La guerre de deux mille ans

Saint-Denis (93)
du 24 octobre au 30 novembre 2003

La guerre de deux mille ans

Kateb Yacine, je le nomme l'ancêtre homme-peuple. Son père lui avait dit : "L'histoire de notre tribu n'est pas écrite. La langue française domine, il te faudra la dominer, mais une fois passé maître dans cette langue, tu pourras sans danger revenir à ton point de départ." Et c'est ce que fit Kateb Yacine, journaliste, dramaturge, poète de la libération des peuples et citoyen du monde, Kateb le marxiste, le militant, le moraliste dénonciateur de toutes les injustices, défenseur des minorités oubliées, des couches sociales exploitées et trompées.

Présentation
L'ancêtre homme-peuple
Un homme d’amour et de progrès

Une lutte pour l'Afrique

Un combat universel
Le poète comme un boxeur
Les chants Kabyles de Taos Amrouche

La Guerre de 2 000 ans se présente sous la forme d’une farce tragique, composée de tableaux historiques fragmentés, qui fustigent les conflits d’intérêts dans cette région de l’Afrique, traversée par des invasions multiples et sanglantes, où la liberté et la justice - tant de fois espérées et tant de fois promises - se font attendre.

L’écriture de Kateb Yacine transcende les événements et sublime le réel pour démonter la mécanique des puissants et l’aliénation des faibles. La mise en scène associe l’épique, le tragique, et l’esprit des contes de Djouha, personnage nord-africain mythique et drolatique.

La première phrase prononcée de La Guerre de 2 000 ans est : « Le feu, toujours le feu ! ». La pièce de Kateb Yacine pourrait avoir pour titre celui, célèbre en son temps, donné aux malheurs et aux convulsions politiques de l’Afrique du Nord : « Le Maghreb en feu ».

En arabe, « Maghreb » désigne à la fois les trois pays Maroc, Algérie et Tunisie. Luttes intestines, Guerre du Rif (1920), conquête de l’Algérie par l’armée française, soulèvement de Sétif le 8 mai 1945, début du conflit au Moyen-Orient, sont les points d’orgue de La Guerre de 2 000 ans.

La version à laquelle travaille Med Hondo, devra beaucoup au travail remarquable de Zebeida Chergui, à qui l’on doit l’édition d’octobre 1999 aux Éditions du Seuil d’une partie du théâtre inédit de Kateb Yacine sous le titre de Boucherie de l’Espérance

Alain Ollivier

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Kateb Yacine, je le nomme l'ancêtre homme-peuple. Son père lui avait dit : "L'histoire de notre tribu n'est pas écrite. La langue française domine, il te faudra la dominer, mais une fois passé maître dans cette langue, tu pourras sans danger revenir à ton point de départ." Et c'est ce que fit Kateb Yacine.

Il a écrit pour dire aux Français en français que les Algériens n’étaient pas français ! Mais il a aussi appelé le peuple français à faire cause commune pour la libération nationale de l’Algérie.

Mais cela était-il suffisant ? Non ! Kateb Yacine, dans son travail quotidien acharné, convoque l’Histoire comme rempart à toute illusion par-delà tous les mythes protecteurs aliénants. Il décode le destin pour lui faire rendre gorge... où les conflits nécessaires entre les hommes font que de la mort naît la vie... qui meurt ; les bouleversements historiques charriant des fleuves de sang qui interdisent aux hommes tout retour en arrière au temps de l’innocence, leur imposant une vie dégradée. Des hommes aliénés, un peuple en détresse, privés d’Histoire, victimes de violences absurdes mais résistant farouchement à toute oppression.

« Rien n’entame la colère de l’opprimé... tout esclave que je rencontre, je le remplis de ma violence ».

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Kateb Yacine, journaliste, dramaturge, poète de la libération des peuples et citoyen du monde, Kateb le marxiste, le militant, le moraliste, dénonciateur de toutes les injustices, défenseurs des minorités oubliées, des couches sociales exploitées et trompées.

Homme d’amour et de progrès, il refusait toutes les conventions réductrices stérilisantes ; l’homme et la femme statufiés dans un moule uniforme ! Il aimait toutes les femmes : la mère, l’amante, la sœur, la fille, toutes libres et dignes, égales des hommes ; la terre commune, l’unité du peuple source de tous les génies, producteur d’idées, de talents, d’arts, de sens.

« Ce qui est intéressant est ce qui chatouille, ce qui gratte et pose question... justement nous sommes là pour poser les problèmes ».

Mais tout aussitôt la lucidité frappe à la porte et la conscience s’exprime.

« Le pouvoir n’a que faire des esprits subversifs et le peuple, pourtant sensible à la parole, ne peut m’entendre, assourdi qu’il est par la rumeur énorme du pouvoir... et moi qu’on appelait le peuple, je ne suis plus que le dernier des orphelins »

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Kateb Yacine, au plus noir de la nuit, solitaire-solidaire ne sombre pas, ne ploie pas. Il échappe au nationalisme étroit en amplifiant sa lutte à l’immense continent Africain :

« Le Maghreb lui-même est restrictif. C’est Africain qu’il faut se dire. Nous sommes africains. Tamazight, c’est une langue africaine : la cuisine, l’artisanat, la danse, la chanson, le mode de vie, tout nous montre que nous sommes africains... Les Africains, quels qu’ils soient, partagent un certain destin historique, culturel, de fond et de devenir... toute séparation insidieuse du continent entre Afrique blanche et Afrique noire est une imposture, car basée sur la race, pour, selon la devise : « diviser pour régner »... ceux qui séparent ainsi l’Afrique en deux entités différentes font un non-sens historique »

Dans ses romans, ses poèmes, ses pièces de théâtres, le continent Africain est imprégné de son imaginaire, de ses préoccupations, de ses positions politiques et culturelles.

« L’Afrique tout entière se libérant du nord au sud, faisant de l’Algérie son tremplin, son foyer, son principe, son étoile du Maghreb, pour traverser la nuit sans attendre l’aurore... debout pour libérer la vieille Afrique au cœur pétri de flèches et de fleurs... »

L’histoire brisée de l’Afrique, menacée de disparaître sous les invasions et les trahisons répétées : «  mort des camarades, espoir révolutionnaire avorté, grands élans historiques brisés... ».

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Cycles qui se superposent et se télescopent et qui provoquent la guerre. La guerre de 130 ans qui n’est en réalité que La guerre de 2 000 ans, ciselée par une écriture polyphonique pluridimensionnelle ; où toute linéarité chronologique est brisée ; où la tragédie côtoie la farce, pour que de la mort renaisse encore et toujours la vie ; où l’étoile et le cercle se partagent l’espace, dans la lutte entre l’ancien et le nouveau qui domine tous les rapports entre les hommes. Là, où les individus mènent une vie harassante et triste, où règne la traîtrise. Mais dans le dénouement des conflits, d’autres reprennent la relève pour que le combat continue vers un avenir incertain.

« Dihya : je vous laisse l’histoire au cœur de mes enfants, je vous laisse Amazigh au cœur de l’Afrique »

Il faut rendre hommage à Kateb Yacine au travers de La Guerre de 2 000 ans, rendre compte de l’esprit de son combat désintéressé - car il ne briguait aucun pouvoir pour lui-même, ayant en horreur les rites encenseurs et les hagiographies - , saluer le peuple algérien martyr et les luttes des peuples africains dans leur combat contre l’aliénation et pour leur indépendance, portées à l’échelle humaine, comme finalité universelle.
Parce que toutes les œuvres de Kateb Yacine s’adressent fondamentalement à l’humanité entière.

Med Hondo

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Je suis poète. Il s’agit d’une inclination irréductible et naturelle à la poésie, qui m’a possédée depuis que je suis très jeune. J’admets qu’il y ait des gens qui ne placent pas la poésie au centre de leurs préoccupations en matière littéraire mais, pour moi, la question ne se pose pas : tout a commencé par la poésie…

(…) Avant d’écrire Le Cadavre encerclé, je ne connaissais pas la tragédie antique ; j’ai fait des études très incomplètes, je n’avais pour ainsi dire pas lu … J’ai découvert L’Orestie quand on la jouait à Paris et j’ai voulu la lire. Ce fut un choc formidable parce que jusqu’alors, Le Cadavre encerclé était écrit dans une forme poétique - dans mon esprit, ce n’était pas encore théâtral, en scènes, en actes, etc. . Il y avait un chant poétique. Je savais bien que cela correspondait à une structure…

(…) Il faut donc que la poésie ait non seulement un objet mais le monde entier pour objet : il faut qu’elle rivalise dans toute la mesure de sa force avec les contraires des autres verbes, des pouvoirs d’expression qui pèsent sur l’homme et qui viennent des pouvoirs religieux, des terribles persécutions qui remontent à la nuit des temps et où la poésie a un pouvoir libérateur, un pouvoir de combat très important. C’est là qu’est normalement venue s’inscrire la question du public et c’est là que se fait la transition avec le théâtre. Dans le théâtre, le verbe poétique trouve son public et il le matérialise. L’acte poétique devient réellement palpable, quelque chose d’humain ; on voit un public, des gens qui écoutent quelque chose. Ce n’est plus l’abstraction désespérante d’une poésie repliée sur elle-même, réduite à l’impuissance, mais tout à fait le contraire.

À un certain moment, j’ai découvert le théâtre moderne - ma vie précédente en Algérie ne m’avait pas beaucoup permis de lire : j’ai travaillé, milité, pris conscience, etc. J’ai vécu cette étape, terriblement cruciale pour un poète, où l’on commence à savoir si l’on va faire quelque chose ou rien. Le conflit persiste et se transpose jusque dans la possibilité poétique du théâtre. Le poète n’y est, en effet, pas toujours à son aise, et il est évident que le théâtre tel qu’il est conçu ici devient un lieu qui n’admet pas la poésie ; depuis ses origines, toute une branche du théâtre s’est soustraite à la poésie et s’est retournée contre elle.

Or je crois qu’il existe, dans la poésie débridée, dans la poésie qui explose, un pouvoir de libération qu’il ne faut pas suspecter au départ. Évidemment, cela constitue un risque. Si vous voulez aller jusqu’au bout de ce que vous dites, vous êtes, à un certain moment, abstrait, obscur, vous vous retournez sur vous-même ; mais j’ai confiance dans le pouvoir explosif de la poésie, autant que dans les moyens conscients du théâtre, du langage contrôlé, bien manié. Et je crois qu’on ne peut négliger aucun des deux aspects de cette lutte.

La richesse la plus extraordinaire que nous possédions sur le plan national et qui est méconnue, non seulement à l’étranger mais aussi chez nous, est la poésie populaire. Cette somme poétique est très importante pour nous. L’exprimer dans le théâtre et la tragédie, c’est la réaliser dans sa forme moderne… En suivant la marche des événements, dans l’effort des recherches personnelles, dans la fonction du poète...

(…) Personnellement, en tant que poète, je lutte pour une réforme de la langue et pour l’extension aussi large que possible de la langue arabe en Algérie, sans néanmoins porter atteinte au français qui, lui aussi, est une langue algérienne. On ne peut pas mettre les langues sous un drapeau. Évidemment, quand on voit l’usage que l’on fait de la langue française et de la culture occidentale en général, on est amené en bon droit à réagir contre elles, mais il ne faut pas que cette réaction soit excessive au point d’abolir une langue qui a réalisé une œuvre, qui est en circulation, qui travaille. En Algérie, il arrive qu’au cours d’une embuscade, les ordres soient donnés en français ; il arrive que des gens de dialectes différents se servent de la langue française. Il n’y a pas de problème ici ; je trouve, au contraire, que c’est un moment très émouvant dans l’évolution du langage.

Kateb Yacine
Extraits d’un article paru dans France-Observateur
Paris, 31 décembre 1958

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Chantés par Taos, qui les tient de sa mère et de ses ancêtres, les chants berbères de Kabylie révèlent non seulement la voix secrète d’un pays, l’Algérie inconquise des montagnards kabyles, mais aussi le génie et le cœur d’une Afrique immense, toujours ignorée, à travers les siècles.

Ce n’est pas le moindre mérite de cette voix que de briser un tel silence, et de nous transporter, en quelques strophes inaltérables, aux sources de jouvence où se retrouvent , mêlés, l’Orient et l’Occident. Kateb Yacine

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