En guise d'avant propos
Notes historiques
Notes d'intentions
La Presse
En pleine réunion de lUnion des Musiciens, un soir de janvier 1948 au
Kremlin, Staline et Jdanov convoquent Prokofiev et Chostakovitch. Ils vont passer la nuit
à essayer de composer à quatre, un " objet musical " qui doit, aux
yeux de tous, être la référence de la " Vraie Musique
Soviétique ".
La rencontre est historiquement possible mais peu probable, même si Staline sest
toujours montré très déconcertant dans ses relations personnelles avec les artistes (
familières et provocatrices comme sil revendiquait pour lui-même un statut
dartiste ).
"
Dans les premières années daprès guerre, le parti
communiste renforça de manière patente son emprise sur la vie artistique et culturelle
de lUnion Soviétique. Cette offensive avait pour principal instigateur le
Secrétaire du Comité Central, Andreï Jdanov
Il sagissait de lutter contre
les cosmopolites et les formalistes et de condamner toutes les déviations par
rapport aux principes de politique culturelle du Parti ( les dîtes déviations étaient
interprétées avec le plus complet arbitraire en fonction des nécessités du jour
)
En janvier 1948, Staline ordonna la convocation dune réunion de
lUnion des Compositeurs. Il sagissait de dresser la liste des compositeurs
coupables de tendance formaliste
Jdanov fit si bien les choses que les
compositeurs établirent eux-mêmes cette liste noire
On inscrivait, on raturait, on
inscrivait encore
Mais deux noms demeuraient immuablement sur cette liste où ils
avaient été notés demblée : Chostakovitch et Prokofiev. La jalousie,
longtemps contenue, de nombreux musiciens devant la célébrité mondiale de ces deux
artistes éclata alors de manière particulièrement abjecte
" Krzysztof
Meyer, Biographie de Chostakovitch"
Pouvoir et Art constituent un attelage bien curieux, lun finance lautre
et même si cela se fait avec largent des citoyens, le Pouvoir naccepte jamais
quen échange de ce financement lartiste ne soit pas à sa
discrétion.
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David Pownall a choisi de mettre en scène Joseph Staline, parce quil est pour
tous les artistes le symbole du pouvoir autoritaire et dictatorial au 20ème
siècle - sans comme Hitler, susciter un total rejet devant lhorreur absolue.
Pourtant si lon fait une analyse comparée des crimes de chacun
mais
cest ainsi malgré tout Staline garde un je ne sais quoi de
" présentable intellectuellement " qui lui permet de figurer dans le
genre comédie sur une scène de théâtre. Donc, dans " Staline
Melodie ", lauteur en a fait larchétype de lHomme de Pouvoir
affrontant les Artistes, en loccurrence 2 musiciens, monuments de la musique du 20ème
siècle, Prokofiev et Chostakovitch.
La pièce est historique, et même si la rencontre na pas eu lieu, elle est
presque plausible. Laction se passe en janvier 1948, au Kremlin, une nuit, pendant
la réunion de la section moscovite de lUnion des Compositeurs, réunion présidée
par Jdanov (le curieux Ministre de la Culture de Staline) et voulue par Staline. Elle
avait pour but de dresser la liste des compositeurs incarnant les " tendances
formalistes et antinationales " et de les dénoncer, ce qui sera fait dès le 10
février suivant ; Boris Assafiev ( grand critique musical et ami depuis le
conservatoire de Prokofiev ) sera charger sur ordre de Jdanov de rédiger la résolution
du PCUS. Je cite Assafiev dans le texte :
"
Les créations dans le domaine de la musique symphonique et de
lopéra sont toujours aussi médiocres. Cela vaut surtout pour les compositeurs qui
incarnent le courant formaliste et antinational. Cette tendance est particulièrement
marquée dans les uvres des camarades D.D Chostakovitch, S.S Prokofiev, A.I
Khatchatourian, N.I Miaskovski et dautres, dont la musique trahit de manière
particulièrement nette des aspirations formalistes et des tendances antidémocratiques,
étrangères au peuple soviétique et à son goût artistique. Cette musique se
caractérise notamment par le rejet des principes fondamentaux du classicisme, par
lapologie de latonalité, de la dissonance et de labsence
dharmonie, par labandon déléments musicaux aussi essentiels que la
mélodie, et par une prédilection, en revanche, pour les combinaisons sonores chaotiques
et névrotiques, qui transforment la musique en cacophonie
"
Et plus loin :
"
Le Comité central du PCUS prend la résolution :
De déclarer que lorientation formaliste de la musique soviétique est une
tendance antinationale, qui conduit à la destruction de la musique.
De soumettre à la section de propagande et dagitation du Comité central ainsi
quau Comité de lart des directives visant à remédier aux défauts
mentionnés dans cette résolution, afin de conduire la musique soviétique sur la voie du
réalisme.
Dappeler les compositeurs à assumer les tâches honorables que le peuple
soviétique confie à la création musicale, et décarter de soi tout ce qui
affaiblit notre musique et entrave son progrès
"
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Staline, convoque Prokofiev et Chostakovitch, et leur impose une leçon de musique
un peu spéciale. La pièce, articulée autour dune " master
class " singulière annonce la prise du pouvoir politique sur lart.
Staline Mélodie est une pièce importante qui peut se lire à plusieurs niveaux :
Comment le pouvoir pèse sur lArt et principalement un pouvoir
autoritaire ?
Comment Joseph Staline, autocrate sil en fût, veut
asservir les artistes, quitte à " sétonner " quand il arrive
à ses fins de voir lartiste ainsi domestiqué perdre toute richesse créatrice.
Mais au-delà du pouvoir " Stalinien " caricaturalement répressif,
cest bien de tous les pouvoirs dont il est question, et plus précisément de
lattelage " gouvernement-créateur ". Même dans nos
démocraties, le Politique a du mal à admettre la liberté créatrice sous toutes ses
formes et partant du principe quil le " paye ", il aimerait en
retour un peu moins desprit contestataire chez lartiste et un peu plus de
considération pour saluer son action. Et si nous sommes loin des contraintes physiques
staliniennes, la contrainte économique " à plus ou moins long
terme " est un argument déterminant.
Et puis cette pièce pose linterrogation fondamentale que tout artiste ou toute
personne concernée par lart se pose un jour : Pour qui ? Pour qui ce
travail, ces vies consacrées à la création ?
Si lon considère tous
ces musiciens, peintres, écrivains, morts dépuisement et de détresse de ne pas
avoir été écouté, regardé ou compris, on sait que luvre dart
sadresse dabord aux Autres. Alors se pose la question de léchange, de
la nécessité pour être audible, regardable, compréhensible du
" compromis ". Alors certaines questions, je dis bien certaines
seulement que David Pownall fait poser à ces deux musiciens par Joseph Staline, nous
interpellent fortement : Pour qui créez-vous ? Existeriez-vous si personne
nécoutait vos uvres ? et nous tous acteurs ou spectateurs qui sommes
forcément concernés par la création artistique, découvrons que les réponses
simplistes que nous avions préparées, ne suffisent pas
Régis Santon
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Une farce noire conduite avec efficacité par Régis Santon entre le rire et l’effroi.
Le Figaro
Victor Lanoux a la moustache assez ressemblante et sa bonhommie équivoque, entre compréhension et menace, est subtilement inquiétante.
Les Echos
François Lalande se glisse dans la peau de Prokofiev avec une étonnante virtuosité. Il est excellent, comme toujours.
Pariscope
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