Catherine Diverrès - Stances II / Ô Sensei

du 7 au 10 novembre 2012

Catherine Diverrès - Stances II / Ô Sensei

Catherine Diverrès est plus grande que jamais. Son art magnifique est comme toute chose essentielle : trop rare. Elle revient à Chaillot, avant sa prochaine création, avec deux solos sublimes.
  • Icône de la danse française

Catherine Diverrès est plus grande que jamais. Son art magnifique est comme toute chose essentielle : trop rare. Elle revient à Chaillot, avant sa prochaine création, avec deux solos sublimes.

On a pu voir, au fil des saisons, l'éclatante palette chorégraphique de Catherine Diverrès, une des icônes de la danse française.

Avec Ô Sensei, forme sensible, la chorégraphe et danseuse honore la mémoire de Kazuo Ohno, un des maîtres du butô. Catherine Diverrès rencontra le japonais au début des années 1980 : ce qui la marqua à tout jamais. Il était presque dans la nature des choses qu'elle salue d'un geste poétique la disparition de l'interprète de la chorégraphe espagnole Antonia Mercé dite La Argentina, une artiste que Kazuo Ohno vénérait au plus haut point.

Seule en scène, La Diverrès retrouve cette grandeur du mouvement inscrit en soi, l'intensité d'un corps offert à l'épure. Ô Sensei fait l'économie de trop d'effets : juste un écran et la projection d'une image brouillée, quelques costumes qui épousent les formes. Et met en valeur la danse profonde de Catherine Diverrès : tragique et altière, la femme ainsi révélée raconte tous les gestes qui ont enrichi son parcours.

En première partie de ce solo somptueux, la reprise d’un autre solo, Stances II, introduit le voyage dans l’oeuvre de la chorégraphe.

  • À propose de Stances II

« Stance II commence. Elle ne bouge pas. Noire exagérément longue, sur fond de lumière dorée. Elle ne bouge toujours pas, mais on la sent déjà danser. Quand elle glisse dans lombre, on ne la voit pas partir. Rien que pour dire l’ondoiement des bras, la flexibilité du cou, il faudrait le double de cet espace. Elle danse seule, avec son ombre, et les mots de La Terra di lavoro de Pier Paolo Pasolini. Diva. Éperdue de grâce. De courage. » Dominique Frétard

« Un petit détour étymologique apprend aux curieux que stance de l'Italien stanza - le séjour -, du latin stare - se tenir debout -, désigne une forme poétique : et c'est bien à un voyage poétique que cette création de Catherine Diverrès appelle. Un voyage (et un séjour), une quête singulière (une posture) qui entraînent le sentiment dans une grande ballade au pays de la chorégraphe. (…) Sublime ? : quelque chose au-delà du beau qui tient à la fois du mystère et de la possession. » Philippe Brzezanski

  • À propos de Ô Sensei

1er juin 2010, décès de Kazuo Ohno.

Novembre 2010, rencontre avec Emmanuel Sérafini autour de ce projet.

En Juin 1981, nous découvrons Kazuo Ohno à Paris dans une représentation de La Argentina.
Octobre 1982, Mars 1983 : rencontre et travail avec Kazuo Ohno à Kamihoshikawa
Création d’Instance au Japon avec Bernardo Montet.

Trente ans ont passé.
Rendre hommage à Kazuo Ohno serait possible mais on ne peut en aucune façon tenter de revisiter le chemin que lui-même a fait concernant La Argentina. Quoique ?... ce pourrait être une tentation, un peu folle…. ! L’art d’Ohno est tellement singulier, que dans le langage du Butô, il est un Butô lui-même, manière de trait d’union entre le monde des morts et le monde des vivants. Donc, raisonnablement il s’agira d’autre chose, mais… s’en approchant…

La délicatesse d’Emmanuel Sérafini a été de me laisser libre de l’interprétation autour du thème de l’Asie et, en ce qui me concerne, du Japon ; en me libérant d’une certaine manière de l’exercice périlleux de « l’Hommage » et je l’en remercie.

Cependant, il n’y a pas de Japon vécu pour moi sans la présence d’Ohno. Et ce fut une révolution profonde, radicale, de tout mon être. De tout langage et vocabulaire chorégraphique accumulé pendant des années d’apprentissage, j’ai fait table rase. Arrivée danseuse au Japon, j’y suis devenue chorégraphe. Cependant, Kazuo Ohno était un Danseur….

Après avoir été pendant des années, danseuse et chorégraphe, puis uniquement chorégraphe, voici qu’avec ce projet, la question de l’acte de danser se repose à moi. Mon dernier solo, Stance II, date de 1997 !

Il serait possible de « conceptualiser » ce projet. Je pense au contraire que je dois travailler sur la matière même non seulement de ma propre mémoire du Japon mais surtout de Kazuo Ohno, car la mémoire et la prégnance, la conscience des morts sont la matière même où puise et se creuse l’art d’Ohno et la pensée japonaise dans son ensemble… (c’est court de dire cela…)

Il faudra que je remonte le chemin inverse de celui qui m’occupe en tant que chorégraphe, pour reprendre, revisiter ce dont j’ai appris à me déprendre !
C’est-à-dire justement le cheminement tout particulier de ma compréhension d’alors : du « mood », de la pensée, de la danse d’Ohno, et aussi de mon attirance fulgurante envers le théâtre Nô : cette forme savante, transmise depuis des siècles est à la fois en contradiction avec l’art du Butô alors que le Shintoïsme et le désir de faire revivre ou d’apaiser les morts en est le soubassement profond, le socle commun que tout danseur de Butô réfuterait cependant.

Ambigüité : la personne d’Ohno est tellement riche de folies, de cabotinage, et de transformations, que je me vois tentée par jeu, de risquer cela, jusqu’à frôler la parodie. Aussi « compassionnelle » que soit la pensée d’Ohno, il n’en reste pas moins que Hijikata et lui étaient des surréalistes avertis, des baroques effrénés, des romantiques décadents… Mais surtout des poètes subversifs qui jetaient leur corps dans la bataille contre le conformisme nippon et l’invasion du nouveau mode de vie et l’art américain.

Il faut savoir que Kazuo Ohno pouvait téter une truie, et que tout danseur de Butô dans les années 70, pouvait danser nu dans la neige et attendre des heures entières… dans un arbre. Nos amis américains, je pense à Suzanne Forti et à d’autres, à la même période, ne connaissaient pas l’énergie japonaise du sulfureux « Butô ».

Et surtout la puissance contestataire inouïe de ces fous géniaux et démoniaques. Une tout autre façon de danser qu’aux Etats-Unis : sur les toits en baskets, « la démocratie du corps », (Trisha Brown), « le centre est partout » (Merce Cunningham)… Mais c’est une autre histoire…

Cependant, n’oublions pas qu’Alwin Nikolaïs, américain, a connu et travaillé avec Mary Wigman ; l’expressionisme est parmi les sources fondatrices du Butô. Et Nikolaïs a été invité à fonder le CNDC en France… Il y a de quoi se perdre effectivement dans les filiations.

La source des 103 années de vie d’Ohno peut me donner de la matière pour écrire une pièce de plus d’une heure sur ce sujet, en tant que chorégraphe. Mais ce n’est pas le propos ici ni le sujet.

Il n’y aura pas non plus de truie, ni de nudité sur le plateau. Ce sera donc par soustraction qu’il faut comprendre le geste que je mets en marche par la réminiscence, telle, peut-être, la « madeleine » de Proust. Nous irons pour la 1ère fois, dans une forme discontinue, c’est-à-dire qui se permet comme le faisait Ohno de changer de costume, de personnage, de musique.

La transformation est un thème fondamental du Butô, pour les arts et la mythologie asiatique ; comme dans toutes mythologies, mais le Butô l’actualise.

Ce solo ne pourra pas refléter tout à fait mon écriture de chorégraphe d’aujourd’hui. Car Ohno est à part dans ma vie, et à part radicalement en tant qu’artiste. Je serais un peu nue, me protégeant par l’ombre d’Ohno, mais aussi nourrie de cette histoire complexe de filiations de la danse du siècle passé, je laisserai venir à moi les kamis, ces êtres surnaturels, sorte de divinités ; je laisserai couler ma propre mémoire vers ce temps fugitif et intense passé au Japon, J’essaierai de me surprendre en trouvant le secret des métamorphoses d’Ohno : de l’angélisme au grotesque, (tâche quasi impossible)

Pour que : « Quelque chose » en moi danse ; et c’est ce quelque chose qu’il faudrait essayer de rendre non pas visible mais palpable. Mettre un peu de côté l’appareillage pour regarder en face un verbe, incompréhensible, de ces êtres qui ont dansé ce « quelque chose » invisible, dont parlent aussi les maîtres d’arts martiaux. Pour danser ce « quelque chose » ou plutôt que ce « quelque chose » danse, il faut abandonner l’égo.

La sole attend longtemps au fond de l’eau puis s’élève…. Ma mère m’a pris la main et dit au moment de sa mort : la sole nage en moi ! Kazuo Ohno Mais la fleur des vanités finalement dont parle Ohno, il me faudrait bien une double vie pour la comprendre. Ce sera un essai comme les autres, rien de plus, rien de moins.

Catherine Diverrès 28 décembre 2010

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Spectacle terminé depuis le samedi 10 novembre 2012

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