Emmanuel Pahud / Éric Le Sage

le 19 mars 2012

Emmanuel Pahud / Éric Le Sage

Deux grands noms de la musique française s’unissent pour ce concert de musique allemande. Emmanuel Pahud et Éric Le Sage joueront ensemble Reinecke, Schumann et Brahms.

Comment progresser encore, quand on a atteint les sommets ? En son for intérieur, l’artiste véritable ne considère jamais avoir atteint le bout du chemin. Pourtant, qui découvre le flûtiste Emmanuel Pahud peut légitimement s’interroger, tant sa finesse instrumentale et son intelligence musicale paraissent la perfection. Certes, cette notion est d’utilisation délicate en matière d’interprétation. Le légendaire chef d’orchestre Arturo Toscanini le rappelait laconiquement : « Rien n’étant jamais tout à fait parfait, rien n’est vraiment tout à fait bon ». Mais quand même : ce style si fluide, ce phrasé si juste et flexible, cette sonorité lumineuse et puissante à la fois, ce souffle céleste aussi naturel que la vie elle-même… Les fées se sont non seulement penchées, mais bousculées, sur le berceau du musicien francosuisse, né à Genève en 1970, en ce 27 janvier qui ramène l’anniversaire de la naissance de Mozart.

Les fées, mais aussi nombre de grands noms du milieu de la flûte à Rome, Bruxelles ou Bâle. Cette géographie européenne inattendue a tenu aux obligations professionnelles successives de son père. Comme bien des apprentis flûtistes, Emmanuel Pahud est ensuite passé par le Conservatoire national supérieur de musique de Paris – foyer de l’école française réputée dans le monde entier –, travaillant avec des personnalités aussi diverses que Michel Debost, Alain Marion, Pierre-Yves Artaud et Christian Lardé. Les prix internationaux se sont bientôt succédé, validant toujours un travail acharné. Devenu flûtiste solo de l’Orchestre symphonique de Bâle, puis de l’Orchestre philharmonique de Munich (avec l’ombrageux Sergiu Celibidache), Pahud a intégré en 1992, appelé par Claudio Abbado, le prestigieux Orchestre Philharmonique de Berlin. De nombreux disques et films témoignent de ce qu’il a apporté aux musiciens berlinois (la réciproque est vraie, naturellement) : écoutez le solo enveloppant du Prélude à l’après-midi d’un Faune de Debussy, avec Abbado (DG), puis Simon Rattle (Emi). Un musicien de grande classe fait siennes les deux visions, sans renoncer à rien de ce qui fait son génie propre. Regardez la Suite n° 2 de Daphnis et Chloé de Ravel (avec Rattle et Berlin, DVD C Major)… et résistez si vous le pouvez à ce solo éblouissant !

Maître d’un vaste répertoire qui va du baroque au répertoire moderne et contemporain, jazz inclus, Emmanuel Pahud a, dès ses débuts, consacré une part importante de son temps à la musique de chambre. Il est en particulier cofondateur du Festival provençal de l’Empéri, avec ses amis Paul Meyer et Éric Le Sage. Lui-même chambriste recherché, compagnon de la fine fleur des musiciens français, Le Sage est l’un de ses partenaires les plus réguliers (dans une constellation qui compte des pianistes aussi considérables que Stephen Kovacevich ou Yefim Bronfman). Autant dire que le dialogue chambriste leur vient le plus naturellement du monde. L’accent en est ce soir ouvertement romantique. Mais il présente en outre l’originalité de comporter surtout des transcriptions. Un prisme qui, au contraire d’être une trahison, permet d’envisager et de percevoir les oeuvres par un autre biais.

Au-delà des deux triptyques de Robert Schumann, les Fantasiestücke op. 73, lyriques et nostalgiques à la fois, et les Trois Romances op. 94, inspirées par l’univers du Lied (les deux cahiers datent de 1849), l’enjeu prend une importance particulière dans la Sonate pour clarinette et piano n° 2 op. 120 (1891) de Johannes Brahms, lequel avait également prévu une version pour alto. La nature de ces deux instruments dit les ombres et les ambivalences de cette partition d’abord pensive, dont les mouvements extrêmes trahissent un art consommé de l’utilisation de la variation comme structure même du discours musical. La transcrire pour la flûte, instrument plus « optimiste » par nature, est-ce l’éclairer d’une lumière un peu trop vive ? Voyons-y plutôt pour Pahud l’occasion de déployer ces couleurs extraordinairement nuancées dont il a le secret, façon poétique de conclure un programme ouvert par une oeuvre plus rare : la Sonate pour flûte et piano “Undine” op. 167 (1885) de Carl Reinecke.

La nymphe aquatique imaginée par Friedrich de La Motte-Fouqué (la nouvelle date de 1811) a connu nombre d’incarnations scéniques, au ballet comme à l’opéra. Et Ravel lui a dédié un chef-d’oeuvre pianistique. Mais, comme le relève John Warrack, « la Sonate de Reinecke est unique en ce qu’elle assimile les éléments du conte en une oeuvre de musique abstraite ». Ses quatre mouvements sont profus en traits souples et volubiles à la fois. Son charme léger et évocateur, qui n’est pas que brillante virtuosité, est propre à mettre en valeur l’agilité et la fantaisie également partagées par Pahud et Le Sage. Reinecke en a lui-même réalisé des arrangements pour violon ou clarinette. L’âme romantique prend décidément bien des visages…

Rémy Louis

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Spectacle terminé depuis le lundi 19 mars 2012

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