Derniers remords avant l’oubli

du 23 octobre au 25 novembre 2007
1h30 environ

Derniers remords avant l’oubli

Figure désormais emblématique du théâtre contemporain, Jean-Luc Lagarce aime parler de souvenirs qui s’estompent, d’amours qui se flétrissent, de comptes qui peinent à se régler. Matériau inépuisable et résolument jouissif pour les comédiens, son langage irradie de limpidité dans la mise en scène du collectif Les Possédés.

Amours et souvenirs
Note d'intention
Le collectif Les Possédés
Entretien avec Rodolphe Dana

  • Amours et souvenirs

Les personnages de Jean-Luc Lagarce aiment revenir en arrière, retourner sur leur pas, se retourner sur leur passé. Et la mort prématurée de l’écrivain, acteur, metteur en scène et éditeur (1957-1995) n’incite que davantage à lire ses pièces comme des rétrospectives, comme autant d’exercices du deuil des souvenirs.

Il est ici question « d’argent, donc de passion(s), donc d’utopie(s), donc d’amour(s) », souligne le jeune metteur en scène Rodolphe Dana, dont c’est la troisième mise en scène, après un Oncle Vania remarqué et, l’an passé, un touchant Pays lointain du même Jean-Luc Lagarce. Il est question aussi, comme souvent chez Lagarce, d’amours et de souvenirs lessivés, d’histoires de famille(s), de règlements de comptes ; de sentiments hantés, incommunicables.

« Un jour, on se dit que jamais plus on ne retournera dans cet endroit où on a vécu, avec ces gens qu'on croyait garder tout le reste de l'existence, on croit cela, on se le répète pour s'en persuader, c'est une des nombreuses décisions définitives qu'on croit prendre. Derniers remords avant l'oubli, c'est cela aussi, cette décision et encore, manière comme une autre d'en informer les principaux intéressés. Que cela puisse servir à d'autres fins, être le souvenir désenchanté « du bonheur des années soixante », c'est bien aussi. Mais cela n'aurait rien changé à la nécessité. Et la pièce parle de fait, elle essaie, de ce malentendu, ces petites escroqueries, la malhonnêteté comme art de vivre et le mensonge comme dernier rempart à la peur. » Jean-Luc Lagarce

Le collectif des Possédés travaille sur une adéquation entre l'âge des personnages et celui des acteurs. La jeunesse de ceux-ci rend difficile la possiblilité de l'existence d'une fille adolescente. En conséquence, et en accord avec les ayants-droit, le rôle de Lise (fille de Hélène) a été supprimé dans le spectacle qui vous est présenté.

Le texte intégral est publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs.

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  • Note d’intention

« Apprendre à finir ». C’est à l’aune de cette pensée que nous lisons les dernières pièces de Lagarce. Avant l’oubli, avant la mort, la nécessité de retourner en arrière, sur ses traces, faire l’inventaire de ses sentiments et de sa vie pour essayer d’en faire le deuil. Dans Derniers remords avant l’oubli, c’est un amour de jeunesse qu’on vient voir. Revoir.

Dans un lointain passé, Hélène, Paul et Pierre se sont aimés dans une maison achetée en commun. Chez Lagarce, l’amour s’incarne aussi dans un lieu. Il a le concret des odeurs des nuits d’été et les sons des volets qu’on ferme. Accompagnés de leurs conjoints, Hélène et Paul reviennent pour convaincre Pierre de vendre la maison. « On ne guérit d’une douleur qu’à condition de la vivre pleinement » disait Proust. Cette phrase s’applique aussi à l’amour. Et chez Lagarce, ces deux versions résonnent.

Les retrouvailles font les corps avides de désirs, instinctifs et animaux. De ce fait, parler et penser deviennent des actes compliqués. Le choix des mots se révèle périlleux. On a peur qu’ils trahissent nos sentiments. On hésite à relancer les braises d’un feu qui s’éteint ou bien, par un geste violent, à l’étouffer définitivement. Au fond, chacun souhaite que l’autre fasse le premier pas, baisse sa garde et, à défaut de nous prendre dans ses bras, puisse nous sourire sans arrière-pensées.

Comme toujours chez Lagarce, il y a ceux qui accompagnent. Ici, ce sont Anne (épouse de Paul) et Antoine (époux d’Hélène). Au début, ils sont polis et patients puis, contaminés par cette atmosphère lourde et orageuse, finissent par participer aux conflits.

Il n’y a pas d’histoires d’amours sans secrets. Dans Derniers remords avant l’oubli, ce thème-là est incarné par les enfants d’Hélène. Le doute demeure sur la véritable identité du père. Mais notre objectif n’est pas d’élucider ce mystère, mais de laisser au spectateur la possibilité de mener sa propre enquête. Au fond, dans Derniers remords avant l’oubli, ce qui anime chacun des personnages, c’est un besoin d'amour(s) et de vérité(s) impossible à rassasier.

Rodolphe Dana

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  • Le collectif Les Possédés

Crée en 2002, le collectif Les Possédés est composé de Katja Hunsinger, Marie Hélène Roig, Katia Lewkowicz, Laurent Bellambe, Julien Chavrial, Nadir Legrand, Christophe Paou, Rodolphe Dana et David Clavel.

Rodolphe Dana choisit les pièces et distribue les rôles. Le travail des répétitions commence autour d’une table avec devant soi une brochure : l’approche de l’écriture se fait par étapes, c’est d’abord une vue d’ensemble qui s’affine en fonction de la richesse des regards, du degré d’intimité créé avec la matière en question et de la singularité des perceptions de chacun. Une aventure intérieure collective vers les enjeux cachés d’un texte, ses secrets et ses mystères. Comme une noyade consentie vers un fond luxurieux ou aride, qui nous permettra ensuite de retrouver l’oxygène d’une forme jouée.

La forme n’étant que la face émergente du fond. Son écho. Car la forme, ou bien le style, devra naturellement s’effacer au profit de ce qui n’est pas écrit, du silence, de la densité du silence qui a précédé l’invention de la phrase. Créer sans relâche des liens concrets avec le vécu d’un auteur, puis s’en détacher, se délivrer de sa force et de son emprise. Devenir plus fort que lui, le phagocyter, s’approprier égoïstement son oeuvre, avec la même force irréductible qu’un enfant avec son jouet : processus fatal, nécessaire à toute forme de survie !

Ensuite, nous passons au plateau : de l’intellect à l’organique. Le texte n’est pas encore su, nous travaillons à partir d’improvisation et nous voyons ce qui se passe. Et de constater que bien souvent l’intelligence n’est pas compatible avec les nécessités concrètes du jeu au plateau. Nous considérons cette partie du travail comme la possibilité de toutes les nullités. Nous essayons tout, y compris les choses les plus ridicules et les plus mauvaises. Tentatives d’échecs jusqu’à trouver les évidences. Ce que nous appelons évidence est en fait le point central où se rejoignent toutes les convergences trouvées et éprouvées entre un texte, un espace et des acteurs.

La notion de personnages n’existe pas. Nous partons de nous, avec nos défauts et nos qualités. On se sert de la complicité et de la connaissance que nous avons les uns des autres.

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  • Entretien avec Rodolphe Dana

Qu’a aujourd’hui à nous dire aujourd’hui le théâtre de Lagarce, et comment expliquez-vous son « succès » ?

Rodolphe Dana :
« Je crois que son succès est avant tout dû (je parle là de ses dernières pièces) à un thème récurrent chez lui, qui est celui de l’amour : comment aime-t-on ? pourquoi aime-t-on ? qu’est-ce qu’aimer ? … etc. Et ses questions-là sont d’autant plus nécessaires à résoudre que la fin, la mort (celle de Lagarce) est proche. Succès dus aussi au fait que ces histoires-là ont souvent pour cadre les ami(e)s, la famille, et les amant(e)s. Enfin, parce qu’à la manière d’un Tchékhov, l’humour y est très présent. Je ne sais pas trop ce que le théâtre de Lagarce a à nous dire (il faudrait lui poser la question). Je crois qu’il ne dit rien, Lagarce, il montre comment il voit l’humanité et traduit cette vision par des mots. Et s’il a autant de succès, c’est que les spectateurs se reconnaissent dans cette humanité-là.

Comme presque toujours chez Lagarce, Derniers remords avant l’oubli fait particulièrement voisiner le tragique et le comique – cette dernière dimension semblant même plus prégnante que dans Le Pays lointain : quels « partis pris » de mise en scène avez-vous adoptés pour aborder ce texte – en regard de votre traitement de Pays lointain –, et pour faire ressortir le caractère tragique ou comique de cette sorte de ressassement qui caractérise son écriture ? Comment interprétez-vous ce ressassement ?

Rodolphe Dana :
« Les questions de l’abandon, de l’amour et du deuil sont présentes dans Pays lointain et Derniers remords avant l’oubli. Et même si la famille est beaucoup moins présente dans ce second texte, il n’empêche qu’il a, je trouve, une façon similaire de traiter la question des sentiments. Puisqu’il met aussi en doute l’amour naturel que l’on devrait avoir avec sa famille au travers du personnage de Louis dans Le Pays lointain. L’amour n’est pas une chose innée, que ce soit dans la famille ou avec des amant(e)s. C’est un combat que d’aimer, de parvenir à aimer, comme c’est un combat de ne plus aimer, d’accepter qu’il n’y ait plus d’amours. La forme, dans Derniers remords..., est aussi plus dialoguée, plus directe que dans Le Pays lointain, il y a moins de monologues, plus de situations concrètes... A priori,

Derniers remords... est plus comique que Le Pays lointain, mais il faut demeurer vigilant, on se doit d’incarner des être humains, pas des caricatures D’un point de vue scénographique, nous envisageons le même dépouillement que sur Le Pays…, mais autrement, car je crois définitivement que l’écriture de Lagarce supporte mal un décor, une certaine forme de naturalisme. C’est avant tout un plateau de théâtre, des acteurs et des mots.
L’interprétation du ressassement est liée avant tout à une grande assimilation de sa technique d’écriture. Le but étant qu’au final, cette technique d’écriture s’efface, ne se remarque plus. Le travail que cette écriture demande à l’acteur ne doit pas se voir, ni s’entendre. Il doit se ressentir.

Dans le beau texte que vous aviez signé l’an dernier pour le Festival d’Automne, dans le programme de salle du Pays lointain, vous insistiez sur la « nécessité » qui guide l’oeuvre de Lagarce, comme celles de Proust et de Tchékhov : pouvez-vous y revenir - et, dans le même temps, sur vos choix et votre conception de la mise en scène ?

Rodolphe Dana :
«Cette chose-là, que j’appelle nécessité, est une chose purement intuitive qui a lieu dès la lecture. Qu’y a-t-il de plus abstrait qu’une lecture ? Comment se fait-il que l’on puisse ressentir une émotion alors que l’on est seul, assis avec un livre ? Et que, concrètement, nous ne vivons pas ce que nous lisons ? C’est que nous ressentons, par l’imaginaire, une émotion. Et lorsque je ressens une émotion, c’est que l’auteur a fait en sorte que je la ressente, que pour lui il a été nécessaire que je la ressente. Notre boulot est alors ensuite de faire ressentir cette émotion, cette nécessité aux spectateurs. Dans les choix de mise en scène, nous procédons de la même façon. Sur le plateau, il n’y a jamais rien de superflu. Tout ce qu’il s’y trouve est rendu nécessaire par le texte et les acteurs. Nous essayons que le moins de choses possibles fasse écran entre les premières émotions d’une lecture et la réception du texte par les spectateurs. Je crois que l’authenticité a toujours à voir, d’une manière ou d’une autre, avec le dépouillement.

Pourquoi, plus précisément, avoir fait le choix de Derniers remords avant l’oubli (2003), texte de deux années antérieures au Pays lointain ? quelle place vous semble-t-il occuper dans l’oeuvre de son auteur, et quelle relation entretient-il selon vous avec Le Pays lointain ?

Rodolphe Dana :
« Le choix de Derniers remords..., nous l’avions en tête avant même de faire Le Pays lointain. Mais nous avons opté pour ce dernier texte parce que nous avions envie d’un risque peut-être plus grand, et d’être plus nombreux sur le plateau. Nous aimions ces deux pièces, il a fallu faire un choix.

Après Oncle Vania de Tchekhov, et Le Pays lointain l’an passé, vous avez choisi, pour votre troisième mise en scène, de rester fidèle à l’univers de Jean-Luc Lagarce : pour quelles raisons ?

Rodolphe Dana :
« Nous restons chez Lagarce pour les raisons que je viens d’évoquer. Mais aussi parce que nous avons du mal, lors de nos diverses lectures, à tomber sur un auteur qui traite de l’humanité de manière aussi juste, sans jugements, avec humour, lucidité, cruauté, dans une langue aussi singulière, et dans laquelle on se reconnaît. »


Propos recueillis par David Sanson

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Sélection d'avis des spectateurs - Derniers remords avant l’oubli

Derniers remords avant l’oubli Le 13 novembre 2007 à 23h42

Spectacle assez sympathique, plus réussi que "le pays lointain", bon jeu des acteurs dans l'ensemble mais qui manque peu être parfois de dynamisme. Ceci étant, cela reste un très bon spectacle d'un auteur célèbre du théâtre comtemporain. Bravo à toute la troupe !

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Derniers remords avant l’oubli Le 13 novembre 2007 à 23h42

Spectacle assez sympathique, plus réussi que "le pays lointain", bon jeu des acteurs dans l'ensemble mais qui manque peu être parfois de dynamisme. Ceci étant, cela reste un très bon spectacle d'un auteur célèbre du théâtre comtemporain. Bravo à toute la troupe !

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