Je crois que vous m'avez mal compris

du 30 avril au 25 mai 2003

Je crois que vous m'avez mal compris

Texte extrait de « Fallait rester chez vous, têtes de nœud » publié aux Éditions Les Solitaires Intempestifs.

Présentation
Entretien avec Rodrigo Garcia

Quelques extraits

Il est l’enfant d’une Argentine flamboyante qui depuis trente ans envoûte la création française. Rodrigo García, ultime rejeton d’un Buenos Aires déchiré, est né en 1964. Il quitte son Amérique du Sud pour l’Espagne en 1986, et fonde à Madrid, trois ans plus tard, sa compagnie la Carnicería Teatro - la Boucherie Théâtre. Il absorbe alors toutes les influences : Samuel Beckett, Harold Pinter, Heiner Müller, Thomas Bernhard, sans se laisser détourner d’un dessein original, personnel. Dans l’Espagne post-franquiste acharnée à conquérir toutes les libertés, Rodrigo García sème la zizanie. Créateur et agitateur, plus attaché à l’expérimentation qu’à la diffusion d’une œuvre aboutie, son écriture et sa mise en scène s’accompagnent d’une démarche de scénographe et de vidéaste. Il y développe la même représentation tragique d’une figure humaine soumise au désastre permanent de la vie. Traduites dans de nombreuses langues dont le danois et le polonais, ses pièces relèvent également d’un discours ravageur où le réel, ses turpitudes et sa violence, sont laminés par la vision sarcastique d’une société confinée dans sa pourriture. « Prométhée », « After Sun », ou « Notes de cuisine », déjà créées en France, ont posé les premiers jalons de cette représentation qui ignore la modération, l’élégance ou la litote. 

Je crois que vous m’avez mal compris est une diatribe contre les familles, la déraison des rituels de l’enfance, l’ambition des paumés, la convention bovine des libertés autorisées. Monologue d’un abominable gamin qui s’interroge sur ce qu’on appelle communément le sens de la vie, le texte ruisselle d’une brutalité réfléchie et assumée. L’aliénation collective de ses contemporains suscite chez son détracteur une philosophie limpide : perdre son temps dans le refus de le plier à la rentabilité des études, du travail et des joies de la normalité. Marcial Di Fonzo Bo, le plus universel des acteurs argentins, poursuit avec Rodrigo García son épopée d’interprète. Après Shakespeare et Copi, Gogol ou Jon Fosse où il fut dirigé par Matthias Langhoff ou Claude Régy, il est maintenant la voix unique et la rumeur contagieuse de ce prophète ordurier. Il fait luire l’éclair d’un orage lourd de lendemains, déchaîné par un auteur assassin.

Pierre Notte

Texte extrait de « Fallait rester chez vous, têtes de nœud » publié aux Éditions Les Solitaires Intempestifs.

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Vous avez 37 ans. Depuis quel âge écrivez-vous ?
J’écris depuis 1986. Je ne me souvenais pas que j’écrivais, adolescent, mais j’ai retrouvé il y a peu des textes de moi, jeune, dans la maison de mes parents. J’ai été surpris. Je n’étais alors vraiment pas passionné par la littérature. Je préférais de loin la philosophie.

Quand vous avez rencontré le théâtre, vous avez, au fond, rencontré votre façon à vous de parler au monde ?
C’est curieux. Quand j’étais plus jeune, j’allais beaucoup au théâtre et j’étais très bon public. J’ai été comédien, mais j’étais très mauvais et finalement la logique m’a amené de plus en plus vers la mise en scène. Le théâtre est effectivement, bien plus que le cinéma par exemple, la forme d’expression, le média qui me convient.

Vos pièces sont montées, de plus en plus, en France, par d’autres metteurs en scène. Ca vous fait plaisir ?
Je trouve ça très bien. Mais je suis un personnage schizophrène puisque je suis à la fois dans l’écriture et dans la mise en scène. Même si j’apprécie qu’on s’empare de mon écriture, je ne souhaite pas être concerné par les projets des autres. Je viens pour leurs premières et je m’en vais tout de suite. Chacun fait ce qu’il veut avec mes pièces. Je n’interviens pas comme auteur. Mon travail, c’est la mise en scène et ça me coûterait de m’impliquer dans d’autres mises en scène. De plus, dans mon écriture, il y a une grande liberté puisqu’il n’y a pas de notes de mise en scène. Ce sont des textes en général longs qu’il faut couper, donc les metteurs en scène qui veulent s’en saisir doivent aussi profiter de cette liberté et choisir eux-mêmes leur propre chemin. Mes écrits leur laissent toute latitude d’action et de création. A eux de construire un univers que j’espère être complètement différent du mien. Mon chemin à moi, dans le théâtre, a été singulier et isolé parce que je ne travaille pas de façon traditionnelle et, en Espagne, il n’y a pas vraiment de référence. Il y a des créateurs dont je me sens proche, plus que des auteurs. J’aime les gens qui, comme moi, se situent à la frontière entre le théâtre, la danse, les arts plastiques. Nous avons une sensibilité commune.

Depuis que vous présentez vos spectacles en France, avez-vous remarqué une différence de réaction entre le public français et le public espagnol ?
Entre la culture française et la culture espagnole, il y a beaucoup de similitudes, donc je ne trouve pas qu’il y ait un changement radical de perception, même si, par-ci, par-là, il y a quelques petites différences. Par exemple, l’humour n’est pas le même. Le public français réagit autrement. Mon humour est très ironique, très cruel, et le public le prend plus ou moins bien, ça dépend. Et je sens aussi des différences par rapport à l’appréhension de la nudité. En Espagne, les gens sont moins choqués par la poétique du corps nu, alors qu’en France, c’est parfois interprété de manière obscène.

Votre théâtre, qui est très combatif, est aussi un théâtre de l’urgence, il y a un afflux de vie sur le plateau, comme si vous étiez mû par une nécessité impérieuse ?
Je crois que le théâtre peut être utile socialement. Il n’est pas seulement là pour divertir ou distraire. Il n’est pas seulement un élément culturel. Il a une action sociale concrète. C’est cet enjeu qui m’intéresse. Pour le public, ce n’est pas habituel mais ça peut travailler sur sa sensibilité, le mener vers d’autres esthétiques, d’autres façons d’entrevoir la réalité.

Qu’est-ce qui vous nourrit ? Est-ce que vous lisez beaucoup, et notamment les tragiques puisque tous vos spectacles sont nourris des mythes ?
J’ai une formation classique en littérature. Je lis les auteurs tragiques, bien sûr. C’est la base de mon travail. Mais je veux également explorer la violence, l’ironie, le sentiment de l’humour. Chez les auteurs contemporains, qui me passionnent davantage, deux auteurs m’influencent, pour leur humour et leur ironie justement, Thomas Bernhard, ses nouvelles et ses romans, et Louis-Ferdinand Céline qui est pour moi un auteur essentiel. J’aime aussi beaucoup Robert Walser, son caractère optimiste.

L’ironie et l’humour, c’est, pour vous, un art de vivre ?
C’est la seule façon de dire les choses, qui résonne et qui bouscule.

Joëlle Gayot

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Quand tu seras un homme, je ne veux pas que tu sois obligé de te lever chaque matin pour aller gagner ta vie ; je veux que ta vie soit une affaire conclue avant que tu aies quinze ans.
Car à quinze ans, tu auras de l’énergie à revendre - mais pas assez de cervelle - pour commencer à en profiter.
Et il est injuste qu’une fois physiquement apte à profiter de la vie, à prendre ton pied, goûter à la drogue, te mettre à baiser, il est injuste qu’il faille bosser comme un malade pour jouir de quelques heures par semaine de temps libre.

Passé 40 ans, tu auras un cerveau parfaitement meublé, chaque idée à sa place, tu seras en état de prendre du bon temps, mais tu auras perdu la vitalité.
Entre 15 et 40 ans, tu as la vitalité, mais pas la tête à ça.
Entre 40 et 70 ans, tu as la tête à ça, mais pas la vitalité.
Il manque toujours quelque chose.
Et pour combler ce manque, on a inventé l’argent.

Ils pensent qu’en apprenant un tour à une otarie, ils élèvent la catégorie otarie à celle d’être intelligent.
Mais en fait ils réduisent l’otarie à n’être qu’un lamentable clown.
C’est comme aller au bureau : les actions humaines, comme penser, marcher, s’asseoir, parler, sont réduites à de lamentables clowneries.

On dit tuer l’ennui, mais c’est faux.
Ca revient à tirer sur un vampire.
Au bout d’un moment le revoilà frais comme un gardon, prêt à te sauter au cou.
Pour tuer l’ennui, il faut lui enfoncer un pieu dans le cœur.
Ce qui explique que personne ne tue jamais l’ennui.

Les êtres humains ont toujours profité des déformations quelles qu’elles soient pour s’en moquer.
Ils se moquent de ce désastre de cheval qu’est le poney, ils se moquent des handicapés, des mongoliens et attardés en tous genres, ils se moquent des nains, et en cas de difformité exceptionnelle, je ne te raconte pas : tu atterris direct à la télé.

Tu veux une pomme caramélisée ?
Ce à quoi je réponds : une de ces foutues pommes caramélisée ?
Oui, on me dit : Tu en veux une ?
Alors je dis : Je veux voir le poney.
D’accord, on va t’acheter une pomme caramélisée.
Ils m’ont posé une question et ils n’ont pas écouté la réponse.
Quand on traite les enfants de la sorte, il ne faut pas s’étonner de ce que les enfants deviennent une fois adultes.
De pauvres types qui ne se rendent jamais compte de ce qui arrive aux autres.

Les enfants sont la marchandise des parents.
Ils ont toujours été la marchandise des parents, ils appartiennent aux parents.
Je ne connais pas un enfant qui ait dit au moment de sa naissance : sans moi. Ca ne m’intéresse pas.

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