Zazou, une histoire d’amour sous l’Occupation

Paris 9e
du 16 janvier au 11 février 2004
2H15

Zazou, une histoire d’amour sous l’Occupation

Une chronique des années 40-50 autour des chansons d’époque. A travers une histoire d’amour, Zazou évoquera les riches heures musicales et littéraires d’une époque fascinante, d’un quartier légendaire, d’une jeunesse « zazoue » qui s’étourdissait au rythme du be-bop.

L'histoire
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Les chansons
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A propos de Zazou

Place Saint-Germain-des-Prés, 1943, une bande de zazous chante un hymne « swing » quand ils sont pris à partie par un groupe de jeunes fascistes du J.P.F. L’un des zazous y laisse sa tignasse, mais la bande est sauvée par une alerte aérienne. Ils s’engouffrent dans le métro.

Dans la station servant d’abri, au milieu d’une foule grise tapie dans l’ombre, une frêle adolescente dort dans les bras de sa mère. Les zazous déboulent, au grand dam de Raymond, le père de Marie, la jeune fille. Raymond n’apprécie guère ces jeunes excentriques.

Jean, l’un des zazous, remarque Marie. Il l’invite à venir les rejoindre en cachette, le dimanche suivant, à une surprise-partie qu’il donne dans un hangar au fond de son jardin. Lors de cette surprise-partie, Marie sera baptisée à l’unanimité « Zazou », car elle chante le swing - appris grâce à la radio écoutée en cachette - à merveille. Jean et Zazou s’énamourent l’un de l’autre.

Le père de Zazou l’envoie à la campagne chez un oncle, car il ne veut pas qu’elle revoie la bande. Eloignée dans une province où elle s’ennuie, Zazou découvre qu’elle est enceinte. Elle accouche d’un garçon et revient à Paris juste à temps pour apercevoir, sur un quai de gare, Jean, le père de son enfant, qui part en Allemagne pour le S.T.O. (Service du travail obligatoire).

A travers cette simple histoire d’amour, Zazou évoquera les riches heures musicales et littéraires d’une époque fascinante, d’un quartier légendaire, d’une jeunesse « zazoue » qui s’étourdissait au rythme du be-bop.

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Zazou n’est pas un spectacle sur les zazous, mais l’histoire d’une génération qui commença par être zazoue pendant l’Occupation, puis à la Libération troqua la veste large, le parapluie et le faux col pour la chemise rouge à carreaux noirs, le pantalon de toile et les baskets de rat de cave de Saint-Germain-des Prés.

Quand j’étais enfant, au début des années 50, j’entendais souvent, et jusqu’au fond de nos campagnes, ce jugement définitif et sans appel : « C’est un zazou ! » Il s’appliquait à tout individu un tant soit peu excentrique : une veste trop voyante, les cheveux un peu trop longs et hop ! vous n’y échappiez pas, vous étiez zazou ! Au fil des ans, on oublia l’origine du mot, puis il tomba en désuétude.

Voilà des jeunes, presque des enfants, qui sont nés après le déluge, la guerre 14-18, qu’ils n’ont donc pas faite, et qu’on plonge dans un nouveau cataclysme où ils n’ont pas la moindre part de responsabilité puisqu’ils ne peuvent encore voter ni faire la guerre. Triste cadeau offert par leurs parents, au printemps de la vie. Et tandis que la France des adultes s’enfonce dans la honte et la résignation (la majorité tout du moins), les zazous tentent d’y échapper.

Comme les hippies qui protestaient contre la guerre du Vietnam en s’envolant vers des nirvanas aléatoires, les zazous montraient leur refus d’un monde qui n’était pas le leur en s’habillant comme des clowns alors qu’autour d’eux tout était gris, en écoutant la musique swing venue d’Amérique et rythmée comme l’étaient les marches militaires, à la différence près que l’une « balance » quand l’autre écrase et que les claquettes remplacent le bruit de bottes.

Un jour de juillet 1942, un groupe de zazous remonta les Champs-Elysées en brandissant deux cannes à pêche chacun. La police laissa faire car elle ne voyait là qu’un monôme de potaches. Les zazous criaient en chœur : « De ! » et brandissaient leurs deux gaules en rythme. A leur manière, en bons héritiers du dadaïsme qu’ils étaient, les zazous rendaient hommage au général de Gaulle.

Quand les américains envahirent l’Irak et que, contrairement à l’attente de certains, ils ne furent pas accueillis par des bouquets de fleurs et des baisers mais par des bombes et des roquettes, je me souvins de Zazou, qui avait fait un « tabac » il y a dix ans à Chaillot. En particulier le tableau de la libération où l’on voit les femmes de Paris se jeter dans les bras des G.I. américains.

À Belleville, j’ai pour voisin de bar un garçon de café à la retraite qui ressemble en tous points à un « titi parisien », casquette vissée sur le crâne, clope au coin de la bouche, pastis à la main, mais qui s’appelle John Hamilton. « Ma mère s’est donnée à un G.I. le jour de la libération de Paris ! L’Américain m’a reconnu avant de disparaître et voilà comment je suis devenu américain ».

Le drame irakien et cette anecdote me donnèrent envie de remonter Zazou. J’y ai apporté des modifications, mais l’histoire reste la même et me semble incroyablement actuelle tant les adolescents d’aujourd’hui ressemblent à ceux des années quarante : même désarroi, même désenchantement devant le monde qui leur est laissé par leurs parents, même amour de la musique.
C’est à eux que je dédie ce spectacle.

Jérôme Savary

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Y’a des Zazous Martinet / Vincy
Le temps des cerises Clément
Je suis Swing Hess / Hornez
Ça s’fait pas Combelle / Blanche
Mes Tics Scotto / Koger / Ouvrard
Le premier rendez-vous Sylviano / Poterat
Le Swing à l’école Bourtayre / Syam / Georgius
Rythme et Swing Durand / Casanova
Sophisticated Ladies Ellington
Oui Combelle / Gasté
Mood Indigo Ellington / Mills / Bigard
La Poule Zazou Trénet
Mon heure de swing Rawson / Georgius
Mademoiselle Swing Legrand / Poterat
Adieu, mon Jean von Gilm / Savary
Caldonia Herman
La ligne Siegfried Kennedy / Carr / Misraki
Venez donc chez moi Féline / Misraki
Georgia Gorell / Carmichael
Short but Sweet Millman / Puglisi
Du, du, du solst der Kaiser meiner Seele sein Stolz / Grünbaum / Sterk
Fais-moi mal, Johnny Vian / Goraguer
L’Autobus Frères Jacques / Queneau
Lulu’s Back in Town Dubin / Warren
Je bois Goraguer / Vian
Barbara Prévert / Kosma
Le déserteur Vian / Berg
Il n’y a pas d’amour heureux Aragon / Brassens
La trompette d’occasion Vian

La Poule Zazou
Ohé ! la Mélie viens donc voir !…
Mais regard donc la Noiraude !…
Mais elle danse maintenant !!!…
Mais elle est Folle !!!
Elle est Zazou, cette poule-là…
Qu’est-ce donc que ça !!!!
Ben vrai !!!!

(sur des paroles de Charles Trenet)

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Une certaine jeunesse marquait son dégoût de la « Révolution nationale » d’une façon plus saugrenue, mais qui exaspérait les tenants de l’ordre moral : cheveux longs à la mode d’Oxford, toupets frisés, un parapluie au bras, les zazous donnaient des « parties » où ils se grisaient de musique « swing ». Simone de Beauvoir, La Force de l’âge

zazou : n. (1941 ; « joli garçon », 1937 ; onomatopée, peut être d’après les onomatopées en a et ou de certains chants en jazz). Nom donné pendant la Seconde Guerre mondiale et dans les années qui suivirent, à des jeunes gens qui se signalaient par leur passion pour le jazz américain et leur élégance tapageuse. « Les zazous donnaient des ‘parties’où ils se grisaient de musique ‘swing’ » (Beauvoir). Adj. La jeunesse zazou(e).
Dictionnaire de la Langue Française, Le Robert

Par ses soins vestimentaires, qui d’ailleurs se sont en partie imposés, et par son goût pour le jazz, importé en France depuis 20 ans sans y être vraiment diffusé, le zazou réagissait avec vigueur contre l’écrasement qui le menaçait, réactions bizarres peut-être, pas très raisonnées, presque instinctives, mais efficaces. C’est par lui et grâce à lui que le reste de la jeunesse a pris conscience d’elle-même et pu se rendre compte de ses possibilités. Raymond Queneau, Bâtons, chiffres et lettres

Doit-on dire zazouiller ? Zazouter, Zazougner ? Zazouser ? Non ! On doit dire : zazouner. La règle est formelle. La Gerbe, hebdomadaire vichyste

Ce qu’ils lisent :
Somerset Maugham - Le Fil du rasoir
Louis Bromfield - La Mousson
Margaret Mitchell - Autant en emporte le vent
et surtout Charles Morgan - Fontaine

Quelques-uns de leurs sombres aphorismes :
« Je rêve, jour et nuit, aux animaux de Bikini »
« L’homme, cet animal qui chante La Marseillaise »
« Demandez un arsenic-menthe pour apaiser votre soif d’éternité »
« Tel est mon ressentiment contre les hommes que je voudrais renaître en catastrophe de chemin de fer »
« Un existentialiste est un homme qui a du Sartre sur les dents ».
Et cet autre, dont nous ne garantissons pas l’origine existentialiste :
« Si vous ne vous sentez pas bien, faites-vous sentir par un autre !»

Ce que les autres en pensent :
… la Presse, hostile dans sa quasi-totalité, multiplie les récits apocalystiques ou simplement méprisants sur toute cette jeunesse qui s’agite inconsidérément, se trémousse et se moque comme d’une guigne de la douloureuse-situation-que-nous-vivons. Elle invente une nouvelle expression : les petits swings.

… Jeunes Français, prêtez-nous vos vingt ans si vous n’en faites rien (placards de propagande)

… Les zazous agacent le Pouvoir. Celui-ci prétend les ramener dans le bon chemin, celui que doit suivre un bon Français, celui du travail. Tu devines bien qu’ils boivent ton vin, qu’ils mangent ton pain, ce sont eux, eux seuls qui prennent tout. Ils vont partir (en Allemagne)
… C’est l’instauration du Service du Travail Obligatoire (S.T.O.). Les zazous se cachent ou fuient. Cette fuite a amené un certain nombre d’entre eux à prendre le maquis.
On assiste à des rafles. A Rouen, le préfet régional Parmentier se félicite : « Monsieur le Secrétaire Général, vous pouvez vous promener dans la ville de Rouen et rechercher des zazous, vous n’en trouverez pas pour la simple et bonne raison qu’avec l’aide de mes services de police, j’en ai fait le recensement pour les envoyer travailler en Allemagne…

… Ces derniers jours, aux Champs-Elysées, puis au Quartier Latin, quelques-uns de ces petits messieurs se sont vus scalpés… La décadence doit être arrêtée et les décadents corrigés…

… Les palinodies de Vichy, c’était le meilleur vaccin contre la morosité : on se les racontait pour le plaisir comme maintenant les histoires belges…
… Je me rappelle un surnom qu’on donnait à Pétain : le Connétable du Déclin. C’était facile, c’était gros, d’accord, mais ça entretenait le moral. Nous réagissions par l’absurde à la situation…

L’opposition zazoue se faisait d’abord par l’inertie.

Les Zazous,
Jean-Claude Loiseau

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« Pour moi, le zazouisme a été une forme de dandysme ; le dandy du XIXe siècle réagit contre la moralisation, il s’oppose à l’ordre établi, par la provocation. Il y avait de cela dans notre attitude, même si pour les zazous que je côtoyais quotidiennement au Quartier latin, la filiation n’était pas ressentie comme telle. »

Jean-Louis Bory

« Dans un certain nombre de cas, des Juifs ont contrevenu à l’ordonnance, soit en ne portant pas l’étoile, soit en en portant plusieurs, soit en y ajoutant des inscriptions. (…) Ils ont été envoyés dans des camps de Juifs. Un certain nombre de non-juifs qui portaient l’étoile juive ou une imitation de cet insigne et qui avaient ainsi manifesté leur sympathie pour le judaïsme ont été envoyés dans d’autres camps. » Parmi ceux qui avaient « ainsi manifesté leur sympathie pour le judaïsme », les passants ont noté que quelques-uns, veste longue, toupet frisé, ridicules à souhait quoi, avaient épinglé une étoile en tous points semblable à la définition officielle. A un détail près. Au centre, il y avait un mot de cinq lettres : swing.

Le cri du peuple, 26 juin 1942

« Jean Marais représente de façon par trop voyante une jeunesse zazoue et dépravée, honteusement dévirilisée. C’est le plus bel exemple de dévirilisation décadente que l’on puisse trouver et qu’un tel personnage se soit attaqué à l’un de nos plus immortels chef-d’œuvres pour le déformer est un acte de vandalisme. »
« Il fallait voir M. Marais (…) faisant valoir ses cuisses avec une impudeur gênante et aux dépens des admirables vers raciniens, lesquels passaient au second plan. Le premier étant l’exhibition de cette « vedette » (…) faisant des grâces, destinées à émouvoir le chœur du personnage en question, composé de répugnants petits zazous à voix de châtrés. »

Francisque, 10 juin 1944
A propos d’Andromaque (extraits de Les Zazous de Jean-Claude Loiseau, Ed. Grasset, 1990)

Au quartier Saint-Germain, à dix heures du soir dans les années d’après-guerre, la vie s’intensifiait en se faisant souterraine. Chacun sait le rôle que joua Boris Vian - « truand élégiaque » - parmi ceux qui cherchaient en ce village du cœur de Paris un lieu propice aux rencontres d’amis. Vian fut à la fois personnalité animatrice et personnage symbolique d’une collectivité en rupture de ban, en lutte contre les conventions ou contre ce qu’on nommait alors volontiers l’existence inauthentique. Le monde venait de pâtir de la bêtise la plus horrible : le carnaval nazi. Ubu était mort dans un bunker mais des millions de suppôts subsistaient, sous les traits de la candeur et de l’innocence bourgeoises, capables toujours par lâcheté ou conformisme, de refaire le lit, demain, d’un même prince. Certes, on trouvait aussi, parmi les habitués de Saint-Germain, quantité considérable d’imbéciles, mais tout compte fait, en proportion peut-être inférieure à celle qu’on pouvait évaluer partout ailleurs. Bien sûr, la portée pratique des réunions saint-germinoises était faible, sinon nulle, mais celles-ci retrempaient au moins le moral de tous les hommes qui, dans un district cosmopolite, témoignaient pour la tolérance, nouaient des relations sympathiques avec toutes les espèces d’étrangers en se désaltérant dans le courant du jazz mi-noir mi-blanc, musique unitive, mais encore mal aimée de la société globale.

Lucien Malson
préface aux Chroniques de jazz de Boris Vian,
Ed. Christian Bourgois, 1967

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