
Spectacle en allemand surtitré en français
Texte d'après L’invité, Les Argonautes, Médée.
La tragédie d’une rencontre entre des cultures différentes : telle pourrait être le moteur de la version du mythe antique de Médée que compose Grillparzer (1791-1872) en puisant chez Ovide, Euripide et Sénèque. Mais là où Euripide se contente de relater dans son prologue l’histoire qui précède les dernières heures de Médée à Corinthe, Grillparzer en fait une action scénique. Il replace Médée dans son contexte d’origine : fille de roi, dans un pays « sauvage », où vit une société selon des règles et une éthique qui lui sont propres. L’acte meurtrier de son père, qui tue Phryxus pour lui arracher la toison d’or que celui-ci avait ramenée de Delphes, déclenche la condamnation de la famille – Médée, douée de prophétie, l’annonce dès le début.
Chez Grillparzer, Médée devient une sorte d’Amazone, habitée d’une volonté féroce et intelligente, qui affirme son indépendance : quand elle s’éprend de Jason, le grec à la reconquête de la toison d’or, elle se décide en faveur de lui, contre son père et sa patrie. Bannie, elle part avec Jason pour un pays inconnu. S’ouvrant sur son arrivée dans la « civilisation », la pièce met en scène la vie du couple dans le contexte d’une société qui rejette radicalement ce qui lui semble étranger. Médée essaie vainement de s’intégrer socialement en tant que femme, épouse, mère, tandis que Jason souffre d’être lui aussi exclu pour avoir amené une étrangère, et devient objet de suspicion. Avant que Jason ne décide de la quitter pour Kréusa, leur relation est comme empoisonnée. Médée est en effet la dernière qui, malgré ses efforts, reste en dehors de la vie sociale à Corinthe, même ses enfants préfèrent la Cour à la compagnie de leur mère. La décision de tuer les enfants devient ainsi non seulement un coup mortel contre un Jason rongé par l’ambition et à la morale ambiguë, mais la réaction à une déception fondamentale : Médée sait qu’elle a échoué dans sa tentative pour s’adapter et trouver une place. Ramenant la toison d’or au temple de Delphes, elle se dérobe au jugement de l’humanité et s’en remet à celui des Dieux.
Avec quatre comédiens seulement, un décor épuré, une chorégraphie simple et un violoncelle qui rythme l’action et fonctionne en même temps comme le symbole de la civilisation grecque, Karin Beier trouve un ton bouleversant pour la tragédie : mêlée à une grande précision formelle, sa vision sociale et psychologique profonde témoigne d’une modernité étonnante, qui, jamais forcée, puise au contraire dans le texte.
9, bd Lénine 93000 Bobigny
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