’autre part musicien, contrebassiste et maître de l’improvisation.

Notre travail en atelier a tout de suite trouvé de puissants échos dans l’actualité avec les évènements du 11 septembre et les nombreux reportages sur l’Afghanistan qui ont suivi . Nous cherchions à faire revivre les Troyennes, les femmes du Moyen-Orient, brisées, réduite en esclavage, « grands oiseaux de deuil » qui ont perdu leur identité.

Au même moment nous voyions sur les écrans ces femmes bien réelles, elles aussi anéanties sous leurs burgas, étouffées par d’autre idéo-folies. Nos Troyennes seraient leurs porte-parole.

Ce qui nous ramène au rapport du chœur et du coryphée, du groupe et de celle qui se saisit de la parole au nom des autres pour faire savoir.

Dans cette perspective politique, nous avons considéré les protagonistes comme celle qui osent le plus dire la vérité, se « dévoiler ». Mais profondément, elles ne sont qu’un : « Troyennes ». Donc toutes participent à ce chœur et toutes pourraient être Cassandre ou Andromaque, femmes d'après l’effondrement mais qui s’avancent.

Poséidon, dieu protecteur de Troie, a perdu la partie. Il partage le sentiment des Troyennes et n'est pas loin de partager aussi leur condition. Il sera présent pendant tout le spectacle, auprès de ses dernières adeptes. Il les accompagnera, les soutiendra, les influencera par sa musique, par les vibrations de sa contrebasse, par son chant. 

La direction d’acteur cherche toujours la spontanéité, l’authenticité. Une part importante d’improvisation est laissée aux interprètes. Par analyses et recentrages successifs nous dégageons la forme que seule la représentation publique pourra ciseler. Chaque représentation doit être une expérience originale où habiter les espaces ménagés à l’inspiration.

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C'est comme d'autres tragédies, une pièce de Chœur.
C'est comme d'autres réalités, un Chœur de femmes.
Ce sont les Troyennes,

Permettons nous, maintenant de paraphraser Alfred Jarry ; mais à l'envers.
Les Troyennes existent parce que Troyes existe.
Le Chœur existe parce qu'on est dans le code théâtral de la tragédie.
La Catastrophe finale est l'écroulement de Troyes en flammes et avec elle, les Troyennes cessent d'exister, donc le Chœur, donc la pièce.
Poséidon reste, seul, un peu perdu, abandonné, pour fermer le rideau jetant au public l'imbécillité des mortels à faire la guerre.
Par une ellipse, peut-être improbable mais fascinante, ces femmes là sont des « femmes pierre ».

Le Chœur sur scène est un écran multiple, comme des pierres.
Un écran sur lequel le public, aujourd'hui, verra, sentira, c'est-à-dire pourra projeter les Troyennes aussi.

Mais, au delà, on reconnaît ces femmes, on sait que, comme on est au théâtre, ce sont des actrices, évidemment !
Mais elles ne jouent pas les femmes comme les pierres ne jouent pas les pierres. 
C'est une évidence.

C'est pour cela que le Chœur est encré dans le présent, qu'il peut improviser prenant source dans la réalité qui l'entoure, mais, non pas la réalité fictive de la pièce qui donne vie et focalise les personnages. Le Chœur n'est pas un personnage. Il n'est pas redevable à la scène. Il est le Passeur : celui qui parle au public et en même temps, son miroir. Il vit donc la « réalité vraie » de l'instant. Et il est capable de saisir beaucoup d'occasions pour transformer le monde sensitif autour de lui en signes dramatiques.

En étant un organisme sensible, le chœur ne réagit pas seulement au protagoniste (acteur, soliste, danseur, peintre, etc.), mais aussi à l'espace que le protagoniste peut ouvrir. Espace physique, mais également espace imaginaire, poétique.
Chaque élément du chœur peut réagir différemment mais avec une profonde cohérence d'ensemble.

Prenons un exemple.

Le protagoniste se déplace en avant scène en disant : - Je me souviens : le vent. -

En rapport au déplacement : en outre à la règle d'équilibre de plateau au sens strict, C'est à dire en considérant seulement la scène et sa dimension horizontale, il peut y avoir un équilibre de plateau qui prend en charge toute la cage de scène, et même toute la salle du théâtre (en incluant du coup le public).

Au-delà de ce premier degré, le chœur prendra en compte la qualité d'énergie proposée par le protagoniste, son adresse, son regard. Et ses intentions : c'est-à-dire comme il vit et, en même temps, comme il dit, profère cette phrase.
Et puis les mots.
Considérés un par un : est-ce qu'il y a un mot-titre ?
Est-ce : « je »?
Ou est-ce : « me souviens »?
Ou est-ce : « le vent », ?
Ils pourraient être des mots-matière répétés jusqu'à la perte, ou mieux la
sublimation, du sens.

Je voudrais utiliser le stratagème de la petite histoire, l'anecdote, l'exemple exact pour donner une image un peu concrète du Chœur.

J'habite à la campagne et plus exactement aux pieds des Alpilles non loin de la Camargue. Un jour en me baladant avec ma chienne nous sommes arrivés sur un sentier qui longe un champ où un troupeau de taureaux (modèle complet : vieux mâles, mères et enfants, jeunes énergiques : tous noir de noir) faisaient leurs affaires. Évidement entre le champ et le sentier il y avait un grillage de barbelés. Juste derrière le grillage : un jeune taureau séparé des autres. La chienne et le taureau se sont mis à se regarder.
Nous nous disposions ainsi : moi sur le chemin, devant moi la chienne, puis le taureau et, derrière, le troupeau.
La chienne s'aperçut vite que le taureau bougeait, sans la quitter des yeux, chaque fois qu'elle sautait à droite ou à gauche.

Petit à petit je réalise que les jeunes du troupeau, sans le quitter, suivent les déplacement du taureau et impulsent au groupe entier le mouvement. Les jeunes nerveux suivent donc le taureau isolé, les grands mâles, blasés, ne regardent même pas mais sentent le mouvement et se déplacent avec les autres, les taurillons ont peur et se cachent derrière leurs mères qui suivent les mâles.

Tout cela faisait comme une onde, une machine articulée, commandée par les mouvements de la chienne qui, réalisant ce qui se passait se faisait un malin plaisir à faire bouger tout ce monde. Le seul qui vraiment la regardait, c'était le jeune taureau isolé.

Et voilà la vision organique d'un chœur avec son équilibre de plateau :

moi : le spectateur, la chienne : la protagoniste, le jeune taureau seul : le coryphée, le troupeau : le chœur.

Au-delà des trois unités classiques : lieu, action, temps il y avait une unité de groupe : tous des taureaux, tous noir ; mais chacun différent d'âge, de sexe, de morphologie ou de position dans le groupe. Et ces différences, loin de se contredire, mettaient encore plus en évidence l'ensemble.

Je ne suis pas un chercheur mais je suis sur que le jeune taureau seul avait une fonction, un rôle : il était « détaché » du troupeau.
Et où s'arrêtait la scène ? On peut considérer, par exemple, seulement le troupeau. Ou alors on élargi le champ : on voit le coryphée agir.
On élargi encore un peu : voilà la chienne de l'autre côté des barbelés. Et puis, sur la perspective du chemin, cet homme seul qui s'élit spectateur.

On peut prendre chacun de ces « acteurs » seul, chacun est dans une action qui a du sens, même si, sans l'ensemble, on ne peut pas la comprendre (la prendre avec).

Stefano Fogher
Directeur de Choeur Théâtral

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Comme le personnage d’Homère, choisi comme figure de proue, le Théâtre d’Ulysse aime voyager. Il aime embarquer le spectateur dans le théâtre comme dans un bateau pour le surprenant voyage immobile à travers le temps et l’espace.

Première destination : l’Egypte du XIVème siècle avant J.C. avec « Nefertiti » de Andrée Chédid, crée en 1992 puis repris en 1997 à l’Institut du Monde Arabe à Paris.

Seconde destination : le Japon des années 50 avec « Le Fusil de Chasse » de Yasushi Inoué, présenté au Théâtre des Songes à Paris en novembre 2000 puis créé au Festival d’Avignon 2001 au Théâtre La Luna.

Troisième destination : en projet, la Russie de la fin du XIXème à nos jours à travers trois auteurs : Tchekhov, Vampilov, Petrouchevskaïa pour un spectacle intitulé « Je t'aime ».

Quatrième destination : le monde grec du V ème siècle avant J.C. à travers « Les Troyennes » d’Euripide, réactualisées par l’adaptation de Jean-Paul Sartre.

Autre spécificité de la troupe : construire les spectacles en ateliers à longs termes à partir des explorations des acteurs - où là aussi nous rejoignons Ulysse, son voyage au long cours scandé par les expériences extraordinaires de chaque étape – d’où une prépondérance à la recherche de l’inspiration de l’interprète.

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Spectacle terminé depuis le vendredi 17 mai 2002

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