Le sang des amis

Traversant tête baissée Jules César et Antoine et Cléopâtre de Shakespeare, Jean-Marie Piemme et Jean Boillot s’emparent de l’histoire romaine pour mieux raconter la nôtre. La guerre civile est ici réinventée grâce à la fougue de huit comédiens, capables d’endosser une quarantaine de rôles. Eblouissant !
  • La guerre civile, l'Empire et le pouvoir disséqués

Traversant tête baissée Jules César et Antoine et Cléopâtre de Shakespeare, Jean-Marie Piemme et Jean Boillot s’emparent de l’histoire romaine pour mieux raconter la nôtre. Trahison, aveuglement, abandon, c’est toute la folie, la furie de la guerre civile qui est ici jouée, réinventée grâce à la fougue de huit comédiens, capables d’endosser une quarantaine de rôles, de passer par tous les styles (du clownesque à l’épique), de tricoter à vue serments d’amour et discours politiques, professions de foi et mensonges éhontés, bruitage et chansons, comme pris à l’intérieur d’une immense dramatique-radio. Ensemble, ils réinventent à leur manière, entre récit et jeu, tragédie et humour, parole et musique, un théâtre épique résolument contemporain.

A travers ce théâtre de reconstitution, c’est précisément l’écho actuel qui est recherché. «Toute guerre civile est d’aujourd’hui», ponctue un personnage.

Jean Marie Piemme sera édité aux éditions Actes Sud Papier en avril 2011.

  • Mot du metteur en scène

Le Sang des amis s’inscrit dans une continuité thématique et formelle de mon travail. En 2005, j’ai monté Coriolan qui racontait l’invention du politique et de la République Romaine. Le Sang des amis raconte la fin de la République, épuisée par quatre guerres civiles successives et l’avènement de l’Empire. La forme épique (le mélange de scènes et de récits) qu’emploie Jean-Marie Piemme prolonge mon travail sur le théâtre-récit où on fait primer le narratif sur le dramatique en racontant une histoire avant de la jouer.

J’aime profondément l’écriture de Jean-Marie Piemme parce qu’il écrit adossé à l’Histoire (l’Histoire politique et l’Histoire du théâtre) en s’adressant au spectateur d’aujourd’hui. Avec Le Sang des amis, il vise les générations (la mienne) qui n’ont pas connu la guerre, prises dans l’illusion qu’elle ne les concerne plus. J’habite un pays pacifié. Je connais la guerre « par contumace », par les témoignages, par les films, par la télévision. Dans un monde médiatique qui vise à estomper les contours du réel, les différences, les divisions qui pourtant nourrissent les ressentiments et font le lit de conflits à venir (en témoignent les conflits des banlieues ou le conflit entre communautés en Belgique), le théâtre de Piemme vient nous rappeler que « toute guerre civile est d’aujourd’hui » : la paix est l’exception et la guerre la règle.

Jean-Marie Piemme converse ici avec Brecht et son théâtre épique, en prenant ses distances. D’un « théâtre politique », érigé par le dramaturge allemand pour changer le monde, lui écrit sur les ruines du XXème siècle (la fin des grands récits, l’essoufflement des idéologies) et fait ici un « théâtre du politique », c'est-à-dire un théâtre qui « montre à sa façon ce que dit le politique mais il dit aussi ce que le politique ne peut pas dire » c'est-à-dire, l’impossible, la contradiction, la pulsion, la tragédie. Jean-Marie raconte des fables. Mais il les raconte par une succession d’éclats qui mêlent récits et saynètes, multipliant les points de vue sur le même objet. Jean-Marie et moi partageons un goût pour un théâtre de la reconstitution : polyphonique et éclaté, mélange de sublime et de trivial.

Jean-Marie Piemme avait écrit déjà pour moi (la Vérité) et notre dialogue avait été très fructueux. Dès que j’ai lu Le Sang des Amis, ce fût l’évidence : je monterai ce texte, pour son sujet, pour sa forme et pour le processus de travail qui allait s’en suivre. J’ai appelé Jean-Marie Piemme et nous avons entamé une conversation que nous souhaitions faire durer jusqu’à la première représentation, faisant évoluer sans cesse le texte dans un rapport étroit avec l’écriture de la mise en scène, au contact de toute l’équipe artistique. En particulier du compositeur et du sonographe qui depuis quelques années sont des collaborateurs fondamentaux dans ma recherche d’un alliage entre écriture dramatique et écriture sonore.

C’est encore un point commun avec Jean-Marie : nous aimons un théâtre mélangé qui se confronte avec d’autres arts.

Jean Boillot

  • Pour un théâtre engagé et ancré dans le présent

La réécriture que j’ai entreprise avec Le Sang des amis (titre générique reprenant les deux pièces) vise non à corriger la vision shakespearienne (en quoi Shakespeare devrait-il être corrigé !), mais à faire apparaître dans une ordonnance nouvelle ses savoirs ou ses intuitions et à organiser la narration et le langage pour une théâtralité d’aujourd’hui, pour des acteurs d’aujourd’hui, pour des yeux et des oreilles d’aujourd’hui.

Le théâtre peut et doit participer au débat démocratique. Avec ses moyens. Selon sa spécificité. Il doit donner forme au bruit du monde autrement que la politique, le journalisme ou la communication. C’est pourquoi en articulant le narratif et le dramatique, en accentuant la possibilité de sortir de la représentation illusionniste pour aller vers un théâtre de contact avec le spectateur, en visant à poursuivre la visée shakespearienne d’un théâtre direct et vigoureux, je propose ici un matériau épique largement ouvert aux propositions de la mise en scène.

Jean Boillot

  • La presse en parle

 " Du théâtre sonique, c’est ainsi que Jean Boillot nomme son art. On ne s’étonnera donc pas qu’il se présente en speaker dans un studio radio, surplombant, commentant, sonorisant les événements avec une désinvolture superbement orchestrée. Sur un astucieux plateau à tiroirs (la morgue n’est pas loin), huit comédiens éventuellement bruiteurs et musiciens jouent avec une fougue non moins rafraîchissante Le Sang des amis, de Jean-Marie Piemme. Soit un condensé des shakespeariennes pièces romaines Jules César et Antoine et Cléopâtre. Le pouvoir, ses schizophrénies, ses passions et ses compromissions sont surlignés entre évidence et irrévérences. Deux vétérans façon Dupont et Dupond, un jeter de chaussures en pleine « conférences de presse » antique… Ne cherchez pas l’erreur, c’est que du bonheur. (…) " Télérama, Cathy Blisson

 " Avec la création de l’oeuvre intitulée Le Sang des amis, que l’écrivain wallon Jean-Marie Piemme a conçue, le metteur en scène Jean Boillot se rappelle à notre bon souvenir en qualité d’opérateur d’intensité. C’est plaisir que de le retrouver avec ce texte robuste, verveux, qui n’hésite pas à faire parler les morts illustres à l’usage d’aujourd’hui. César, Brutus, Antoine, Octave qui deviendra l’empereur Auguste, Cléopâtre, Calpurnia, Cicéron, etc., ils sont huit (Adama Diop, Roland Gervet, Philippe Lardaud, Julie Pouillon, Isabelle Royanette, Medhi Bourayou et Laurent Conoir) pour les réincarner avec feu, à la façon des mimes funéraires de la Rome antique, la scène étant dans un cimetière, lequel pour Genet signifiait le théâtre idéal. Guerres civiles, luttes au couteau pour le pouvoir (lequel est pour chacun affaire d’idyosincrasie), meurtres en cascade et séduction des masses, tout y est, avec musique SVP, le détour par l’Antiquité n’ayant d’autre but que de magistralement suggérer aujourd’hui, par le truchement de la communication radiophonique à vue, Boillot « in person » jouant le reporter. (…) " L'Humanité, Jean-Pierre Léonardini

 " L’histoire de Jules César et d’Antoine et Cléôpatre, revisitée pour les temps modernes par Jean-Marie Piemme à partir de Shakespeare (lui-même inspiré de Plutarque) et mise en scène par Jean Boillot ne cesse de nous faire rire, bien que le contexte ne s’y prête guère. Une succession de courses au pouvoir, de trahisons, de vengeances, de tueries … Mais il est cruellement bon de rire l’horreur, de rire de ces dérisoires jeux de chaises musicales entre assoiffés de pouvoir, entre les esprits tyrans et ceux empreints de liberté. Les comdédiens jonglent avec leurs multiples rôles avec excellence (quelle Isabelle Ronayette notamment !) scénographie étonnante. Même le public a sa place dans cette farce politique. Et l’introduction des « Georges », duettiste à la Laurel et Hardi, est un exemple de distanciation apportant autant à la réflexion qu’à l’amusement. (…) " Centre Presse, Marion Valière Loudiyi

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Spectacle terminé depuis le dimanche 29 mai 2011

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