
Epître aux jeunes acteurs pour que soit rendue la parole à la parole.
Avec cette épître adressée à l’origine aux jeunes acteurs et en définitive à tous, Olivier Py offre de successifs chemins à l’entendement de l’écriture poétique. La parole est cet amour qui s’incarne dans l’oralité sous la forme d’une promesse. En une heure d’un décapage à la fois drôle et sévère, John Arnold et son compère Samuel Churin s’en donnent à coeur joie faisant entrer (et sortir) le rabat-joie, le responsable culturel, le policier du désir, le ministre de la communication, le directeur du conservatoire d’art dramatique, celui qui demande vraiment, le porc moderne, l’enfant qui prête serment…
« le footballeur qui est l’écrivain moderne et le dessinateur de brosses à dents qui est le philosophe moderne et le strip-teaseur qui est l’orateur moderne et l’organisateur de tombola qui est l’homme politique moderne ont résolu le malentendu éternel du langage. C’est vraiment heureux. »
Cette « conférence » est la réponse d’Olivier Py à la demande faite par le directeur du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, d’un texte théorique sur l’art théâtral, destiné aux apprentis acteurs. Sous la forme d’un grand poème, elle a été dite, jouée et éructée par l’auteur dans le théâtre du Conservatoire pour la première fois le 14 mars 2000. Editée par Actes Sud - Papiers, elle est devenue un texte de référence traduit dans plusieurs langues.
"L’appel impatient de la gloire pousse chaque année des milliers de jeunes gens sur le chemin difficile de l’art théâtral. Savent-ils ce qu’ils font, savent-ils ce qu’ils risquent, imaginent-ils les désillusions embusquées, les mirages délétères, le froid hivernal du doute qui tombe sur la vocation ? Et quel viatique donner à ces jeunes gens qui, les yeux fermés, sans comprendre leur désir, s’engagent dans la carrière ? Pourrait-on leur parler de cette étrange vocation à la manière d’un imprécateur d’un autre âge, exalter la gravité de leur mission, rappeler encore que la représentation de l’humain dévolue aux acteurs est une aventure politique en soi ?
Cette épître est l’occasion de m’adresser à un public plus large que celui des apprentis et de dire, véhément, ce que je crois être les fondements de mon travail. Il me semble que depuis des années je ne cherche qu’à donner sens, qu’à donner plus de sens, qu’à donner ce qui à mon sens est le sens du mot « parole ». L’épître aux jeunes acteurs est donc une sorte de définition empirique de ce grand mot qui ne saurait être simplement communication triviale. L’Épître aux jeunes acteurs est le meilleur moyen d’approcher la subversion théâtrale dans un grand éclat de rire..."
Olivier Py
« Et moi, dans mon costume de tragédienne ridicule, je dis cela encore : l’homme peut être sauvé par la parole et le rôle du théâtre est de montrer cela. De raconter cela et tout en racontant cela, faire vivre cela, cette Expérience. Entre les acteurs, on raconte cela de part et d’autre de la rampe, on ne le raconte pas, on le vit, on le vit comme vérité vérifiée. Que tous ceux qui n’ont pas l’espoir de ressusciter les morts sortent de cette salle, il n’y a aucune chance, aucune qu’ils voient le début du début de ce que je dis. Mais comme ils sont venus pour voir ma robe, ils resteront. »
« La Parole est promesse.
La Parole est cet amour qui s’incarne dans l’oralité sous la forme d’une Promesse.
Quand un homme promet, il dit : « Je te donne ma parole. »
C’est cette parole-là qui vient parfois dans l’exercice de la parole que nous faisons sur scène.
Toute parole se soutient d’une promesse, est la forme d’une promesse. La Parole est la chair
de la Promesse. Entre hommes, une fois les besoins tus, il reste à partager la vie même, la
joie même, l’Espérance. Cela est vrai que l’espérance peut vaincre la mort, tant qu’elle passe
d’un coeur à l’autre il n’y a pas de raison que la mort la rattrape.
Comment échanger de l’espérance ? Aucun contrat séculier ne saurait obliger à l’Espérance. Mais de l’un à l’autre, elle passe. Elle passe, parce que dans un tremblement de la voix, dans une façon de réquisitionner le corps, de mettre devant sa bouche le testament, dans cette façon d’affirmer que l’on parle, il y a possibilité de prendre sur soi la foi de l’autre, comme de prendre sur soi la douleur de l’autre. Et ceci, bien au-delà de ce qui en est dit. J’affirme que cette transmutation de la vie d’une âme dans une autre ne peut s’accomplir que par la Parole. Et quand l’exercice de la parole est ravalé à la communication animale d’un besoin, quand on doute qu’il y ait de la Parole dans la parole, quand on méprise les mots, quand on crotte le lyrisme, on assassine le fait humain dans sa plus grande vertu. »
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