Tout au long de son travail riche et foisonnant, Fabrice Murgia scrute notre civilisation, ses malaises, ses aliénations et ses crises, et explore des thèmes comme la solitude, les nouvelles technologies, la jeunesse... Il puise dans son histoire ouvrière et résistante, se nourrit du réel et de ses recherches, pour écrire et mettre en scène des spectacles qui remuent.
Avec Notre peur de n'être, le lauréat du Lion d'argent à la Biennale de Venise aborde, sans catastrophisme ni angélisme, le monde virtuel d'aujourd'hui. Fabrice Murgia s'inspire ici de Petite Poucette, où Michel Serres analyse le passage fondamental de l'écrit vers les nouvelles technologies, et des « hikikomori », ces jeunes adultes japonais qui, pour échapper à la brutalité de notre société, ont choisi de vivre reclus, seuls face à leurs écrans. A travers trois histoires de solitude dévorante - l'homme qui est largué après vingt-deux ans de vie commune, Sarah qui dicte sa vie sur un enregistreur vocal et la mama dépassée par son fils qui vit en ermite dans sa chambre -, l'auteur et metteur en scène dépasse la vision négative souvent attachée aux nouvelles technologies pour mettre en lumière l'espoir d'un retournement possible qui favoriserait la naissance d'une contre-culture.
Par un superbe langage de plateau, dans une scénographie aux accents cinématographiques qui atteint des sommets d'esthétisme, Fabrice Murgia et son équipe de créateurs ultra-doués (acteurs, performeurs, plasticiens, musiciens et vidéastes) nous livrent une radiographie incisive et fascinante de notre société. Dans un théâtre sensoriel et engagé, ils révèlent toute la poésie de notre rapport complexe au monde.
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