Recouvre-le de lumière

du 7 novembre au 13 décembre 2003
2H45

Recouvre-le de lumière

En hommage au torero Nimeño II. Tout ce que Ariane Mnouchkine nous enseignait de ce qu’était pour elle la vraie grandeur de l’art du théâtre, il nous avait semblé le voir vivre, et même renaître, dans les gestes à la fois conventionnels et réinventés à chaque instant par ce jeune homme fragile, dansant devant des monstres au péril de sa vie…

Un hommage au toréro Nimeño II 
La rencontre du toréro

Entretien avec Philippe Caubère

Philippe Caubère, auteur et acteur fabuleux d’une aventure inclassable qui n’en finit pas de nous surprendre, s’empare du livre d’amour et de deuil d’Alain Montcouquiol, pour rendre hommage au toréro Nimeño II. Parce qu’il connaît la solitude de la scène, si proche de celle de l’arène, Caubère revêt le costume de lumière d’un jeune torero fragile, dansant devant des bêtes sauvages au péril de sa vie. Il nous livre, seul en scène, l’un des plus beaux récits sur la peur, le courage, la mort et la fraternité.

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‘‘ J’ai vu toréer Christian pour la première fois en 1976 dans les arènes de Nîmes, au cours d’une novillada qui lui valut sa première Cape d’or. Ce garçon mince, au teint blême, souple comme une fille et courageux comme un samouraï, nous avait alors, Clémence et moi, bouleversés. Nous étions ensemble chez Ariane Mnouchkine et tout ce que la grande dame nous enseignait de ce qu’était pour elle la vraie grandeur de l’art du théâtre, si ancien qu’il lui paraissait perdu pour nous autres occidentaux, il nous avait semblé le voir vivre, et même renaître, dans les gestes à la fois conventionnels et réinventés à chaque instant par ce jeune homme fragile, dansant devant des monstres au péril de sa vie.

Quelques années plus tard, - nous n’allions plus tellement aux corridas, j’étais engagé dans mon œuvre théâtrale, Clémence chez Jérôme Savary, nos vies commençaient à se séparer -, un après-midi de septembre 89, elle m’appelle au téléphone, ou je l’appelle, je ne sais plus, et l’un de nous deux dit à l’autre : ‘‘ Christian s’est fait attraper à Arles par un Miura, c’est très grave… ’’ Le soir, nous regardions à la télévision, chacun dans notre coin, pleurant toutes les larmes de notre corps, les images insupportables. Ce n’était pas que Christian mais aussi notre amour, et toute notre jeunesse, que le toro Pañolero projetait en l’air pour les laisser retomber sur le sable et leur briser la nuque... ’’

Philippe Caubère / Paris, le 3 mars 2003

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" Avec cette histoire, je joue le secret de ma vie ".

Vous êtes un homme du Sud. Est-ce que la corrida fait partie de votre culture ?
Non. Quand j'étais enfant, mon père m'emmenait plutôt voir la course à la cocarde, une activité tauromachique très ancienne qui n'a pas la dimension tragique de la corrida, parce qu'il n'y a pas de mise à mort. La première fois que j'ai vu une corrida, c'était en 1968. J'ai trouvé ça dégeulasse. J'étais avec mon copain Jean-Claude Bourbault, on raillait tout le monde, on s'est fait jeter des arènes. C'est vraiment en voyant toréer Christian, Nimeño II, en 1973, que j'ai eu un choc. J'étais venu à Nîmes avec Clémence, on était au Théâtre du Soleil. C'était l'époque de L'Age d'or, on parlait de théâtre antique, on cherchait des formes oubliées, à réinventer. Avec Nimeño II, j'ai compris que la corrida est la racine de la tragédie. Une forme de théâtre extrêmement forte, qui peut dégager une émotion extraordinaire. Après, j'ai suivi Nimeño II et d'autres toreros. Mais je ne suis pas devenu un aficionado. J'aime la corrida, mais je ne comprends pas et je ne cherche pas à comprendre toutes ses subtilités.

Qu'avait-il de si particulier, Nimeño II ?
Il avait un teint couleur bronze qui donnait l'impression qu'il était vert de peur, et en même temps il sautait devant le danger. Pour moi, c'était Mercutio, c'est-à-dire un jeune homme féminin, androgyne et léger, qui dansait avec la mort. Je me disais : " Si un jour je monte Romeo et Juliette, il faut que Mercutio ressemble à ce torero. " Et Tybalt est son taureau...

Puis, à un moment donné, j'ai vu en Nimeño II mon petit frère, qui avait 5 ans quand ma mère est morte. Il a maintenant 30 ans, mais c'est toujours mon petit frère, et il ressemble à Nimeño. Quand j'ai lu le livre d'Alain Montcouquiol, j'ai été très touché par cette histoire entre les deux frères. C'est très étrange, l'amour fraternel. Très fort et très étrange.

Vous avez dédié les trois derniers épisodes de votre Roman d'un acteur à Nimeño. Pensiez-vous lui consacrer un spectacle un jour ?
Non. Je le lui ai dédié parce que sa mort - son suicide - m'avait beaucoup touché. J'y voyais l'image de ma jeunesse qui partait. L'idée du spectacle est venue d'une proposition de la mairie de Nîmes. J'ai lu le livre d'Alain à Cuba, à poil sur une plage, et ce n'est pas innocent : il y a quelque chose d'organique dans ce livre qui me bouleverse parce qu'il est comme ce que j'aime : brut, saignant, pas culturel. Et il me ressemble beaucoup plus qu'on pourrait le penser. 

Les gens me disent toujours que je joue ma vie dans mes spectacles. Je réponds oui, parce qu'il faut être poli. Mais je sais bien que, quand je joue Ariane, Clémence ou Bruno, je ne joue pas ma vie, mais une invention. Alors qu'avec Recouvre-le de lumière, je joue le secret de ma vie.

Propos recueillis par Brigitte Salino
Lundi 9 juin 2003, Le Monde

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Spectacle terminé depuis le samedi 13 décembre 2003

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