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du 10 au 22 mai 2016

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C’est l’histoire de Kheireddine (metteur en scène oranais, jurassien et bourguignon) qui commande à Fabrice (dramaturge savoyard) l’écriture d’une pièce sur l’Algérie d’aujourd’hui. Ou plutôt non : c’est l’histoire d’un auteur qui décide d’écrire sur Kheireddine, coincé ou perdu (selon) entre la France et l’Algérie. Non, voilà ! C’est l’histoire d’Algéroman, superhéros maghrébin qui, cape au cou et justaucorps, se retrouve sommé de sauver son pays !
  • L'Algérie d'aujourd'hui

C’est l’histoire de Kheireddine (metteur en scène oranais, jurassien et bourguignon) qui commande à Fabrice (dramaturge savoyard) l’écriture d’une pièce sur l’Algérie d’aujourd’hui.

Ou plutôt non : c’est l’histoire d’un auteur qui décide d’écrire sur Kheireddine, coincé ou perdu (selon) entre la France et l’Algérie.

Non, voilà ! C’est l’histoire d’Algéroman, superhéros maghrébin qui, cape au cou et justaucorps, se retrouve sommé de sauver son pays !

Mais lequel : La France ou l’Algérie ?

Ou serait-ce tout simplement un concert-théâtralo-vidéo-BD pour raconter l’histoire d’un homme qui nous inviterait à écrire une nouvelle page de notre Histoire commune ?...

  • Note d'intention de l'auteur

Kheireddine Lardjam souhaitait me passer commande d’une pièce de théâtre évoquant la guerre d’Algérie. J’ai publié en 2005 une pièce qui s’intitule Salât Al-Janâza, dont les racines s’enfoncent jusqu’à l’insurrection algérienne de 1954. Dans Tarzan Boy, texte à caractère fortement autobiographique, j’évoque encore le conflit. La Guerre d’Algérie, j’y pense tous les jours, y compris quand je n’y pense pas. Pourquoi ? Parce que je suis né en France dans les seventies. La Guerre d’Algérie est l’un des événements majeurs de l’enfance, de ma venue au monde. Je suis né appesanti par cette mémoire-là, qui est l’un des débuts de mon imaginaire. On a pour les années qui précèdent sa naissance une fascination naturelle ; ces années non vécues nous fondent et nous dominent. À travers l’écriture, on espère recoudre le rideau déchiré.

Mais, plutôt qu’écrire la pièce vers laquelle Kheireddine m’orientait, j’ai préféré jouer avec lui. Comme un boxeur lance un défi à un autre boxeur, genre : voyons ce que t’as dans le ventre. Je ne le cache pas : ma démarche est perverse et arrogante. La Guerre d’Algérie, ce n’est pas le sujet. La notion même de « sujet » m’échappe. Le « sujet » d’une oeuvre, c’est toujours le vrac, dont la définition change à mesure que se déplace le regard qu’on pose sur l’oeuvre, et à mesure que le temps l’use. Le sujet, ce sont des accidents aux conséquences maîtrisées.

Le premier accident, c’est cette rencontre entre Kheireddine et moi : voilà ce que je me suis dit. Le sujet, c’est son désir d’un espace artificiel habitable pour évoquer des espaces de vie inhabitables, les liens difficiles qu’il entretient avec la France comme avec l’Algérie. Le sujet, ce sont ses petites mains nerveuses et les bribes d’histoires ou d’Histoire qu’il distille dans la conversation, sa « gueule d’Arabe » comme il dit ; moins son parcours que l’imaginaire pur qu’il ignore porter et qu’en pervers prétentieux, j’ai l’idée de mettre à jour, en lui écrivant de la parole. Parole écrite pour lui, avec lui, depuis lui. Mes mots, comme si c’était les siens, pour dire ce qu’il ne saurait dire si je ne les lui imposais pas.

En précisant les enjeux du travail que nous entreprenons, je pense beaucoup au film de Lars Von Trier et Jorgen Leth : Five Obstructions. Ce jeu du chat et de la souris, cette amicale séance de torture, ce portrait fragmentaire à la fois dégueulasse et splendide, cette vraie déclaration d’amour fraternel qui appuie là où ça fait mal, réflexion sur la trilogie identitaire qui fonde nos individualités : identité personnelle, identité sociale et identité d’emprunt.

J’impose donc à Kheireddine Lardjam de jouer ce personnage qui s’appelle Kheireddine Lardjam. Je lui impose de devenir son propre masque et je ne lui épargnerai rien. Il a accepté le jeu. Ce jeu où je le cogne avec fraternité, après lui avoir lié les mains.

Fabrice Melquiot

  • Note d'intention du metteur en scène

Si on m’évoquait l’année 2006, je dirais que c’est l’année où j’ai découvert Fabrice Melquiot. Non ! Il ne s’agit pas de découvrir l’homme mais plutôt l’oeuvre. Un texte aussi fort que la mort. Son titre ? Salât Al-Janâza ou La prière du mort. N’est-ce pas là le sens même du texte : une prière, non à la mort mais à la vie ? Qu’est-ce qu’un titre, à part quelques mots agencés pour dire une histoire, une Histoire ? Trois jeunes, nés en Algérie, me ramènent à ma ville natale. C’est aussi la leur : Oran el Bahia, Oran la merveilleuse. Cette ville aux Histoires multiples a marqué ces personnages comme elle m’a marqué, moi. Je n’ai pu que m’émerveiller devant cette capacité à puissamment transcrire MA ville sans y mettre les pieds. Je vivais à Oran à cette époque-là, et ce qui est encore plus fascinant, c’est que l’auteur a réussi, chose qui n’est guère facile, à voyager chez moi par les mots et à travers les maux de simples « êtres de papier ». Moi, l’Oranais du centre-ville, des quartiers dits populaires, je me suis retrouvé dans son texte, dans les ruelles qu’il décrivait, dans les coins et les recoins des bas-fonds des cités. J’étais bien présent dans ce texte qui était présent en moi. Il me provoquait, me titillait, me forçait à sourire et à pleurer. Bref, je m’y trouvais comme si c’était moi qui l’avais créé.

Après tant d’années passées à errer en Algérie, puis en France et par la suite entre les deux pays, je me suis retrouvé à la croisée des chemins. Face à un public qui change aux changements des villes et des pays, je me suis trouvé à me poser une question persistante : pourquoi tant de clichés circulent-ils entre les deux pays ? Je voyais dans le regard de chaque spectateur venu voir mes spectacles une soif de savoir, une curiosité inouïe à découvrir cet Autre diabolisé dans la presse et dans le discours politique. Ma position était délicate. Je me situais dans l’entre-deux et de cet entre-deux j’avais une meilleure vision du fossé qui se creusait au fil des années entre deux peuples liés par une Histoire commune, qu’on le veuille ou pas. C’est un fait !

C’est à ce moment-là que j’ai pensé à mener mon projet artistique autour de ce lien qui unit plus qu’il ne sépare. Le premier nom qui m’est venu à l’esprit fut celui de Fabrice Melquiot. C’est l’auteur français le mieux placé pour prendre part à cette aventure. Et le hasard a fait que nos chemins se croisent à nouveau au moment même où je songeais à ce projet. Ma première rencontre, « réelle » cette fois-ci, avec Fabrice eut lieu autour de l’écriture, quand j’ai participé à un atelier d’écriture. C’était lui l’animateur de cet atelier. N’est-ce pas le destin qui fait bien les choses ? J’en ai alors profité pour lui faire part de mon dessein suscité par un désir, voire un besoin de créer un spectacle ayant pour décor cette période douloureuse de l’Histoire de la France : la Guerre d’Algérie.

Il faut souligner une chose. D’une part, je suis passionné d’Histoire, et d’autre part, je travaille sans relâche entre les deux pays depuis dix ans, je crée des spectacles et je les fais voyager entre les deux rives de la Méditerranée. C’est comme si je cherchais à faire de ces créations le médiateur efficace d’un travail de mémoire. Et ceci, je le précise, non pas pour le seul plaisir d’invoquer l’Histoire mais afin de servir le présent, sans désir de polémique ni de mise en accusation. Je ne mène pas un discours culpabilisateur ou accusateur. Loin de moi cette idée !

Qu’en est-il de la réponse de Fabrice Melquiot ? L’auteur convoité répond favorablement à mon invitation, mais à une condition. Il souhaite écrire un texte que je porterai moi-même sur scène. Ce n’est pas tout ! Il exige aussi autre chose. Non seulement que je sois le porteur de texte mais que le texte même me porte, lui aussi. Quelle idée ! Faire face à un public en racontant mon parcours, ma propre histoire à travers l’Histoire des deux pays, un va-et-vient qui traduirait ma quête d’un terrain d’entente pour un avenir meilleur. Je peux paraître idéaliste, tout comme est idéaliste cette idée que j’ai acceptée avec joie, mais que m’importent les jugements des autres si mon projet aboutit ?

Ces conditions posées par l’auteur sont finalement plutôt un challenge, un défi que je me donne à moimême avant de le relever face à Fabrice. Certes, cela peut paraître prétentieux de la part d’un homme de 35 ans de se raconter sur scène. Après tout, qu’ai-je vécu d’important à raconter ? Mais j’ai accepté. Pourquoi ? Parce que je sais que Fabrice Melquiot est un de ces auteurs qui, pour traiter des sujets délicats, en passent par la représentation de bribes de vies banales. Ce sont moins ces vies qui sont mises en lumière que la souffrance tacite, humaine et informulable qui s’en dégage.

Fabrice parle des hommes, de leurs blessures, de leurs fêlures pour mieux nous interroger sur le monde dans lequel nous vivons. Fabrice Melquiot, à travers ses pièces, pose incessamment la question de l’origine, de l’héritage ancestral, de la construction de chacun à partir d’une histoire héritée mais qui doit être questionnée pour permettre de devenir un homme libre. Il sait créer un univers parlant du monde sans pour autant le copier. Son oeuvre est littéraire au sens noble du terme. Doté d’une écriture originale, l’auteur ne suit pas le cours de ce que l’on pourrait appeler une « logique rationnelle », mais plutôt les mouvements d’une logique des sentiments. Il fait partie de ces écrivains dont les mots ont besoin d’être dits, d’être représentés. Une fois sur scène, tout devient simple. Je porterai alors non mes mots, mais ceux de Fabrice Melquiot.

Ce spectacle sera donc une fiction. C’est ainsi que je compte vivre cette aventure assez particulière. Tout le spectacle reposera sur l’idée que même l’Histoire, avec un grand H, n’est qu’une grande fiction foisonnante – et dangereusement floue, aux contours peu clairs.

Chaque pays, chaque continent, chaque ville a sa propre vision de l’Histoire. Et dans tout récit historique, il y a, comme son nom l’indique, une part de récit. L’Histoire est subjective. Ce qui veut dire que tout ce qui nous définit, notre identité, notre passé n’est que le produit d’un récit.

On peut s’attendre, tout au long de notre projet, à ce que se réveillent en moi de vieilles blessures, qui ne sont que le reflet des blessures entre nos deux pays qui n’ont pas fini de cicatriser. Il faut en prendre le risque car, loin de toute récupération, de tout esprit partisan, ou autre « Nostalgérie », je souhaite inviter avant tout à une réflexion sensible sur la complexité d’une histoire douloureuse. Cette dernière ayant conduit à une tragédie écrite dès les premières heures de la colonisation.

Touché par l’utopie méditerranéenne d’un Camus rêvant d’une fédération permettant à des peuples différents de vivre en paix et dans l’égalité sur une même terre, je souhaite aussi conduire les spectateurs, avec lucidité, sur un chemin passionnant, poétique et fraternel. On y découvre un véritable emboîtement de souvenirs où s’entrecroisent plusieurs mémoires : celle de ma famille, de nos pays et celle d’un comédien-conteur.

Kheireddine Lardjam

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Spectacle terminé depuis le dimanche 22 mai 2016

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