La reine de beauté de Leenane

Boulogne Billancourt (92)
du 28 septembre au 11 novembre 2004
1H45

La reine de beauté de Leenane

Il est des femmes dont l’amour ne peut s’exprimer qu’en creux, sous forme d’une éternelle demande, ou dont le vide dépressif se manifeste par l’absence toujours vécue par un enfant comme absence d’amour.
Martin McDonagh a convoqué dans son théâtre ces gens de peu qu’animent de violentes passions et de profonds mouvements de l’âme qu’ils n’ont pas les moyens d’exprimer par les mots. Au point qu’à juste titre le spectateur est sans cesse dans la crainte d’un possible et désastreux passage à l’acte, oscillant de la sympathie à la détestation, de l’apitoiement au rire, car ce théâtre-là est souvent de la même drôlerie que celui de Beckett.

Sur La reine de Beauté de Leenane 
Les filles et leurs mères

Filles de leur fille

Extraits de presse

En 1898 sur le conseil de Yeats, alors président de l’Irish National Theatre Society, John Milligton Synge quitte Dublin pour les îles d’Aran à l’ouest du Connemara afin d’y vivre avec les paysans et d’y apprendre le gaélique. De cette expérience fondatrice naîtra l’essentiel de son œuvre dramatique, dont Le Baladin du monde occidental est la pièce la plus connue, fortement inspirée par le baragouin anglo-irlandais des paysans du comté de Galway (est-il besoin de rappeler que « baragoin » est né de la francisation de deux mots bretons qui signifient « pain blanc »).

Contrairement à Yeats, Synge, Shaw, O’Casey, Behan et Beckett dont il semble l’héritier naturel, Martin McDonagh n’est pas irlandais.
Il est né dans un quartier ouvrier de Londres il n’y a guère plus de trente ans, de parents d’origine irlandaise. Mais il a lui aussi fait le voyage du comté de Galway à l’occasion de ses vacances scolaires et il a lui aussi entendu ses oncles et ses tantes baragouiner l’anglo-irlandais des habitants du Connemara.

Plus tard, il fera presque involontairement de cette découverte la matière de son théâtre, et il dira qu’il entend les voix de ses personnages dans sa tête et qu’écrire revient pour lui à retranscrire la parole des autres. En l’occurrence de ces autres d’en bas qui ont si peu accès au statut de personnages dans notre théâtre et dans notre cinéma français, alors qu’ils peuplent le cinéma anglais d’aujourd’hui, celui de Ken Loach, de Mike Leigh ou de Stephen Frears par exemple.

Il est vrai qu’il n’est pas facile de « faire l’intelligent » avec des personnages qui n’ont guère plus de quatre-cent mots à leur vocabulaire et qui seraient bien en peine de philosopher sur leur destin et encore moins sur celui du Monde.
Ce sont pourtant bien ceux-là que Martin McDonagh a convoqué dans son théâtre, gens de peu qu’animent de violentes passions et de profonds mouvements de l’âme qu’ils n’ont pas les moyens d’exprimer par les mots.
Au point qu’à juste titre le spectateur est sans cesse dans la crainte d’un possible et désastreux passage à l’acte, oscillant de la sympathie à la détestation, de l’apitoiement au rire car ce théâtre-là est souvent de la même drôlerie que celui de Beckett. Le comique y naît de l’inajustement des personnages à eux-même et aux autres, de leurs démêlés avec les mots, et de l’empathie dont l’auteur fait preuve à leur égard.

Gildas Bourdet

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« Je ne peux pas cracher sur ma mère sans me renier et me détruire puisque j’ai longtemps rêvé d’être comme elle en désespérant y parvenir un jour. Je ne peux pas la regarder comme je sens, aujourd’hui, qu’elle est en réalité, puisque c’est son exemple qui m’a happée, qui m’a hantée, qui m’a inspirée. Je ne peux tout de même pas m’être trompée à ce point. Je n’ai pas pu me construire sur du semblant. Ce serait effrayant ! Je n’ai pas pu me laisser prendre à une image. C’est impossible ! Et, me le dirait-on que je récuserais une telle opinion. Je veux bien avoir évolué. Mais je reste tout de même celle que j’ai toujours été, depuis ce tout premier âge où le son de sa voix, son parfum, son sourire, le bruit de ses pas suffisaient à me donner l’idée la plus juste de toute la merveille du monde. L’amoindrir, c’est m’amoindrir. La casser, c’est me casser. La mépriser, c’est me mépriser. La juger, c’est non seulement me juger, mais m’exposer à être jugée à mon tour. Et comment imaginer que j’aie pu un jour ne pas m’en sentir aimée. Si je ne l’avais connue aimante et si je ne la reconnaissais pas encore à ce jour aimante, que pourrais-je faire de ce désert affectif et pourrais-je me sentir un jour digne d’un quelconque amour ? (…) C’est moi qui ai dû faillir. Ça ne peut être que moi. C’est certainement moi qui l’ai déçue. C’est moi qui n’ai pas été à la hauteur et qui n’ai pas dû répondre à son attente. C’est moi, ingrate, stupide et ignorante, qui n’ai pas su l’apprécier et la comprendre. (…)

Irréprochables. Les mères sont par définition irréprochables. Tout le monde le sait. Tout le monde le reconnaît. Et il ne manque pas d’occasion pour qu’on le proclame et le répète. La noblesse de la tâche maternelle n’est-elle pas portée au pinacle ? N’est-elle pas encensée jusque dans les institutions ? N’est-elle pas le socle de toute morale ? (…) Et peut-elle seulement être prise à défaut, sauf par l’imbécile que je suis ? Je vais me taire. C’est sûrement ce que j’ai de mieux à faire. Enfouir tout ça. M’amender, me repentir, espérer seulement qu’il n’est pas trop tard.

Et voilà comment souvent, plus souvent qu’on ne le croit, les filles étouffent leurs revendications, parfois les plus légitimes. Elles n’ont pas la chance, comme leurs frères, d’être incitées par l’environnement à ne pas hésiter à se dresser et à se confronter de toutes les manières possibles à leur parent du même sexe. Ce serait ingérable, ça ferait désordre.(…) Et voilà comment, ne pouvant pas se faire reconnaître, se connaître ou être les filles de leurs mères, elles refoulent violemment leur agressivité et la subliment en devenant un jour les mères de leurs mères à qui elles ne marchanderont ni le dévouement, ni la soumission, ni la disponibilité. Luttant sans relâche contre ce qui remonte en elles et qu’elles enfouissent, non sans savoir que, le jour où cela sortira, ce sera sous une forme surprenante et qu’il leur vaudra mieux se garder des retours de bâtons. Au point qu’il est permis de concevoir que toute forme d’entente et surtout d’adulation qu’elles manifestent n’est que le masque d’une indicible terreur, taraudante et dévoreuse d’énergie. »

Aldo Naouri, Les filles et leur mères
édition Odile Jacob (1998)

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Il est des femmes dont l’amour ne peut s’exprimer qu’en creux, sous forme d’une éternelle demande, ou dont le vide dépressif se manifeste par l’absence toujours vécue par un enfant comme absence d’amour. Dans un couple l’homme peut y trouver son compte ou s’en lasser. Mais il n’en est pas de même pour un enfant et surtout, pour une fille. Quand une mère est empêchée de donner l’amour dont sa fille a besoin, qu’elles qu’en soient les raisons, la fille va tenter – avec les moyens dont elle dispose compte tenu de son âge physique et psychique – de prendre en charge sa mère.
Elle devient ainsi, consciemment ou non, consentante ou non, la mère de sa mère, afin de combler les « trous psychiques » que laisse ce qu’André Green appelle « un désinvestissement massif, radical et temporaire ».
Du point de vue tant de la société que de sa mère, identifiée à elle ou, à travers elle, la petite fille qu’elle a été, l’identité sexuelle la prédispose, plus que le garçon à occuper cette place de « mère de sa mère ».

Le renoncement à la toute-puissance

On n’a peut-être pas suffisamment réfléchi aux conséquences de la polysémie qui veut qu’en français on utilise un même terme, « enfant » pour désigner à la fois l’être non encore adulte et la progéniture.
Cette confusion ne serait que pittoresque si elle n’induisait, probablement, quelques ravages dans les rapports entre générations, et en particulier entre mères et filles compte tenu de la proximité du rapport d’identification qui les lie. Car si la mère continue à traiter sa fille devenue adulte comme si celle-ci était toujours « sa petite fille », il y a grand risque – pour peu que la fille ait réussi à prendre quelque distance avec sa mère – que l’une et l’autre doivent renoncer à une relation devenue impossible. La condition d’une relation durable entre mère et fille – une relation à laquelle seule la mort pourra mettre fin – c’est cette mobilité psychique de la mère qui doit accepter d’abandonner sa toute puissance supposée ou réelle, puis son pouvoir, puis son influence, jusqu’à inverser sa propre indépendance en dépendance à l’égard de sa fille.
Mais toute les mères, loin de là, ne savent pas passer de l’état de celle-qui-donne à l’état de celle-à-qui-l’on-donne. Dans ce cas, la marge de manœuvre de la fille est étroite : le rire et l’humour au mieux, la fuite ou l’éloignement affectif au pire. A moins qu’elle ne s’enferme elle-même dans l’état de petite fille incapable de sortir du nœud relationnel qui est la condition de son rapport avec sa mère – auquel cas, probablement l’ambivalence gagnera, le maintien de sa dépendance se payant de son lot de haine, de culpabilité et d’oblation.

Caroline Eliachef, Nathalie Hienich
Mères-filles, une relation à trois.
Éditions Albin Michel (2002)

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« Les Anglo-Saxons ont un génie particulier à porter au théâtre l’univers des petites gens de la campagne… et à leur faire exprimer des passions fortes sans que cela sonne faux, sans que cela fasse ringard… Gildas Bourdet qu’on est heureux de retrouver, présente au Théâtre de l’Ouest Parisien, à Boulogne, un spécimen très éloquent de ce théâtre anglais âpre, réaliste, proche de la nature et dont la sincérité atteint à l’universel, comme on le dit à propos de n’importe quoi, mais pour une fois c’est juste…Vous n’avez pas un penchant particulier pour le réalisme, vous n’aimez pas qu’on vous impose, qu’on vous « amène » l’action, ni que les mots expriment aussi crûment leur sens, vous préférez les signes aux objets ? Qu’importe, il y a trop d’originalité et de qualité théâtrale dans ce spectacle pour que vous le manquiez » - Philippe Tesson, Le Figaro Magazine, 3 mai 2003

« … On dira, plutôt, sur ce socle qui pourrait peser des tonnes d’horreur, l’intelligente virtuosité d’une mise en scène à la fois très réaliste et très enlevée, et la formidable présence de quatre remarquables comédiens, du moins connu et plus nuancé que les autres Vincent Winterhalter, au plus célèbre et ici tout à fait convaincant Lorànt Deutsch, star du cinéma et de la télé, de la fine mouche, toujours très juste, Marianne Epin, à l’époustouflante Isabelle Sadoyan, qui, dans la méchanceté piaillarde, l’égoïsme odieusement destructeur, la monstruosité sordide, fait une composition que l’on n’est pas prêt d’oublier… » - Annie Coppermann, les Echos, 6 mai 2003

« Gildas Bourdet conduit le drame, mettant parfaitement en place les rouages de la mécanique, qui vous happe et vous cloue dans votre fauteuil. Il y a, dans La reine de beauté de Leenane, beaucoup de moments formidables, à la fois touchants et drôles. » - Le Monde

« Tout y est : l’humour, la beauté, l’horreur, les caresses du rêve, les claques de la réalité et quatre excellents acteurs, plus vrais que nature. Du très très bon théâtre. » - L'Express

« Gildas Bourdet a dirigé avec efficacité quatre personnages au bout de la rage de vivre et du désespoir. Tous les quatre sont épatants de violence, de détresse, de vérité. » - Télérama

« On dira l'intelligente virtuosité d'une mise en scène à la fois très réaliste et très enlevée et la formidable présence de quatre remarquables comédiens : Marianne Epin, Isabelle Sadoyan, Vincent Winterhalter et Lorànt Deutsch. Du vrai théâtre.» - Les Echos

« Martin McDonagh signe ici une superbe œuvre : dialogues chocs, phrases percutantes, à la fois dramatique et drôle... » - Le Parisien

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Sélection d’avis du public

La reine de beauté de Leenane Le 8 novembre 2004 à 15h30

Un spectacle remarquable : un sujet grave traité avec une telle intelligence mêlé d'humour cela devient rare !on n'en sort pas indemne....;voilà pour le contenu Quant à la forme, l'interprétation, la mise en scène :Bravo Mr Gildas pour avoir réuni quatre grands talents,quatre comédiens dont la personnalité, le jeu, la présence font une alchimie qui nous séduit complètement .La vérité de chacun entraîne complètement le spectateur : du vrai théâtre !On en redemande!! Merci à tous!

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La reine de beauté de Leenane Le 8 novembre 2004 à 15h30

Un spectacle remarquable : un sujet grave traité avec une telle intelligence mêlé d'humour cela devient rare !on n'en sort pas indemne....;voilà pour le contenu Quant à la forme, l'interprétation, la mise en scène :Bravo Mr Gildas pour avoir réuni quatre grands talents,quatre comédiens dont la personnalité, le jeu, la présence font une alchimie qui nous séduit complètement .La vérité de chacun entraîne complètement le spectateur : du vrai théâtre !On en redemande!! Merci à tous!

Informations pratiques

Théâtre de l'Ouest Parisien

1, place de Bernard Palissy 92100 Boulogne Billancourt

Accès handicapé (sous conditions) Bar Grand Paris Hauts-de-Seine Restaurant Vestiaire
  • Métro : Boulogne Jean Jaurès à 460 m
  • Bus : Église à 189 m, Rue de Billancourt à 346 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Théâtre de l'Ouest Parisien
1, place de Bernard Palissy 92100 Boulogne Billancourt
Spectacle terminé depuis le jeudi 11 novembre 2004

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