Hanjo

du 8 novembre au 18 décembre 2005

Hanjo

Yoshio se sépare de sa jeune maîtresse, Hanako. Ils échangent leur éventail respectif, signe de leur attachement amoureux et promettent de se retrouver. La fidèle Hanako espère chaque jour le retour de son amant. Elle sombre petit à petit dans la folie…

Molière 2006 de la Compagnie pour le Théâtre de l'Aquarium/Julie Brochen.

Romanesque épisode à la mode d’autrefois dans la gare de …
Un pas vers Racine

Repères : aux origines du Nô
Les autres formes de théâtre japonais traditionnel
La presse

Yoshio se sépare de sa jeune maîtresse, Hanako. Ils échangent leur éventail respectif, signe de leur attachement amoureux et promettent de se retrouver. La fidèle Hanako espère chaque jour le retour de son amant. Elle sombre petit à petit dans la folie…

Qu’est-ce que cet échange d’éventail ? Qu’est-ce qu’un échange et qui échange quoi ? La séparation est encore au cœur de ce travail, mais après Le cadavre vivant de Tolstoï créé l’année dernière, elle devient comme l’espace du récit, et du jeu.

Julie Brochen

« Tragique histoire d’amour d’une jeune démente ; romanesque épisode à la mode d’autrefois dans la gare de… Une jeune et belle fille privée de raison passe ses journées, quelque temps qu’il fasse, sur un banc dans la salle d’attente de la gare de… Elle tient à la main un éventail ouvert. Elle dévisage chaque voyageur débarquant sur le quai, puis retourne chaque fois, déçue, à son banc. Aux questions posées par un journaliste, elle a répondu que son éventail était celui d’Hanjo, une geisha fameuse du temps passé. Un homme dont elle fit naguère connaissance dans une certaine localité échangea son éventail contre celui de cette jeune fille, en guise de promesse de se retrouver dans l’avenir. La fille porte un éventail d’homme, représentant un paysage de neige ; l’amant infidèle a son éventail à elle, orné d’un dessin de belles-de-nuit. Cet homme n’a jamais reparu et la jeune femme délaissée est devenue folle. Elle s’appelle Hanako, et à en croire un employé de la gare, habite chez une dame artiste peintre, Jutsiko Honda, 35, rue X. ». Extrait de Hanjo

Hanjo est extrait du livre Cinq Nô modernes de Yukio Mishima, Editions Gallimard, 1984
Traduction de Marguerite Yourcenar avec la collaboration de Jun Shiragi (Silla), création musicale de François Loriquet.

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« Je réfléchis » se dit en japonais : je ne cesse de secouer mon propre coeur. Je ne connais pas de meilleure définition de la pensée selon Wittgenstein. Et peut-être est-ce même cela être un homme : ne pas cesser de secouer son propre coeur, quoi qu’il puisse nous en coûter.*

Hanjo est un de ces textes qu’on découvre presque par hasard et qui deviennent avec le temps une certitude obsédante et nécessaire.

Un texte par lequel je dois passer pour trouver d’autres chemins… Celui que je cherche vers Racine ? « Pour jamais, ah Seigneur, songez-vous en vous-même combien ce mot cruel est affreux quand on aime ? »

Hanjo lu par moi comme une histoire d’amour ? - absolument. Mais un amour ou une volonté d’aimer qui se déploie dans l’effroi du vide, du manque et de l’absence.

Comment s’absenter de soi-même sans mourir ? Comment se séparer de soi, d’une part vivante de soi ? Comment partir ?

L’espace d’Hanjo est une gare que j’imagine vaste et peuplée, comme la gare de Tokyo où trône la statue du chien Hachiko, à l’endroit où, allongé, il a attendu son maître sans bouger jusqu’à la mort. L’espace d’Hanjo est un atelier de peinture, plus familier, proche, intime. Un espace fermé, privé, contenu et préservé dans un espace public ouvert, offert celui de la gare. L’espace de ma vie contenue dans celui du Théâtre. Penthésilée fut pour moi un premier face à face, je me souviens de la difficulté, du péril et de la solitude de ce travail sur Kleist.

Hanjo me rappelle Penthésilée, dans la secousse initiale et dans la peur au ventre. C’est violent, incroyablement. C’est noir et blanc et le papier journal envahit progressivement le quai de la gare, l’espace du jeu tout entier. L’acte de dévorer, ou la dévoration n’est plus carnassière et anthropophage elle est poétique et théâtrale dans notre découverte du premier texte original de Zeami puis de celui de Mishima dans la très belle traduction de Yourcenar. En nous livrant corps et âme à cette matière nouvelle et au delà de toutes les résistances, j’avais la sensation en commençant ce travail, d’avoir à trouver la proximité dans l’éloignement.

Le Nô est une mise à distance et une perte de repère pour les occidentaux que nous sommes mais il est relié à nous. Nous avons dans le travail retrouvé sans le chercher la notion du monde flottant, du sol qui se dérobe sous les pas, du kyôgen, le rôle de celui qui regarde, qui écoute et qui traduit ; tout me semble proche et lointain, étranger et familier, comme toute expérience intime qui vous déplace toute, et qui vous donne envie de vous replonger dans Racine.

« Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon coeur ». Penser que la vie est belle, que « le monde est beau » comme dirait Jack Ralite est une folie. Le penser, le crier, aimer la douleur de cette parole parce qu’elle réveille, qu’elle gifle et fait circuler le sang. Aimer, vivre même, est une folie. Je crois que j’aime la vie follement « quoi qu’il puisse m’en coûter ».

Julie Brochen

* L’enquête de Wiggenstein de Roland Jaccard

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  • Repères : aux origines du Nô

Définitions
La légende veut que le théâtre japonais vienne d'un spectacle donné par les dieux pour faire sortir Amaterasu, la déesse du soleil, de la grotte où elle s'était réfugiée. Entendant des chants, la déesse sortit de sa cachette et découvrit les autres dieux dansant au milieu de guirlandes de fleurs. Depuis, grâce au théâtre, le monde ne peut plus être définitivement plongé dans les ténèbres.

"Nô : Drame lyrique de caractère religieux et traditionnel au Japon." Définition du Petit Robert (éd. 2004)
"Le drame grec, c'est quelque chose qui arrive ; le Nô, c'est quelqu'un qui arrive." Paul Claudel

Les jeux de Nô sont des drames brefs, durant entre trente minutes et deux heures. Ils unissent deux traditions : les Kagura, ou pantomime dansée, et les Sarugaku, chroniques versifiées récitées par des bonzes errants.

Historique
En 1374, un jeune prince de dix-sept ans, Yoshimitsu, 3ème shogun de la dynastie des Ashikaga, fit venir pour l’une de ses fêtes Ka-ami, un acteur de Sarugaku, divertissement populaire. Le prince fut séduit par les innovations de Kan-ami, qui avait joint à ses farces une danse rituelle (Okina), amenant le Sarugaku vers un art d’esthétisme et de raffinement : le Nô.

Le prince prit Kan-ami chez lui avec son fils de onze ans, Zeami. Ce dernier devint à son tour acteur et dramaturge et s’efforça toute sa vie de clarifier et de codifier le Nô. Sous sa direction, apparaissent l’ensemble des composantes de cet art : costumes, masques, musique, gestuelle codifiée. Ses pièces sont encore les plus jouées du répertoire Nô.

Traditionnellement, les jeux de Nô étaient joués les jours de fête dans les sanctuaires. Une représentation comportait une succession de cinq pièces entrecoupées de Kyôgen, intermèdes «comiques» destinés à alléger la tendance dramatique. Les rôles de femmes étaient tenus par des hommes et le personnage principal portrait un masque inexpressif.

Les caractéristiques
Le répertoire Nô compte 240 pièces et aborde 5 thèmes : la piété filiale, l'amour, la jalousie, la vengeance et l'esprit des samouraïs. Les pièces sont classées en cinq groupes, selon les sujets qu’elles abordent. Hanjo figure parmi les « Nô du monde réel ». Ces pièces comptent parmi les plus dramatiques et les plus vivantes sur scène, mais aussi les plus faciles à suivre et à comprendre.

Le Nô, plutôt que de se concentrer sur une intrigue, présente l'apparition et le développement d'une simple émotion ou d'une atmosphère, au travers de laquelle la recherche de la beauté et de la vérité est exprimée. Les thèmes abordés sont présentés sous la forme d'une simple émotion, grâce au chant, à la danse et à la musique.

Tout est simplifié et raffiné au maximum pour obtenir un résultat extrêmement concentré. C'est là une technique typiquement japonaise, que l'on retrouve dans d'autres arts traditionnels développés au Moyen-Âge comme la cérémonie du thé, l'ikebana, les haiku ou la peinture sumi-e.

Les caractéristiques uniques de ce genre théâtral sont :
- L'accent mis sur un seul rôle principal
- L’utilisation des masques
- L'usage de la danse comme moyen d'expression important
- Les méthodes de vocalisation particulières de ses chants
- La poésie de ses textes
- Un orchestre composé d'un grand tambourin, d'un petit tambourin, d'une flûte traversière et parfois d'un grand tambour

Les jeux de Nô rappellent le drame grec. Là aussi peu de personnes jouent, là aussi il y a un choeur, des danses et des masques. Mais tandis que le drame grec en cours de déroulement était de plus en plus réaliste, les jeux de Nô se transformèrent en une forme artistique presque purement symbolique, où le texte des pièces tout comme les mouvements des acteurs voulaient symboliser des réalités indéfinissables et inexprimées.

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  • Les autres formes de théâtre japonais traditionnel

Kyôgen : Forme comique du théâtre japonais traditionnel. Les pièces de Kyôgen sont représentées entre deux pièces de Nô dont elles sont le pendant et le complément indispensable. En effet, si le Nô exprime ce que nous voudrions être, la voie de nos aspirations, le Kyôgen qui lui fut toujours intimement lié, exprime ce que nous sommes et son acceptation: deux chemins conduisant à la sagesse. Le Nô et le Kyôgen ont évolué côte à côte. On se réfère collectivement à ces deux formes sous le nom de Nôgaku.

Kabuki : Théâtre populaire, mettant en scène principalement des samouraïs. Le Kabuki, mélodramatique, luxueux et vigoureux, s’oppose au Nô, allusif, dévotionnel, symbolique et nostalgique. Les acteurs sont maquillés et non masqués comme dans le Nô.

Bunraku : Théâtre où les personnages sont représentés par des marionnettes. Il est interprété par un seul récitant qui chante tous les rôles, et trois manipulateurs pour chaque marionnette. Les marionnettistes sont à vue du public et utilisent soit la gestuelle furi, plutôt réaliste, soit la gestuelle kata, empreinte de stylisation, selon l'émotion recherchée.

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  • La presse

"Une histoire fiévreuse et glacée où rêve et réel se confondent dangereusement . (...) Pour goûter à ce spectacle, il faut abandonner ses repères, se laisser capter par l'atmosphère vibrante et épurée qu'installe Julie Brochen. Il lui suffit dequelques notes de musique, d'une brume légère, d'une aire de jeu toute en longueur où les acteurs (dont François Loriquet) n'ont pas d'autre appui que le sol, les mots et la géométrie des passions." Odile Quirot, Le Nouvel Observateur, novembre 2005

"Une sorte d'univers en perpétuel mouvement - et constants arrêts -, à l'image du poignant quai de gare en bois que figure le décor et de chaque côté duquel regardent, attendent eux aussi les spectateurs... Comme en suspension, ils assistent à la terrible histoire de passion où les mots, les répliques mêmes des personnages finissent par ne plus avoir d'importance: seul compte le poids obscur du chagrin, du temps, de l'impossible consolation. Porté par trois acteurs magnifiques de simplicité et de tension intérieure (Julie Denisse, François Loriquet, Muriel Amat), le spectacle nous mène, comme en flottant, au royaume des obsessions. Un rare travail de comédiens et de mise en scène l'a permis. L'exercice, d'une modestie affichée, est pourtant virtuose." Fabienne Pascaud, Télérama, 26 novembre 2005

"(...) Brochen dit que jamais elle n'a ressenti pareille impression d'absolue perte de repères. Et à la fois d'affinité avec une culture étrangère. Soulignant que le mot « réfléchir » se dit en japonais « secouer son propre coeur », c'est en poète (presque en calligraphe) qu'elle redessine et redéploie en la réfléchissant, et l'atomisant, cette auscultation d'une douleur, ce « dit » de la séparation et de l'attente. Qui lui évoque Racine." Mathilde La Bardonnie, Libération, 15 novembre 2005

"Abordant ce théâtre d'une autre tradition avec une grande humilité, Julie Brochen se met au service du nô sans chercher à nier sa culture européenne : "On place le public face à l'énigme qu'est pour nous la pièce. Avec lui, chaque soir, nous travaillons ensemble à sa représentation." Et c'est alors que le théâtre devient magique, en associant les spectateurs à sa réussite partagée." Patrick Sourd, Les Inrockuptibles, du 2 au 8 novembre 2005

"Les répétitions de l'écriture ritualisée de Mishima traduite avec bonheur par Yourcenar s'entremêlent naturellement à la musique de François Loriquet, accordéon au dos, comme l'héroïne le sien. Une ritournelle joliment entêtante, « Qui donc à l'amour a pu donner son nom ? Il aurait dû tout simplement l'appeler Mourir... » Des rouleaux de papier de journal sculptent Hanjo, la geisha traditionnelle, qu'incarne l'humilité du mime et clown Enrico Baradel. Des paravents coulissants, des notes égarées de piano, des effigies, l'art de l'écriture sur pans de papier, quelques couleurs. Avec des acteurs attachants comme Julie Denisse à la voix plaintive et rebelle à la fois. Muriel Amat dont l'engagement entier incarne une belle artiste éplorée. Et François Loriquet en amant perdu et éperdu. Savoir parler des amours violentes dans la grâce. Tout simplement." Véronique Hotte, La terrasse, novembre 2005

"Dialogues qui s’entrechoquent, une chronologie défaite au début mais qui finit par reprendre le cours du temps. La mise en scène de Julie Brochen désarçonne quelque peu. Bruits de foule nippone entremêlés de chants entêtants… Regard inquiétant et fixe de Hanako (magnifique Julie Denisse), voilà une pièce qui mérite le détour." Françoise Delbecq, Elle, du 7 au 13 novembre 2005

"Hanjo (...) parle d’amour absolu, de trahisons et de destins, d’absences et de proximités, et évoque cette intérogation vaine et essentielle à la fois : vaut-il mieux servir ses rêves ou sa réalité ? Quelle que soit la réponse, le spectacle est d’une poignante beauté, qui laisse dans son sillage l’impression d’un moment grave et important." Vogue, novembre 2005

"On ne comprend pas tout, dans un premier temps, de cette histoire d'amour, d'attente et de folie, les répliques n'appartenant pas forcément à celui ou celle qui les prononcent. Et puis, perdu dans une confusion des plus voluptueuses, on se laisse emporter par le courant. Soudainement le récit prend forme et la passion éclate là où on ne l'attendait pas." L'Hebdo, 13 octobre 2005

"Une histoire d'amour à quatre. une folie d'intérieur, avec murmure d'amour au milieu de la nuit et de douleur sans nom sur le tatami. Le sujet est magnifique. Julie Brochen a du doigté. Tout pour captiver." ADF, Le Temps - sortir, 13 au 19 octobre 2005

"L'amour à la japonaise, (...) la passion telle que la Française Julie Brochen la magnifie (...), telle que quatre acteurs merveilleusement timnbrés la chantent, la murmurent, la ravalent. Oui, ce Hanjo est un bonheur du soir. Il rend triste et gai, il nous enneige." Alexandre Demidoff, Le Temps, 18 octobre 2005

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Spectacle terminé depuis le dimanche 18 décembre 2005

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