- Quand un travesti bouscule l'Histoire
Tirée d'une histoire vraie, la pièce retrace l'enquête troublante menée par deux amis américains pour tenter de percer le mystère de Charlotte von Mahlsdorf, un personnage fascinant et subversif devenu une icône de la pop culture berlinoise.
Charlotte est une énigme. Comment a-t-elle pu traverser les heures sombres du nazisme et du communisme sans jamais dissimuler son travestissement ? Quels événements l'ont conduite à collectionner des meubles anciens, à ouvrir un cabaret dans les années 1950, puis à s'exiler ? Plus de trente personnages croiseront la route de Charlotte von Mahlsdorf, tous interprétés avec virtuosité par Thierry Lopez. En révélant un être stupéfiant de liberté et d'inventivité, cette pièce bouscule nos conceptions contemporaines sur l'identité.
Prix Pulitzer 2004 du texte dramatique.
Nomination aux Molières 2019 dans la catégorie Seul en scène.
« Fascinant et phénoménal » Le Parisien
« Remarquable » L’Humanité
« Une interprétation hypnotique » Le monde du ciné
« Splendide » France Inter – Le masque et la plume
« Passionnant. Le très talentueux Thierry Lopez est tellement divers qu’il en devient unique » L'Obs
« Personnage fascinant interprète éblouissant. A voir. » Figaroscope
Le texte magnifique de Doug Wright, primé dans le monde entier, demande une interprétation et une scénographie poétiques et élégantes. L’époque et l’Histoire, d’une grande brutalité, doivent être contrebalancées par l’humanité de ce personnage multiple et émouvant.
Dans une atmosphère confinée comme celle d’un musée où chaque objet, chaque pas mènent à la narration, l’acteur Thierry Lopez va nous faire voyager avec vérité et sincérité dans son monde. Celui de Charlotte.
Une histoire incroyable. Un destin rare, qui réunit l’intime et l’universel.
- Entretien avec Thierry Lopez pas Stéphanie Tesson
Comment vous est venue l’idée de jouer ce texte ?
Marianne Groves, la traductrice de la pièce de Doug Wright l’a traduite en pensant à moi. Elle nous l’a proposée à Steve et à moi, et j’ai tout de suite été séduit par ce projet.
Ce texte n’avait jamais été monté en France ?
Non, il a eu beaucoup de succès à Broadway depuis sa création et a été traduit en plusieurs langues. Ce qu’on en a fait avec Steve a quelque-chose de moderne, de frontal, qui résonne avec la société dans laquelle on vit. Steve a évité les filtres qui pourraient rendre la pièce caricaturale.
Par exemple ?
Par exemple l’accent. On n’a pas essayé de camper un personnage, mais on s’est plutôt intéressés à l’acteur qui joue cet homme qui joue à être une femme. C’est plus troublant de voir un être qui ne se déguise pas, qui garde son aspect corporel propre, qui ne triche pas. Et personnellement, je souhaitais rester au plus proche de qui je suis, sans travestissement. Nous avons d’abord cherché un état intérieur. Il existe finalement autant de Charlotte qu’il y a d’interprètes…
Vous vous êtes tout de même intéressé à la vraie Charlotte, à l’original ?
Oui, beaucoup. J’ai d’abord lu sa biographie : I am my own Wife, écrite par Charlotte von Mahlsdorf elle-même, et éditée en 1992. Doug Wright a fait des recherches poussées autour de sa vie, que j’ai décortiquées, et puis j’ai vu le film sur elle, très touchant. C’est une figure transgenre très commune en Allemagne. Elle a survécu au régime nazi, au communisme, et elle est tombée de son piédestal à cause de la presse, qui a dénoncé ses rapports privilégiés avec la Stasi. Elle a dû fuir Berlin pour la Suède, avant de revenir y mourir d’une crise cardiaque en 2002.
De quoi vivait-elle ?
Elle était antiquaire, et vivait dans l’adoration et l’obsession des objets. Elle habitait dans une sorte de musée composé de toutes ses acquisitions – parfois opérées grâce à ses relations favorables avec le système en place. Elle récupérait des objets ayant appartenu à des êtres réprouvés, réprimés par le système en place. Cette collection était un moyen pour elle de résister et de s’évader. Sauver des meubles, c’était sa mission, comme d’autres s’appliquent à sauver des vies.
Son musée est toujours ouvert ?
Oui, il se visite à Berlin, ainsi qu’en Suède, où elle en a ouvert un autre durant le séjour qu’elle a fait là-bas.
Mais elle n’a jamais voulu devenir un personnage public, se montrer sur scène ?
Pas du tout ! C’était un être d’une grande pudeur. Mais à vrai dire assez paradoxal. A la fois discrète et exhibitionniste. Son spectacle, elle le faisait dans son musée, pour les visiteurs. Le public venait la voir dans son lieu. Là elle aimait provoquer, surprendre, susciter la curiosité ; elle jouait le guide. Son musée a d’ailleurs servi de refuge aux homosexuels allemands et aux artistes de l’époque, qui s’y retrouvaient. Marlène Dietrich y est passée. C’était comme un cabaret clandestin.
Et vous, comment avez-vous abordé cette incarnation ?
Justement en évitant l’incarnation. Nous sommes partis de l’auteur, Doug Wright. C’est sa fascination pour le personnage de Charlotte qui nous a guidés. Dans le spectacle, j’interprète Charlotte et tous les personnages autour d’elle, il y en a près de trente, mais je ne cherche jamais à les jouer. Je suis plutôt dans la lignée d’un conteur, qui tire le fil d’une histoire, avec tous ses protagonistes.
Qu’est-ce qui vous plaît dans cette histoire ?
Davantage que la question de l’identité, c’est celle de la revendication d’une différence. Bien sûr il y a cet étrange destin, ce Lothar Berfelde qui part chez sa tante, à la fois baroque et protectrice, à l’âge de quinze ans pour fuir un père obsédé par le nazisme, et qui revient chez lui en jupe et en talons, affublé du prénom de Charlotte, qu’il ne quittera plus. Ça c’est le côté existentiel, qui fait que j’ai gardé ma barbe pour camper ce personnage, et que je n’ai pas mis de maquillage. Mais il y a aussi le côté universel, cette résistance par l’affirmation d’une personnalité en totale opposition avec les codes de l’époque, cette façon de tenir tête aux courants ambiants par une authenticité d’être, une originalité affirmée comme un manifeste.
Vous en faites presque une héroïne ?
Oui, car on a besoin aujourd’hui de ce genre de figure qui imposent leur singularité. L’Art est une échappatoire, pas seulement dans les régimes totalitaires, mais par tous les temps…
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