Phaedra's love

du 21 septembre au 21 octobre 2000

Phaedra's love

CLASSIQUE Terminé

Une autre Phèdre, une autre langue. La figure mythique réappropriée par l’écriture carnivore de Sarah Kane. Verbe aiguisé qui se mange lui-même et qui transcende "l’idée d’écriture". On pourrait croire à l’ébauche, le brouillon, mais dessous c’est la vie qui hurle. Désorganisée.Pur ef

Présentation
La parole à Sarah Kane au sujet de Phaedra's Love
Quelques mots
Une vision
Ouvre le chien

"Une fois que tu t'es aperçu que la vie est très cruelle, la seule réponse est de vivre avec le plus d'humanité, d'humour et de liberté que tu peux. L'écriture en est une expression - il est donc ironique que les gens essayent de la brider." Sarah Kane

Sarah Kane a écrit un théâtre de cruauté. Chez Artaud, ce terme vise un projet de représentation "faisant subir au spectateur un traitement de choc, de façon à le libérer de l'emprise de la pensée discursive et logique pour retrouver un vécu immédiat." Patrice Pavis

Présentation

Une autre Phèdre, une autre langue. La figure mythique réappropriée par l’écriture carnivore de Sarah Kane. Verbe aiguisé qui se mange lui-même et qui transcende "l’idée d’écriture". On pourrait croire à l’ébauche, le brouillon, mais dessous c’est la vie qui hurle. Désorganisée.Pur effroi.

Des personnages enclins au doute portant la parole-couteau comme une chair à vif, écorchée. Parole-étendard de cette urgence de dire la vision du monde et d’une rage du dedans qui place l’auteur au centre de son œuvre. Immersion dans l’urgence : rejet, abandon, fuite. Dans ce premier texte, Sarah Kane commençait son achèvement. Cet "état d’écriture" donne évidemment envie de transmettre. état de choc, "this chaos is killing me" criait le chanteur au bord de l’aphonie. J’écris la vérité et elle me tue.

Récit : Phèdre aime son beau-fils Hippolyte, Phèdre brûle pour Hippolyte, et puis... L’inceste, le vertige d’inceste, jusqu’où le désir ? Jusqu’où la brûlure ? Quelle rédemption ? On connaît l’histoire et l’histoire ne se refait pas. Ici elle se défait devant l’implacable lucidité. Nue.

Renaud Cojo

La parole à Sarah Kane au sujet de Phaedra's Love

"Dur à croire, je sais, mais j'étais une chrétienne fervente, "born-again", charismatique, habitée par l'Esprit. Jusqu'à l'âge de dix-sept ans, je pensais sincèrement que je n'avais rien à craindre de la mort et que le jugement dernier aurait lieu de mon vivant. Je n'aurais même pas à mourir physiquement. Dans un certain sens, c'est ce dont il est question dans Phèdre. Comme Hippolyte, j'ai commis l'impardonnable péché, de savoir que Dieu existe et de décider sciemment de le rejeter. J'ai cru en Dieu mais pas au mode de vie qu'exigeait le Christianisme. Je connaissais beaucoup de chrétiens dont je pensais qu'ils étaient fondamentalement mauvais et beaucoup de non-chrétiens dont je pensais qu'ils étaient entièrement beaux, et je ne pouvais comprendre cela, alors j'ai pris la décision délibérée de rejeter Dieu et peu à peu ma foi s'est éteinte. D'après la Bible je suis maintenant totalement damnée. Si maintenant comme dans Phaedra's Love tu n'es pas sûr que Dieu existe alors tu peux sauver ton cul, en vivant ta vie prudemment juste au cas où, comme fait le prêtre, ou alors tu peux vivre ta vie comme tu veux la vivre. Si il y a un Dieu qui ne peut pas accepter l'honnêteté de cela, et bien c'est son problème."

"J'étais frappée que (Phèdre) traite d'une famille royale sexuellement corrompue, ce qui la rend totalement contemporaine." Mais il y avait Hippolyte le beau-fils de Phèdre. "Ce soi-disant beau jeune homme est, selon moi, totalement inattirant et l'influence des Dieux mise à part, je ne pouvais voir pourquoi Phèdre tomberait amoureuse de lui. Je voulais ce même entraînement vers la destruction à la fin de la pièce mais je ne voulais pas que la passion soit imposée par la force extérieure des Dieux. Je voulais que cette passion appartienne en propre aux personnages, pour faire de Phèdre une tragédie humaine, alors j'ai fait de lui (Hippolyte) quelque chose d'assez différent."

"Je voulais garder les thèmes classiques du théâtre grec - amour, haine, mort, vengeance, suicide - mais utiliser une poésie urbaine complètement contemporaine. Il n'y a pas que les vers qui soient poétiques, l'écriture l'est aussi."

Elle (Sarah Kane) admet aussi avoir un problème avec l'idée grecque de la violence qui se déroule en coulisses. (...) "Ce que je veux dire c'est que si tu ne viens pas voir vraiment ce qui va se passer, pourquoi ne pas plutôt rester à la maison ? Pourquoi payer dix livres pour ne rien voir ? Dans Sénèque, les mises à mort sont décrites avec une force incroyable, l'évocation visuelle est très forte, mais en ce qui me concerne je préfère encore avoir l'image bien en face de moi."

"J'oscille entre une confiance totale et une terreur totale. Je pense que beaucoup de gens ne verront pas au-delà du fait qu'il y avait beaucoup de saletés dans Anéantis et qu'il y en a même plus dans celle-ci (Phaedra's Love) ".

J'ai fait remarquer que cette fois, le suicide, le désir, la haine et le meurtre sont dans l'original (Phèdre de Sénèque). "Ouais", acquiesça t-elle en souriant, "Ce n'est pas une partie de plaisir. La faute aux Grecs"

Extraits de l'interview de David Benedict
The Independant, mai 1996

"C'est quand on est au plus bas qu'on apprend à vivre le moment présent parce qu'il n'y a rien d'autre. Qu'est-ce que tu fais si tu sens que la vérité est derrière toi ? Beaucoup de gens pensent que la dépression a à voir avec le vide mais en réalité c'est se trouver si plein que tout s'annule. Tu ne peux avoir la foi sans le doute et qu'est-ce qui te reste quand tu ne peux avoir l'amour sans la haine ? " Propos tenus pendant les répétitions de Phaedra's Love

Quelques mots

À l'urgence d'écrire de Sarah Kane, il faudrait répondre par la nécessité d'un théâtre débarrassé de tout esthétisme où l'ambiguïté du réalisme n'aurait plus sa place. La rage de dire une certaine vérité n'a pas trouvé l'écho en France. Il me semble vital que le théâtre de Sarah Kane puisse enfin compter parmi les questions encore trop peu explorées en dehors de cet "art du prolongement", que le théâtre doit poser à la société d'aujourd'hui. Ici, c'est l'urgence de dire dans une société britannique noyée par le legs de l'après thatchérisme, la perte des repères, qui guide l'oeuvre. Ses pièces, si violentes soient-elles, ne sont pas des métaphores ou autres paraboles d'un monde sur le déclin, mais le reflet exact de ce monde lui-même. Il y a dans le mot représentation malgré tout, une notion de distance, qui interroge la forme même du théâtre. Ici, c'est la vie elle-même qui suspecte l'idée d'un théâtre vieillissant et qui nie cette flagrante vérité du chaos. En tout cas, l'écriture de Sarah Kane nous interroge aussi probablement sur la fonction du spectateur-témoin, son rôle au sein d'une société dite de spectacle, et qui se confirme avec insistance.

Ici, l'artiste s'est volontairement placée au centre de son oeuvre, une autre "suicidée de la société", et qui ponctue d'une manière définitive la force de la lucidité.

Renaud Cojo

Une vision

Les éléments du drame sont en place. Réappropriation de Phèdre, où les êtres se consument dans le néant de la misère humaine et des instincts les plus bas : l'inceste, le pouvoir, la vengeance. Le désir de rédemption, sentiment en filigrane qui plane malgré cette connaissance implacable de l'homme constitutivement mauvais. À la recherche d'un "ordre" qui n'est certainement pas divin, Hippolyte, personnage central du désespoir, pourrait être ce poète accablé d'une lucidité de la fatalité tels les personnages clefs de la mythologie d'aujourd'hui, visionnaires d'un absolu rongé par le chaos.
Le traitement devra être celui du huis-clos où toutes les portes fermées de l'alcôve princière ou de la cellule de prison ne laisseront entrer que les forces qui s'opposent et finalement se rompront au contact de l'impérieux dégoût d'Hippolyte. Lutter contre un naturalisme parasite, pour la stylisation d'un réalisme dans un espace de théâtre strict. Pas de "véritable" décor (qui nuirait à cet état d'urgence), mais une cage de scène presque vide tenue par les corps chancelants et livrés à l'implacable issue d'une parole-couteau.
Seule la télévision ouverte sur la potentialité d'un monde meilleur (films hollywoodiens, scènes extérieures et de foules) permettra un traitement d'une "autre" réalité, rêvée, celle-là, puisque comme nous le savons dans nos sociétés contemporaines, images et réalités se confondent.

Renaud Cojo

Ouvre le chien

Le groupe Ouvre le chien est une association fondée en 1991, à l'initiative de son metteur en scène Renaud Cojo. Elle a pour but de promouvoir la recherche théâtrale à travers des spectacles, des interventions scéniques percutantes, inventives, en adéquation avec la réalité du monde contemporain. D'emblée, Renaud Cojo affirme la spontanéité de son langage en s'opposant aux mécanismes de la représentation du théâtre, pour une forme esthétique plus libre, proche d'une certaine idée contemporaine d'un théâtre en mouvement. Dès ses débuts, Ouvre le chien révèle son goût pour une recherche formelle qui utiliserait des éléments non dramatiques dans l'organisation de son langage théâtral et qui ferait référence à des problématiques d'aujourd'hui (What in the World 1994 et Lolicom 1997). De même, en interaction avec des techniques et expressions contemporaines (infographie, vidéographie, musique électronique), elle continue d'explorer un champ d'action large dans lequel les éléments en présence se confondent au profit de la partition théâtrale.
Renaud Cojo articule son travail autour d'une thématique complexe alliant des notions d'instinct, d'ambiguïté, de frag-mentation, d'ébauche (Les Taxidermistes 1992, Maïakovski Nuage Tour 1993, Les Familiers 1999), car le théâtre est entendu ici comme l'endroit de l'extrême et non consensus. "Le théâtre doit être sauvage, aigu, impératif". Le metteur en scène entend faire accepter ces idéaux aux spectateurs après les avoir puisés au plus lourd de ses rêves, quitte à utiliser l'inconfort à des fins créatrices. Il utilise le théâtre comme un média qui a encore le pouvoir de diviser plutôt que de rassembler systématiquement. Ce théâtre sort de ses enclaves, il n'a plus qu'à être ce qu'il est : danger, désir, domaine de la distorsion, jouissance de l'existence qui se délivre. Cette démesure n'est pas qu'un rêve ou une rhétorique, elle accompagne l'expérimentation quotidienne dans le travail de la compagnie. Le langage d'un vrai théâtre contemporain reste à inventer chaque jour.

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Informations pratiques

Théâtre de la Bastille

76, rue de la Roquette 75011 Paris

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  • Bus : Commandant Lamy à 2 m, Basfroi à 243 m, Charonne - Keller à 244 m, Voltaire - Léon Blum à 384 m
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Spectacle terminé depuis le samedi 21 octobre 2000

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