L'événement

du 21 novembre au 18 décembre 2000

L'événement

CLASSIQUE Terminé

Dans le cadre du cycle " Les femmes à l’épreuve des lois ". Au cœur de l’intime féminin ébranlé par " l’événement " - un avortement – trois femmes et un homme renouent, sur scène, les fils du parcours d’une femme, de déchirures en renaissances.

Présentation
Quelques propos d’Annie Ernaux
L’événement, textes d’Annie Ernaux - Extraits
" Les femmes à l’épreuve des lois " un cycle mené par Jeanne Champagne

Présentation

Au cœur de l’intime féminin ébranlé par " l’événement " - un avortement - trois femmes et un homme renouent, sur scène, les fils du parcours d’une femme, de déchirures en renaissances. A partir d’extraits de " Ce qu’ils disent ou rien ", " Les armoires vides ", " La femme gelée " et " L’événement ", Jeanne Champagne nous fait entendre les mots d’Annie Ernaux pour témoigner, au-delà de l’histoire particulière d’une femme, d’une réalité universelle.

A l’heure où la parité accorde en apparence à la femme son égalité avec l’homme, nous constatons que les violences et le sexisme dans les établissements scolaires, la remise en cause du droit à l’avortement, le viol, les entraves à la liberté, l’obscurantisme religieux, les discriminations de tous ordres à l’égard des jeunes filles et des femmes sont encore d’actualité.

Peut-être faut-il en appeler à l’art, au théâtre, à la littérature pour continuer à poser la question du droit des femmes à exister et dire comment est nécessaire encore aujourd’hui la " survie " de la pensée et de l’engagement.

Jeanne Champagne consacre le premier volet de ce cycle " Les femmes à l’épreuve des lois " aux textes d’Annie Ernaux.

" Le paradoxe d’une loi juste est presque toujours d’obliger les anciennes victimes à se taire, au nom de " c’est fini tout ça ", si bien que le même silence qu’avant recouvre ce qui a eu lieu. " Annie Ernaux, L’événement

Quelques propos d’Annie Ernaux

" J’ai toujours le sentiment qu’il y a un gouffre entre le monde de la littérature et la vie des gens dominés. Au vu de mes origines sociales, je suis consciente de la chance inouïe que j’ai eu de pouvoir m’approprier un langage qui n’était pas le mien, et qui, en écho à ce que disait Genet, est " la langue de l’ennemi ", celle des dominants. Cela crée un sentiment de responsabilité. Ce pouvoir du langage, je ne pourrais pas m’en servir pour publier de jolis livres, ça ne m’intéresse pas. Pour autant, je n’écris pas des œuvres militantes : le langage des militants est nécessairement simplificateur, il ne peut pas dire l’expérience vécue. Pour dévoiler les mécanismes d’injustice à l’œuvre dans notre société, j’essaie plutôt de restituer mes propres sensations de la manière la plus authentique, et, ce faisant, de provoquer peut-être celles du lecteur. "

Page des libraires, Mai 2000

L’événement, textes d’Annie Ernaux - Extraits

" D’avoir vécu une chose, quelle qu’elle soit, donne le droit imprescriptible de l’écrire "

" Les filles comme moi gâchaient la journée des médecins. Sans argent et sans relation - sinon elles ne seraient pas venues échouer à l’aveuglette chez eux -, elles les obligeaient à se rappeler la loi qui pouvait les envoyer en prison et leur interdire d’exercer pour toujours. Ils n’osaient pas dire la vérité, qu’ils n’allaient pas risquer de tout perdre pour les beaux yeux d’une demoiselle assez stupide pour se faire mettre en cloque. A moins qu’ils n’aient sincèrement préféré mourir plutôt que d’enfreindre une loi qui laissait mourir des femmes. Mais tous devaient penser que, même si on les empêchait d’avorter, elles trouveraient bien un moyen. En face d’une carrière brisée, une aiguille à tricoter dans le vagin ne pesait pas lourd. " Annie Ernaux, L’événement

" Le châtiment, la correction par personne interposée. Embraquée par une petite sonde rouge. Vingt ans pour en arriver là. La faute de personne. Moi toute seule, moi d’un bout à l’autre. Qui. D’abord la fille de l’épicier Lesur, puis la première de la classe, tout le temps. Et la dadaise en socquettes du dimanche, l’étudiante boursière. Et puis rien peut-être, tringlée par la faiseuse d’anges. (..) Tout reconstituer, empiler, emboîter, une chaîne de montage, les trucs les uns avec les autres. Expliquer pourquoi je me cloître dans une piaule de la Cité avec la peur de crever, de ce qui va arriver. Voir clair, raconter tout entre deux contradictions. Voir où commence le cafouillage. Ce n’est pas vrai, je ne suis pas née avec la haine, je ne les ai pas toujours détestés, mes parents, les clients, la boutique... Les autres, les cultivés, les profs, les convenables, je les déteste aussi maintenant. J’en ai plein le ventre. A vomir sur eux, sur tout le monde, la culture, tout ce que j’ai appris. Baisée de tous les côtés... " Annie Ernaux, Les armoires vides

" .. Ils ont beau parler ce qu’ils veulent sur l’avenir, les parents, c’est toujours l’enfance et l’arrière qu’ils représentent... On était au 18 juillet, le soir j’ai pleuré de voir le temps passer et d’être jeune pour rien. L’après-midi je voyais la voisine d’en face étaler sa lessive, des mètres de linge, avec tous ses morbacks, j’ai jamais aimé les familles nombreuses, ce magma d’yeux, de ventres et les portes qui collent aux doigts. Elle vient tâter si c’est sec en froissant chaque morceau très vite, de temps en temps, elle en décroche un. Une heure après, elle revient et rafle le reste en un tournemain, avec les épingles. Elle ne me paraissait pas mieux lotie que moi la voisine sauf qu’elle ne devait pas y penser, qu’elle ne s’ennuyait pas. Je vois bien que les adultes ne s’ennuient jamais. Est-ce que ça vient d’un seul coup le temps plein, plus d’espace pour sortir la tête. Tu ne sais pas quoi faire de ton corps ma pauvre petite, quand tu travailleras ! Dormait le dimanche, tellement abrutie de boulot. T’as bien le temps de savoir ce que c’est va, profite. J’ai pas encore compris s’ils aimaient le travail, je me perds dans ce qu’ils disent. " Annie Ernaux, Ce qu’ils disent ou rien

" Je suis allée vers les garçons comme on part en voyage. Avec peur et curiosité. Je ne les connaissais pas. Je les avais laissés en train de me jeter des marrons au coin d’une rue en été, et des boules de neige à la sortie en hiver. Ou de nous crier des injures de l’autre côté du trottoir et je répondais bande d’idiots ou de cons suivant les circonstances, la présence ou non de témoins adultes. Des êtres agités, un peu ridicules. J’allais vers eux avec mon petit bagage, les conversations des filles, des romans, les conseils de l’Echo de la mode, des chansons, quelques poèmes de Musset et une overdose de rêves, Bovary ma grande soeur. Et tout au fond, caché comme pas convenable, le désir d’un plaisir dont j’avais trouvé seule le chemin. Bien sûr qu’elle était un mystère pour moi l’autre moitié du monde, mais j’avais la foi, ce serait une fête. L’idée d’inégalité entre les garçons et moi, de différence autre que physique, je ne la connaissais pas vraiment pour ne l’avoir jamais vécue. Ca a été une catastrophe. " Annie Ernaux, La femme gelée

" Ses yeux très bleus, ses cheveux blonds et longs, des fois je pouvais retrouver les romans de Femmes d’aujourd’hui. J’ai crié, si ma mère me voyait... Il m’a dit que j’étais gosse de mêler ma mère à ça, j’étais libre-et-seule-concernée. Il essayait de déboutonner ma robe dans le dos. C’était juste ce qu’il disait, libre, mais il m’a semblé que ça ne pouvait s’appliquer à moi que plus tard, à dix-huit peut-être... La liberté en grand, c’était pas si simple qu’il le proclamait, à quinze ans et demi quand on ne gagne pas encore comme dit mon père, sans préciser quoi mais c’est pas la peine, pour eux ça ne peut être que de l’argent... Il appuyait de tout son corps sur moi contre l’arbre, j’ai cessé d’un seul coup d’être spectatrice, c’était comme le corps qui monte à la tête. Ces mots à double sens, qu’on n’osait pas employer du tout à cause du sens sale justement, bander, frotter, ils sont venus en moi mais ils n’étaient plus honteux. " Annie Ernaux, Ce qu’ils disent ou rien

" Que la forme sous laquelle j’ai vécu cette expérience de l’avortement - la clandestinité - relève d’une histoire révolue ne me semble pas un motif valable pour la laisser enfouie - même si le paradoxe d’une loi juste est presque toujours d’obliger les anciennes victimes à se taire au nom de " c’est fini tout ça ", si bien que le même silence qu’avant recouvre ce qui a eu lieu. C’est justement parce que aucune interdiction ne pèse plus sur l’avortement que je peux, écartant le sens collectif et les formules nécessairement simplifiées, imposées par la lutte des années soixante-dix - " violence faite aux femmes ", etc. -, affronter, dans sa réalité, cet événement inoubliable. " Annie Ernaux, L’événement

" Les femmes à l’épreuve des lois " un cycle mené par Jeanne Champagne

Depuis 1998, Jeanne Champagne et la Compagnie Théâtre Ecoute mènent, en parallèle aux représentations de la Trilogie de Jules Vallès, un projet à la fois artistique et pédagogique " Les Apprentissages de la République et de la Citoyenneté ", dans 12 classes de la Région Parisienne (de la primaire à l’université). Le regard de ces jeunes, en formation, en construction de leur identité, soucieux d’établir une République multi-ethnique juste et égalitaire, interpelle et motive notre souhait de poursuivre notre questionnement.

Alors que remonte avec force la violence dans les établissements scolaires, alors que réapparaissent le sexisme, les insultes, les discriminations, les exclusions à l’égard des femmes et des jeunes filles, peut-être faut-il en appeler à l’art, au théâtre pour trouver ou tenter de trouver des réponses ? Par l’art du théâtre, à travers des héroïnes comme Antigone ou Electre, à travers les oeuvres d’auteurs d’hier comme Simone de Beauvoir ou Simone Weil et d’aujourd’hui comme Annie Ernaux, à travers le combat de personnalités politiques comme Simone Veil, nous voulons montrer comment la " survie " de la pensée et de l’engagement est nécessaire aujourd’hui.

Pourquoi ?

Parce que, l’an passé, des jeunes filles lisant un texte de Simone de Beauvoir sur l’avortement l’ont traitée de " salope " et nous ont renvoyé leur indignation et leur incompréhension face à la révolte et à l’engagement de cet auteur pour le droit de la femme à exister en tant qu’individu.

Parce que cette année, alors que nous avons étudié le personnage d’Antigone, les élèves, face au refus de l’héroïne de comprendre, face à sa désobéissance implacable guidée par une conviction intime, ont affirmé : " Antigone a tort, elle devrait rester au chaud chez elle ".

Parce qu’à l’heure où la parité accorde en apparence à la femme son égalité avec l’homme, nous constatons qu’un gouffre se creuse sur le terrain. Bon nombre de femmes et de jeunes filles sont encore enfermées dans le silence, les larmes et la douleur, et ne peuvent gagner leur droit à exister.

Et parce que le " paradoxe d’une loi juste est presque toujours d’obliger les anciennes victimes à se taire, au nom de " c’est fini tout ça " , le même silence qu’avant recouvre ce qui a eu lieu ".

Les combats des femmes et des jeunes filles sont loin d’être terminés. Sur le terrain, l’avortement est d’actualité, le viol, les violences conjugales, les maltraitances, les entraves à la liberté, l’obscurantisme religieux, les discriminations de tous ordres.

Pour ces raisons, nous choisissons de poursuivre notre réflexion théâtrale et artistique, en proposant, au Théâtre du Chaudron-Cartoucherie de Vincennes, des cycles de lectures-spectacles (nouvelles, récits, paroles de femmes), des créations, des rencontres, des débats, des ateliers sur le thème " Les femmes à l’épreuve des lois ".

L’événement, à partir de textes d’Annie Ernaux, ouvre ce cycle théâtral autour de l’intime et du politique, à travers le parcours d’une femme, ébranlée dans son intimité par " l’événement ", et qui de déchirures en renaissances vient témoigner d’une réalité universelle.

Notre travail de formation se met en place sur le terrain auprès des populations de jeunes filles et de femmes d’origines et de cultures différentes. La mise en œuvre de ce projet passe par des partenariats avec les enseignants qui nous ont accompagnés dans notre démarche depuis deux ans pour faire résonner ces paroles de femmes auprès des élèves et des adolescent(e)s, par la création d’un collectif de recherche et d’ateliers de pratique théâtrale dans les classes, par le travail avec plusieurs associations de femmes,à travers des rencontres dans les quartiers et les cités, afin de questionner ensemble la place des femmes et des jeunes filles en France et dans le monde selon les cultures, les coutumes et les lois.

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Cartoucherie - Théâtre du Chaudron

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Cartoucherie - Théâtre du Chaudron
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Spectacle terminé depuis le lundi 18 décembre 2000

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