
Née d’une enquête auprès d’un groupe de spectateurs non-voyants, c’est à une expérience de théâtre unique que nous convient Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix. Une recherche captivante sur la perception, la mémoire et la construction de soi
Thierry est déficient visuel depuis près de quarante ans. Acteur amateur, il reconstitue le souvenir d’un spectacle qui l’a bouleversé mais dont il ne se souvient ni du titre, ni du nom des personnages. Une expérience de théâtre captivante sur la perception, la mémoire et la construction de soi.
C’est à une expérience de théâtre unique que nous convient Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix avec La Vie invisible. Née d’une enquête auprès d’un groupe de spectateurs non-voyants, cette création se concentre sur le témoignage de Thierry. En tentant de reconstituer à partir des souvenirs lacunaires de cet homme non-voyant la trame d’un spectacle qui l’a autrefois fortement bousculé – quoiqu’il en ait oublié le titre et le nom des personnages – Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix découvrent peu à peu qu’ils sont en train de mettre en oeuvre un tout autre récit.
Croyant se remémorer une fiction, Thierry a inconsciemment effectué un travail sur lui-même en inventant sa propre histoire. Par cette étrange opération, ce spectacle confirme à quel point la réalité comme la fiction participent de ce qui nous constitue en profondeur.
« Comme avec Ibsen, Tchekhov ou Norén, auteurs qu’elle affectionne particulièrement, la metteuse en scène utilise ici le théâtre dans sa capacité à représenter le réel tout en donnant accès à des mondes cachés. Dans une mise en scène simple, dépouillée, où les changements d’énonciation (…) se font avec fluidité, se développe ainsi un spectacle touchant et original, où l’illusion côtoie avec bonheur la plus grande théâtralité. » Eric Demey, La Terrasse
« La très subtile écriture de Guillaume Poix permet de tisser le réel et la fiction au point de les dissoudre totalement. Mieux, il agrandit le champ des possibles avec cette double matière (la biographie de Thierry et l’invention théâtrale). » Nadja Pobel, Théâtre(s)
« Dans La Vie invisible, forme brève et dépouillée, se joue un acte psychomagique dont la charge émotionnelle doublonnée par le Stabat mater dolorosa de Pergolèse explore l’avant et l’après, l’en deçà et l’au-delà du drame d’une vie (…). La parole intime de Thierry n’est pas qu’un effet de réel dans le présent théâtralisé, car en dévoilant sa part d’ombre, elle déploie, comme à perte de vue, son immense pouvoir consolateur, qui affirme : veni, vidi, vixi : je suis venu, j’ai vu, j’ai vécu. » Matthias Daval, I/O Gazette
« Il y a dans La Vie invisible du mystère, du suspens, des tragédies, de l’humour, de l’amour, des souffrances profondes, et surtout en Thierry Sabatier, une force morale qui irradie et lui donne une présence magnifique. » Armelle Héliot, lejournaldarmellehéliot.fr
« Le verbe autant que les silences et les gestes sculptent un espace d’une grande humanité. Dans une mise en scène à nu, paradoxalement très pudique, Thierry manie aussi bien l’humour que l’émotion. Lorsqu’il décrit sa manière de « regarder » les visages, ou ferme les yeux à l’écoute des phrases de son père, le public suspend son souffle, comme pour retenir la richesse de l’instant. » Marie-Valentine Chaudon, La Croix
« Après avoir travaillé sur des grands textes du répertoire théâtral européen, la compagnie a amorcé un autre cycle de travail fondé sur des rencontres. Nous avons ainsi mené près de trois cent entretiens avec des personnes inconnues un peu partout en France. Ces échanges ont inspiré notre dernier spectacle, Un sacre, créé à La Comédie de Valence en septembre 2021 puis repris en novembre dernier au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis. Premier volet de ce cycle créé en septembre 2020, La vie invisible avait inauguré un protocole de rencontres menées en Drôme-Ardèche et en région parisienne auprès d’une cinquantaine de personnes déficientes visuelles. Au départ, le projet visait à interroger la perception d’une personne dépourvue de l’un des sens considérés par beaucoup comme le plus fondamental, la vue. Mais la rencontre avec Thierry Sabatier a réorienté notre ambition initiale.
Soucieux de ne pas enfermer les personnes rencontrées dans leur « témoignage », nous avons proposé aux personnes participant à nos échanges d’évoquer leur expérience de spectateur. Thierry Sabatier nous a ainsi raconté cette représentation théâtrale qui l’avait marqué il y a quelques années. Séance après séance, il est revenu sur ce moment décisif, tentant de préciser chaque fois les contours du spectacle qu’il avait vu alors qu’il était déjà déficient visuel. Cette entreprise a généré des échanges captivants et nous a véritablement permis de rencontrer Thierry, non pas en détaillant les circonstances de sa vie personnelle, mais en partageant une expérience singulière de mémoire. Nous avons alors décidé de construire avec Thierry un spectacle à cette image : nous lui avons proposé de mettre à la disposition de sa mémoire les moyens du théâtre pour reconstituer ce souvenir crucial. De troquer la question de la perception pour celle de la mémoire, en quelque sorte. Nous ignorions encore jusqu’où les répétitions nous mèneraient. »
Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix
Le théâtre est bien vivant, cette pièce le montre et comme elle est vraiment bien jouée, c'est un bon spectacle. Je n'y ai pas entendu ce questionnement du langage à se substituer au monde visible. J'ai assisté à une mise en abyme d'un handicapé qui, aidé de comédiens, substituts de ses parents, cherche à remonter dans ses souvenirs. Et ces comédiens se laissent, à leur corps consentant, entraîner dans le piège d'une psychotherapie au bénéfice de cet homme atteint de rétinopathie.
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Le théâtre est bien vivant, cette pièce le montre et comme elle est vraiment bien jouée, c'est un bon spectacle. Je n'y ai pas entendu ce questionnement du langage à se substituer au monde visible. J'ai assisté à une mise en abyme d'un handicapé qui, aidé de comédiens, substituts de ses parents, cherche à remonter dans ses souvenirs. Et ces comédiens se laissent, à leur corps consentant, entraîner dans le piège d'une psychotherapie au bénéfice de cet homme atteint de rétinopathie.
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