Jamais jouée à la Comédie-Française, cette pièce du dramaturge norvégien, précurseur du théâtre moderne, offre un univers à la fois pétri du marasme du quotidien et transcendé par des phénomènes surnaturels – sous l’influence de fantasmes devenus phobies.
Ellida vit avec son mari, un docteur plus âgé qu’elle, et les deux filles qu’il a eues d’un premier mariage, dans une maison sans horizon dont elle fuit le calme étouffant par des bains de mer journaliers. L’atmosphère est joyeuse lorsque la pièce s’ouvre sur les préparatifs d’une fête où l’arrivée de deux hôtes promet d’égayer les promenades des jeunes filles. De son côté, hantée par la vision d’un marin avec qui elle avait scellé un amour éternel, Ellida se trouve acculée à un choix crucial par cet étranger revenu de ses voyages pour lui demander d’être fidèle à sa passion de jeunesse et de le suivre.
Portée par nos « nostalgies secrètes », Géraldine Martineau se saisit de la richesse multiple des personnages d’Ibsen et plante le décor de leurs vies marécageuses à l’heure où les certitudes se craquellent et les rêves dérivent. Face à cette famille recomposée, sous le poids de non-dits cultivés par une autorité patriarcale débonnaire, elle imagine une scénographie organique tout en miroitements. De l’appel du large à la forêt de nos inconscients, la puissance libératrice de l’imaginaire met en jeu la lutte éternelle entre déterminisme et libre-arbitre.
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