Présentation
Note du metteur en scène
La critique
« moi , l’argent, je le méprise », se répète Edmond
« l’argent mérite bien quelques sacrifices» , se dit Eurydice
Edmond et Marcinelle, couple de petits artisans, ne cessent de se quereller
à propos de l’argent qu’ils n’ont pas.
Eurydice, chanteuse de variété, se lasse du baron de Gerpivrac, snob
ridicule qui l’entretient.
Edmond va se laisser séduire par la trop belle Eurydice, elle-même prête
à se laisser aller à « un caprice de grenier ».
Eurydice tentera de pousser la fausse candide Marcinelle dans les bras du si
fortuné Gerpivrac, espérant se débarrasser à la fois du stupide baron et de
l’épouse encombrante.
Mais rien ne se déroulera comme souhaité et finalement chacun regagnera,
non sans amertume, sa place initiale.
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Lorsque l’on décide de monter une pièce comme L'Intervention,
c’est que l’on a envie de se confronter à la question de la pertinence de
formes apparemment désuètes telles que le mélodrame et le vaudeville. Ce
travail de réflexion, je l’avais déjà entrepris en montant Les deux
orphelines de Dennery. En ne jouant pas la carte de la parodie mais
celle d’une stylisation expressionniste, je souhaitais alors montrer que l’émotion
pathétique pouvait survivre à une morale obsolète voire à un discours réactionnaire
(n’est-ce pas un fonctionnement fréquent à la télévision ?).
Chez Victor Hugo, le discours tenu m’intéresse et me semble
toujours d’actualité. En étudiant les mécanismes de séduction entre quatre
personnages de conditions sociales différentes et d’opinions divergentes
(tout de moins en apparence), Hugo brosse un féroce tableau de couple, dans
lequel l‘argent occupe une place centrale. En ce sens, «
l’intervention » pourrait être un quatrième volet de La vie
à deux, mon précédent spectacle adapté de nouvelles de Dorothy
Parker.
Dans L'Intervention, l’argent est omniprésent.
Il régit la vie de chacun des couples : éternels sujets de querelles dans
un cas, relation d’intérêt dans l’autre. Il alimente les fantasmes de
tous. Marcinelle, victime de la mode et grande consommatrice potentielle, n’a
pas l’argent qui, selon elle, lui permettrait d’être jolie. Eurydice,
chanteuse parvenue et entretenue, fantasme sur une pureté originelle, qui
passerait par un retour à une vie modeste mais se sait complètement incapable
de renoncer aux plaisirs du luxe. Ces deux femmes rêvent d’échanger leur
place sans se rendre compte que leurs aspirations sont jumelles : toute
deux veulent l’argent et la bonne conscience.
Edmond est justement pétri de cette bonne conscience . Il méprise
l’argent qui occupe cependant la quasi-totalité de son discours. L’argent
est forcément sale, mais cela ne l’empêche pas de se laisser envoûter par
une toilette luxueuse. Le baron de Gerpivrac ne parle lui aussi que d’argent,
du comment le dépenser, du pouvoir qu’il confère. L’argent sent bon mais
le baron n’en méprise pas moins les gens intéressés. Encore deux
personnages aux discours apparemment opposés mais qui se ressemblent dans leur
ridicule extrémisme.
Ces gémellités de personnages, j’ai souhaité les mettre en
exergue en faisant jouer les deux hommes par le même acteur et en accentuant la
ressemblance physique (même silhouette) des deux femmes. Les couples finissent
par se ressembler et quand un élément d’un couple tombe sous le charme de
l’élément du couple opposé, il semble simplement tomber amoureux d’une
condition qui n’est pas la sienne, d’un «enrobage» - comme dirait
Marcinelle – qui ne lui est pas familier et non d’un autre que sa compagne
ou son compagnon coutumier.
Le mélange du mélodrame et du vaudeville permet ici de balayer
un spectre large d’expression théâtrale d’émotions. En ne jouant pas le
second degré complice, j’espère faire cohabiter le drôle et le douloureux :
le mélodrame par son emphase fait émerger le ridicule des situations les plus
douloureuses (ainsi la réconciliation d’Edmond et de Marcinelle autour de la
robe de leur fille morte finit par sonner comme une version morbide du
contemporain «on reste ensemble à cause du gosse»), le vaudeville par sa précision
mécanique fait surgir l’impitoyable cruauté des situations comiques (les
maladresses d’Edmond face à Eurydice causées par le renoncement immédiat de
tous ses discours auxquels il s’était efforcé de croire). C’est cet
incessant va et vient entre ridicule, cruauté, comique et douleur qui me semble
approprié à décrire notre rapport à l’argent et notre positionnement
social, si pathétiquement ridicule, si stupidement douloureux.
Tout en respectant le texte dans sa quasi-intégralité, j’ai
choisi de ne pas situer le spectacle dans une époque clairement déterminée.
Je souhaite créer un univers sobrement stylisé : décors en trompe l’œil
peints sur bois, costumes racontant par de petites touches les personnages (Gerpivrac
sera habillé très «sports-wear» avec des marques visibles un peu partout,
Eurydice aura une robe très «chanteuse de variétés» avec des pièces de
monnaie cousues dessus…). La seule réelle infidélité que je m’autoriserai
avec le texte d’Hugo concerne la chanson d’Eurydice, devenue chanteuse de
variété. Hugues Leroy a écrit une chanson pour Eurydice, parodie de tube mélangeant
bonne conscience et inquiétude existentielle adolescente.
Je veux que ce spectacle soit joyeux, émouvant et populaire,
comme le sont les deux genres auxquels il emprunte sa forme. Chaque spectateur
pourra choisir de s’émouvoir ou bien de rire des mésaventures des
personnages. Laisser au spectateur la liberté de choisir la distance avec
laquelle il souhaite voir ce spectacle s’inscrit dans une volonté de ne pas
devenir didactique, tout en posant de façon dialectique la question du rapport
entre l’affectif et la couleur de l’ argent.
Alain Prioul
metteur en scène
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« (…) Le texte de Hugo était presque entièrement respecté et
interprété avec justesse par Laurence Guatarbes (Marcinelle) et Corinne
Debeaux (Eurydice).
Jeu de scène pertinent, je n’ai jamais vu Eurydice aussi humiliée de se voir
rappeler qu’elle avait demandé de l’argent.(…) L’idée de faire jouer
Gombert et Gerpivrac par le même acteur (Yves Buchin) était insolite et intéressante,
comme deux représentations de Hugo lui-même.(…)» Arnaud Laster
(Universitaire, spécialiste de V.Hugo) - Le XIXème siècle culturel
« (…) Cette courte pièce méconnue d’un maître de l’écriture
sans nul doute vous étonnera par sa tonalité déroutante et le jeu passionné
des comédiens. » Paris Paname
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