La folle de Chaillot

Saint-Etienne (42)
du 12 au 20 février 2003
3H00

La folle de Chaillot

Du pétrole sous Paris? La haute finance et sa horde de spéculateurs s'apprêtent à raser la ville pour s'en emparer. Face à eux, Aurélie, la Folle de Chaillot, suivie par les habitants du quartier, organise la résistance: c'est l'humanité toute entière qui est à sauver.

    
Présentation

Notes de mise en scène
Jouvet et La Folle de Chaillot
La presse

Du pétrole sous Paris ? La haute finance et sa horde de spéculateurs s’apprêtent à raser la ville pour s’en emparer. Face à eux, Aurélie, la Folle de Chaillot, suivie par les habitants du quartier, organise la résistance : c’est l’humanité tout entière qui est à sauver…
Aurélie – Du pétrole ? Qu’est-ce qu’il veulent en faire ?
Pierre – Ce qu’on fait avec du pétrole. De la misère. De la guerre. De la laideur. Un monde misérable.
Ecrite en 1942-43, La Folle de Chaillot, a beau espérer l’armistice, elle annonce déjà une autre guerre : la paix revenue, il faudra encore se battre contre la violence d’un capitalisme déchaîné par le dernier conflit, écrasant au nom du profit toute préoccupation de justice sociale et de dignité humaine. Soixante ans plus tard, alors que le tout-libéral mondialisé s’avère chaque jour plus destructeur, comment ne pas admirer la sagacité quasi prophétique de Giraudoux, comment ne pas s’étonner, sous ses dehors fantaisistes, de l’incroyable actualité de cette pièce ?
Mais, si hier comme aujourd’hui, on s’inquiète, on se plaint, qui se bat vraiment ? « Qu’avez-vous, tous, à lamenter, au lieu d’agir. Vous pouvez tolérer cela, un monde où l’on ne soit pas heureux, du lever au coucher ! Où l’on ne soit pas son maître ! Seriez-vous lâches ! » Face au renoncement mou ambiant, il n’y a vraiment, selon Giraudoux, qu’une femme pour refuser encore l’inacceptable, pour secouer nos consciences endormies et raviver notre faim de liberté. Elles s’appelaient Judith, Electre, Isabelle, Ondine…Ici c’est Aurélie, la Folle de Chaillot, entourée de ses vieilles comparses Constance, Gabrielle, Joséphine et d’Irma la plongeuse, qui part en guerre pour sauver le monde de sa propre barbarie, avec pour toute arme l’extravagance, la poésie et l’amour de la vie…

François Rancillac

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Deux actes : un sur terre, à la terrasse d’un café, l’autre sous terre, dans un sous-sol à moitié abandonné, à moitié aménagé. Deux complots : celui des spéculateurs en tout genre, bien décidés à ouvrir les entrailles de Paris pour s’accaparer ses trésors enfouis ; celui des petites gens du quartier convaincus par la Folle de Chaillot qu’il faut, pour sauver le monde, éliminer inexorablement le race des « mecs ». Quatre exploiteurs, quatre folles ; les « deux cents familles » capitalistes, la grouillante « foire aux miracles » des parisiens. Ecriture en miroir, toute en opposition et en reflets – mais sous ces apparences de monde manichéen, tout est bien plus subtil, et Giraudoux laisse bien entendre que n’importe qui est, sinon un spéculateur en puissance, du moins un complice.
(…) Aucun réalisme chez Giraudoux, aucun souci même de “vraisemblance” : on est dans un monde de pures essences, de pure fantaisie, mais qui sont comme la synthèse (poétique) de tous les types possibles. Sa peinture du prolétariat est aussi fausse et fantaisiste que celle de la bourgeoisie capitaliste, mais elle en dit peut-être autant qu’une analyse sociologique rigoureuse, jouant avec le halo de toutes les images (littéraires, historiques, politiques…).
(…) La Folle de Chaillot, comme quasiment toutes les pièces de Giraudoux, est bien un conte : elle respire un air différent, un air plus pur, plus fantaisiste, plus enfantin, mais aussi plus profond, plus pertinent et moins fatigué, moins banalisé que le nôtre. Que le jeu, la scénographie, les costumes, bref que toute la mise en scène puisse rendre compte de cette distance poétique d’avec le « réel » pour mieux faire voir et entendre ce que nous ne voyons plus, n’entendons plus dans ladite réalité…
(…) Ecrite en pleine Occupation, La Folle de Chaillot (même si la guerre y est apparemment complètement absente) est bien une pièce de libération (On doit signer un armistice, s’étonnera la fleuriste)… Mais Giraudoux s’attelle à d’autres libérations, celles qui devraient advenir en temps de paix ; l’avènement espéré, rêvé, d’une nouvelle humanité qui prendrait enfin le risque du bonheur plutôt que l’assurance de la destruction…
(…) La peinture, le crobard plutôt, que fait Giraudoux du capitalisme agressif de ces années d’avant-guerre, est assez étonnant d’actualité et résonne curieusement avec des interrogations toutes récentes (mondialisation aidant…) sur la légitimité du tout-libéral, ses limites, ses dangers, ses perversions.
(…) Face au complot des spéculateurs, une vieille femme à l’accoutrement bizarre, aux manies étranges, aux lubies extravagantes. Mais la « folie » d’Aurélie n’est-elle pas surtout la marque de son irréductible singularité, de son refus de rentrer dans la norme ? Folle, Aurélie l’est peut-être parce qu’elle n’a pas renoncé, parce qu’elle croit encore aux pouvoirs de l’imagination et à l’innocence de la vie.

François Rancillac – Avril 2001

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La Folle de Chaillot, de Jean Giraudoux, est créée au Théâtre de l’Athénée le 22 décembre 1945, dans la mise en scène de Louis Jouvet. Christian Bérard conçoit les décors et les costumes. La musique est de Henri Sauguet. Marguerite Moreno joue la Folle, entourée de Marguerite Mayane, Raymone et Lucienne Bogaert. Louis Jouvet revêt le costume du chiffonnier.
Au sortir de la guerre, il n’est pas facile de faire du théâtre à Paris. Pierre Berger se demande, dans la revue Poésie 45, s’il va y avoir une saison théâtrale. On manque d’auteurs, de directeurs. On manque surtout de moyens. Cependant, le public fait preuve d’une véritable boulimie de théâtre. Il va voir tout ce qui est monté, quelle qu’en soit la qualité.
A son retour d’Amérique, Jouvet doit tenir compte de cet état des choses. Il retrouve le théâtre de l’Athénée, gardé pendant son absence par Pierre Renoir qui l’a loué à des producteurs, accaparé par le succès d’Arsenic et vieilles dentelles.
Mais monter La Folle de Chaillot lui tient à cœur. C’est l’ultime pièce de Giraudoux, décédé le 31 janvier 1944, pour le plus grand chagrin de son complice de théâtre. Louis Jouvet apprend la nouvelle au Mexique. « N’aurais-je d’autre titre de gloire dans l’exercice de mon métier et de ma carrière que d’avoir joué ses œuvres, celui-là me suffirait. »
La pièce est inspirée d’une comédie anglaise, The Old Ladies, que Jouvet avait pensé monter en 1935. Giraudoux l’a adaptée en forgeant les personnages des « folles » d’après les vieilles femmes qu’il voit arpenter les rues parisiennes dans leurs vêtements démodés de la Belle Epoque. Il en fait des résistantes aux nouveaux pouvoirs de l’argent, aux mecs qui bouleversent leurs vies en transformant leur quartier.
Pour mettre en scène La Folle de Chaillot, Jouvet a besoin d’argent. Il parvient à obtenir une subvention du Gouvernement provisoire dirigé par De Gaulle, faveur remarquable en cette période de réorganisation des institutions françaises. Jouvet, déjà auréolé par ses succès d’avant-guerre et sa participation au Cartel, apparaît en effet à son retour d’Amérique comme le De Gaulle de la culture. 
Mais cette subvention ne suffit pas à couvrir tous les frais, en particulier ceux des costumes. Un journaliste lui suggère alors de faire appel à la générosité du public, et publie dans Le Figaro, le 30 octobre 1945, un petit article intitulé « Contribuez à vêtir la Folle de Chaillot » :
« Je suis certain, nous disait, hier soir, Louis Jouvet, que parmi vos lecteurs il doit y en avoir qui ont conservé, ou, du moins, qui connaissent des gens qui ont conservé dans leurs armoires et leurs greniers de vieux vêtements féminins d’il y a quarante ou cinquante ans, d’entre 1895 et 1910, des robes qu’ont portées nos mères ou nos grands-mères, des robes en taffetas de soie, couvertes de dentelles, de fanfreluches, de paillettes, des chapeaux chargés de plumes d’autruches, d’oiseaux empaillés, de fleurs artificielles, des bas ornés d’incrustations, des sacs à main, des ombrelles, des bottines, enfin tout ce qui était à la mode à cette époque. Eh bien ! s’ils voulaient m’envoyer ces objets, ils me rendraient un grand service pour habiller certains interprètes de la pièce de Giraudoux. […] »
En dix jours se manifestent plus de 650 donateurs. On fait la queue devant l’Athénée. Une aristocrate offre même une garde-robe complète, lingerie comprise. Quant au décor, Bérard y travaille. Il s’ouvre à Jouvet du décor auquel il pense pour le premier acte, « la terrasse du café Francis place de l’Alma » : « On ne peut pas faire un vrai café. Vois-tu, il faudrait qu’il y ait quelque chose d’extraordinaire. Il faudrait que ce soit une façade de café avec des fenêtres suspendues dans le ciel. »
La Folle de Chaillot est enfin créée le 22 décembre, deux mois après la date prophétisée par Giraudoux. En tête du manuscrit, il avait écrit en effet : « Cette pièce a été créée par la Compagnie de Louis Jouvet, au théâtre de l’Athénée, le 17 octobre 1945. »
Dans sa conférence de presse, Jouvet mettait l’accent sur l’originalité de cette nouvelle pièce par rapport aux précédentes : « La Folle de Chaillot dans la suite de ses œuvres occupera sans doute une place ”à part” et, à ceux qui tant parlèrent de la « préciosité » de Giraudoux, fournira certes l’occasion de se faire une opinion… sur leur propre jugement. Différente, en effet, de toutes ses autres pièces, elle sera pour certains peut-être une véritable révélation. »
La pièce reçoit un accueil triomphal. "Jamais, écrit Jean Tardieu dans Action, le réalisme féerique de Giraudoux n’a plongé ses feux de Bengale à une telle profondeur humaine" ; il exalte "l’insolente prodigalité du génie de Marguerite Moreno". Thierry Maulnier commente la mise en scène, "cet art des mouvements, des positions, des expressions, des intonations qui, par un extraordinaire pouvoir d’échanges, s’évanouit pour ainsi dire dans le texte qu’il incarne et, rendant comme invisible la partie du drame, rend visible le langage. »
Malgré la prestation de Jouvet souvent remarquée dans la plaidoirie du Chiffonnier, c’est « moins comme acteur que comme ordonnateur de fantaisie qu’il triomphe dans ce spectacle par l’accord parfait qu’il réalise entre sa mise en scène et le texte. »
Les représentations de La Folle de Chaillot ne sont interrompues, à la deux cent quatre vingt dix septième, que par l’épuisement de Marguerite Moreno.

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Giraudoux atteint magique-ment les zones secrètes de nos tristesses, de nos chagrins, de nos mortelles espérances. François Rancillac dirige ses comédiens avec simplicité, quelque part entre le conte noir et la bande dessinée, entre la pulsion et le songe. Fabienne Pascaud, Télérama

Judith Magre est comme toujours étonnante de vitalité, de liberté, d’allégresse amusée. Elle possède la noblesse et la générosité de ces grands solistes qui se plient avec humilité au jeu de la troupe. Armelle Heliot, Le Quotidien du médecin

On est au pays du spectacle populaire, au bon sens du terme, avec une troupe, solide. Les Echos

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Comédie de St-Etienne

7, avenue Emile Loubet 42000 Saint-Etienne

Spectacle terminé depuis le jeudi 20 février 2003

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