Sarcelles-sur-mer

"Un feu violent, visionnaire, généreux, un orage, un astre fou, tel apparut à son zénith d’incandescence, dans les années 1970-75, Jean-Pierre Bisson, lorsqu’il traversa, à grandes enjambées, le champ du théâtre. Ténébreux, à fleur de peau, il était capable de tout. Il avait tous les dons : écrire, mettre en scène et jouer. Son premier coup de force (mais ce n’était pas sa première pièce) fut Sarcelles-sur-Mer, la colère du désarroi, une alarme prémonitoire parce que les poètes fiévreux comme Bisson ont toujours un côté médium." Michel Cournot

1973, les grands ensembles parisiens, Grigny, Sarcelles ou encore La Courneuve sont en train de changer de population. Les classes moyennes pour qui l’on s’était pressé d’édifier ces "cathédrales du confort moderne" désertent ces lieux pas tout à fait vivables. D’autres arrivent, par nécessité et non par choix. Mais un homme arpente ces cités vides, cherche à leur faire parler sa langue de poète éméché, s’obstine à vivre, dans les habits anachroniques d’Alfred de Musset, un romantisme vrai c’est-à-dire possessif et cruel. La passion est son recours mais les murs qui, disait-on, parlent, sauront couvrir sa voix, ombres portées des monstres cyniques qui les ont édifiés. La pièce est politique par sa seule dimension sensible : elle s’émerveille des ressources dont un homme est capable face à une mesure d’inhumanité. C’est l’histoire d’une sensation comique de l’injustice : Sarcelles-sur-mer ou la nécessité impérieuse d’agiter un mouchoir blanc ou de jeter une bouteille à la mer.

Stéphane Olivié-Bisson