
Italie. Une femme raconte sa vie par la fenêtre à sa nouvelle voisine. Femme au foyer, famille bien sous tous rapports… De révélation en rebondissement, pourtant, avec l’humour reconnaissable de Dario Fo et Franca Rame, Maria confesse l’air de rien, une vie complètement abracadabrante : épouse séquestrée par un mari jaloux, belle-soeur d'un obsédé sexuel paralytique, et accessoirement mère de deux enfants, sa journée est ponctuée de coups de téléphone salaces, des visites impromptues d’un jeune homme fou d’amour qui voudrait s’introduire chez elle et du voyeurisme du voisin d'en face. Son mari revient, mais il a perdu la clef et ne peut donc pas entrer.
Un créancier se présente à qui elle n’aurait pas dû répondre : Maria essaie tant bien que mal de gérer toutes les difficultés qui surgissent simultanément, malgré l'absurdité croissante de la situation. Acculée au désespoir, cette femme seule trouvera une solution radicale à chacun de ses problèmes…
Peu après la disparition de Franca Rame en mai dernier, nous avons eu le désir de porter à la scène un des textes phares qu’elle a écrit avec Dario Fo, Une femme seule. A travers de nombreux monologues, ils ont oeuvré ensemble pour la question de la place de la femme dans la société. Si nous nous emparons aujourd’hui de ce matériau, c’est parce que le message transmis par le couple en 1977 à sa création est toujours d’actualité. De manière moins flagrante, peut-être, mais plus sournoise. Les femmes occidentales en effet n’en finissent pas de conquérir l’égalité face aux hommes.
Pourtant, elle semble loin l’époque où les scientifiques se mêlaient de peser les cerveaux des hommes et des femmes pour tenter de justifier la supériorité masculine. Ces savants ont été remplacés par des chercheurs hommes ou femmes qui se sont employés à montrer que le cerveau se construit essentiellement au contact du monde, et non en relation avec le caractère sexué de l’individu.
Reste que nous sommes, dès le plus jeune âge, fortement influencés (pour ne pas dire conditionnés) par notre éducation. Les représentations populaires, comme les catalogues de jouets par exemple, cantonnent trop souvent les filles aux questions futiles de coquetterie et de ménage (« De quoi pourrais-je avoir besoin d’autre dans la vie, je ne suis qu’une femme, après tout, » nous dit le personnage de la pièce) et laissent aux seuls garçons la possibilité de rêver d’astronomie, d’utiliser presque pour de vrai les merveilles de l’aéronautique, mais aussi de se familiariser avec les outils de la guerre. Aux femmes la sphère de l’intérieur, aux hommes le monde extérieur.
Avec l’humour et l’intelligence qui les caractérisent, Dario Fo et Franca Rame parcourent méthodiquement tous les aspects de la vie de cette femme, seule ou presque, enfermée chez elle par son mari. Les clichés, qui président encore aux relations des deux sexes et sont encore le quotidien de trop de femmes, sortent un par un du récit drolatique qu’elle fait par la fenêtre à une voisine de l’immeuble d’en face.
La femme, objet de désir, de convoitise, de consommation, objet encore et toujours, comprendra-t-elle comment reprendre la main sur son existence ?
Dans une mise en scène basée sur la répétition d’objets caractéristiques du féminin et du masculin réducteurs voire absurdes si on multiplie leur nombre, nous voulons que le spectacle se fasse le porte-parole de la nécessité de changer la manière dont les rapports entre hommes et femmes se construisent, même malgré nous. Le personnage sera traité avec un décalage visuel tranché afin de mettre en valeur sa dimension de figure emblématique mais burlesque de Geisha du monde occidentale.
«Belle démonstration des revendications féministes, exprimée de façon féroce et sans appel... Pauvre fleur écrasée sous la porte ! Ne pleurons pas ! nous disent les auteurs de cette pièce créée en 1977. Encore aujourd’hui, cette satire sarcastique et démontée de la «femme seule» soulève nos coeurs blindés ! » Evelyne Tran, Froggy's Delight
«Drôle, corrosif, malicieux, " Une femme seule " confirme l'universalité de la troupe de Dario Fo et le réel intérêt de son théâtre, surtout s'il est, comme ici, servi avec modestie et intelligence.» Philippe Person, Le Monde
«Des cris, quelques allusions futées sur la nature humaine ainsi que d’incessants coup de fil donnent un rythme certain à cette pièce courte et tonique. Au final, si l’on met de côté dans cette dénonciation métaphorique quelques aspects datés du texte de Fo, l’image de la femme au foyer dans l’Italie conservatrice de l’après-guerre plus vraiment réaliste ! Une femme seule s’avère un spectacle jubilatoire propulsé par un jeu théâtral très convaincant»
Thierry de Fages, Phaco
9, rue Dupont Des Loges 54000 Nancy