
Mise en espace de lectures des grandes oeuvres de Corneille et interprétées par les comédiens.
Au programme :
Pulchérie
Agésilas
La Conquête de la Toison dor
Sertorius
Sophonisbe
Othon
Héraclius, empereur dorient
Andromède
Don Sanche dAragon
Nicomède
Pertharite, Roi des Lombards
La Suite du Menteur
Théodore, vierge et martyre
La Place Royale
La Galerie du Palais
Clitandre
Pulchérie
(comédie héroïque, 1672)
Léon, jeune romain, et Pulchérie (fille de lempereur Théodose) saiment. Le
Sénat ne cautionne pas un tel mariage, pensant que Léon nest pas à la hauteur
dun telle dignité. Martian, fidèle ministre, infléchit la décision du Sénat :
Pulchérie devient impératrice et doit choisir un digne époux. Elle choisit Martian.
Léon, « sacrifié », est élevé au rang de premier ministre.
La linéarité et la simplicité de lintrigue cachent une ambition que Corneille
explique dans sa préface. Il campe en effet une héroïne sage qui symbolise le haut
sacrifice et la grandeur dâme. Il sagit pour lui, dans son avant-dernière
pièce de simposer face à Racine. Le succès de Pulchérie nempêcha
cependant pas le triomphe de Racine. Mise en lecture : Jean-Luc Jeener.
(tragédie, 1666)
Inspiré par Les Vies des hommes illustres de Plutarque, Corneille ne connut guère plus
de succès avec cette tragédie écrite en vers alternés où les intrigues amoureuses
supplantent les intrigues politiques. Le général Lysandre a deux filles, Elpinice
promise à Cotys et Aglatide promise à Spitridate. Or Elpinice et Spitridate
saiment, et Aglatide qui aime le pouvoir épouserait bien Cotys. Ce dernier
cependant aime Mandane, elle-même aimée dAgésilas. La conjuration de Lysandre
change les données. Agésilas, magnanime héros cornélien pardonne à Lysandre, renonce
à Mandane et épouse Aglatide. Le jugement de Boileau sur cette pièce fut sévère et
confina la tragédie dans loubli : « Après lAgésilas Hélas !
Mais après Attila Holà ! ». Elle ne fut redécouverte quau XXe siècle.
Mise en lecture : Frédéric Almaviva.
(tragédie, 1661)
Cette tragédie commandée en 1656 sinscrit dans le genre du théâtre à machines.
Plus encore quAndromède, le succès de la pièce fut considérable, le contexte
politique y étant nettement favorable. En effet, au-delà de la quête de la Toison par
Jason et les Argonautes, cette tragédie célèbre très largement la gloire du jeune
Louis XIV et de ses amours. Mise en lecture : Diane de Segonzac.
(tragédie, 1662)
Poursuivant sa réflexion sur les fondements du pouvoir, Corneille aborde avec Sertorius
la tyrannie illégitime. Sertorius, chef des partisans de Marius aime Viriate, reine des
Lusitaniens. Lintérêt politique primant, il est contraint de demander la main
dAristie répudiée par Pompée. Ce dernier rencontre Sertorius quil respecte
mais avec qui il ne sentend pas politiquement. Pompée revoit son ancienne épouse
Aristie et lon apprend quil a été forcé dépouser Émilie. La mort
subite de cette dernière permet à Pompée de retourner vers Aristie et à Sertorius
dépouser Viriate. Mais Perpenna, jaloux, assassine Sertorius. Pompée venge sa mort
et accorde la paix et la liberté à la reine Viriate.
Cette tragédie politique dont le nud est la discussion entre Sertorius et Pompée
inaugure une nouvelle tendance du théâtre cornélien. La politique lemporte sur
lamour, avec à la fois lhorreur du meurtre de Sertorius et la magnanimité de
Pompée. Mise en lecture : Edith Garraud.
(tragédie, 1663)
En 1634, Jean de Mairet avait inauguré la vogue de la tragédie avec Sophonisbe, et il
est probable que Corneille ait souhaité donner sa version de cette histoire tirée de
Tite-Live. La Sophonisbe de Corneille subit des transformations et des aménagements :
elle montre notamment le personnage dEryxe, rivale amoureuse de Sophonisbe et fait
vivre Syphax, déjà mort dans la tragédie de Mairet. Sophonisbe a épousé Massinisse
mais naccepte pas sabaisser devant Scipion pour être reconnue par les
romains. Linflexible Sophonisbe refusant le joug de Rome avale le poison que
Massinisse lui donne. Désespéré, ce dernier la suit dans la tombe. Malgré le haut sens
du devoir de Sophonisbe et son honneur face à lennemi romain, la tragédie ne
remporta quun piètre succès, les spectateurs lui ayant préféré lAstrate
de Quinault donnée en même temps. Mise en lecture : Anne Plumet.
(tragédie, 1664)
La tragédie Othon, méprisée lors de sa création, mérite pourtant toute notre
attention. Corneille vieillissant y déploie son talent de manipulateur dintrigues,
lintelligente complexité de lhistoire en étant la preuve.
Dans cette tragédie « sans héros », Othon qui aime Plautine la fille de Vinius, refuse
la main de Camille, nièce de lempereur Galba. Or, Othon a deux ennemis : Lacus et
Martian (ce dernier est également amoureux de Plautine) qui complotent et proposent à
lempereur le velléitaire Pison. Camille qui aime Othon refuse dépouser
Pison. Galba décide de donner Plautine à Pison. Menacé, Othon fuit, se fait élire
empereur par les soldats du prétoire et feint dêtre mort afin dattirer la
cour dans un piège. Pison est tué par les soldats, Galba et Vinius assassinés par
Lacus. Plautine promet de devenir lépouse dOthon.
Corneille avait une affection particulière pour cette tragédie et dans sa préface, il
la présente comme lune de ses meilleures. En bien des points cette pièce montre un
autre visage du classicisme : à linverse de la limpidité racinienne Corneille
excelle en effet dans la complexité des caractères et limbrication des situations.
Mise en lecture : Philippe Desbuf.
(tragédie, 1646)
Dans la même lignée que Rodogune, Héraclius est une tragédie « implexe »,
cest-à-dire une uvre où lintrigue est complexe, imbriquée. Héraclius
a été sauvé dun massacre et élevé sous le nom de Martian à la cour de
Constantinople. Tous pensent quil est le fils de Phocas lusurpateur. Ce
dernier pensant avoir fait disparaître tous les enfants de lempereur Maurice ignore
quHéraclius est en fait le fils de son ennemi et que Pulchérie sauvée elle
aussi du massacre est aussi la fille de Maurice. A cette substitution sen
ajoute une autre : Martian, le véritable fils de Phocas est pris pour Léonce, fils de
Léontine. Cette confusion dans les identités et la complexité des substitutions posent
le problème de la légitimité du pouvoir. Le meurtre de Phocas par un patricien de
Constantinople dénoue laction. Le magnanime Héraclius est proclamé empereur, il
promet générosité à Martian le fils de Phocas.
Lapparente confusion de cette pièce masque en fait une trame habilement construite
qui pose la question de lambiguïté, des erreurs liées aux apparences. La question
de lêtre et du paraître touche particulièrement lhomme du XVIIe siècle, «
lHomme baroque », qui sinterroge sur le sens et la valeur de lillusion.
Mise en lecture : Philippe Person.
(tragédie, 1650)
uvre commandée par Mazarin et jouée devant le jeune Louis XIV en janvier 1650,
Andromède eut un véritable succès de mode. Lopéra « à machines » importé en
France par Mazarin est alors très en vogue. Corneille utilise la lourde machinerie de
lopéra Orféo de Rossi donné en 1647 avec lappui du talentueux ingénieur
italien Torelli (et du musicien dAssoucy pour les parties chantées de la
tragédie). Lépisode dAndromède, tiré des Métamorphoses dOvide
raconte lescapade héroïque de Persée délivrant Andromède du monstre marin et la
punition de Phinée, prince dEthiopie. Cette fable où lyrisme et héroïsme se
mêlent cèle en fait le mythe chrétien de « Saint Georges terrassant le dragon »
Andromède symbolisant lÉglise menacée et renvoie également à
toute une tradition courtoise. Dans cette pièce à machines, le héros cornélien,
demi-dieu pour loccasion, tient aussi sa place. En 1650, le succès de la pièce fut
immense. Mise en lecture : Bernard Mallek.
(comédie héroïque 1650)
La tonalité et les thèmes de cette pièce renvoient à deux types de théâtre : le
théâtre espagnol et le théâtre classique. La pièce sinspire dune
tragi-comédie espagnole, El Palacio confuso. Carlos aime la reine Isabelle qui
laime secrètement mais elle se bat contre ce sentiment qui la ferait déchoir de
son statut royal. Elle doit choisir un époux parmi trois gentilshommes de sa cour et, au
comble du désespoir, demande à Carlos de faire ce choix à sa place. Éclate alors une
révolution qui appelle au trône le fils du roi défunt : ce dernier est introuvable.
Lacte V révèle lidentité du roi : cest Carlos lui-même, élevé par
un pêcheur. Il peut, devenu Don Sanche dAragon, épouser la reine.
Une fois encore, Corneille aborde la question de lidentité et du pouvoir. La
pièce, construite autour de la condition de Don Sanche, fait évidemment penser à Ruy
Blas (1838) de Victor Hugo. Donnée au milieu de la Fronde, la pièce fut un échec.
Condé avait lu dans luvre de Corneille lillustration de la réussite de
Mazarin soutenue par la reine dAnne dAutriche... Mise en lecture : Florence
Cabaret.
(tragédie, 1651)
Après une série de pièces à structure « implexe », Corneille renoue avec la
sobriété en choisissant une intrigue où les passions et les caractères
saffrontent à découvert. Nicomède est devenu un héros par ses exploits
guerriers. Il aime Laodice dont il est aimé. Cependant, Arsinoé sa belle-mère complote
contre Nicomède en faveur dAttale son fils. Ce dernier, allié des romains, soutenu
par son père le pusillanime Prusias aime également Laodice. Livré en otage à Rome,
Nicomède est finalement délivré. Magnanime, il rétablit son père sur le trône et
pardonne à son demi-frère.
Corneille pose avec acuité la question de la générosité héroïque et de
lingratitude politique. Car cest la soif du pouvoir bien plus que lamour
qui oppose les deux frères. « Tragédie heureuse », Nicomède signe le triomphe de
lhéroïsme face au machiavélisme. Mise en lecture : Anne Coutureau.
(tragédie, 1652)
Léchec retentissant de cette tragédie provoqua le retrait de Corneille de la
scène pendant sept ans. Ce ne fut pas le talent de Corneille quon attaqua, mais son
choix pour la tragédie, car en plein cur de la Fronde le public préférait la
comédie... Grimoald est un roi usurpateur; pour assurer sa légitimité, il opère une
pression inhumaine sur Rodelinde, veuve du souverain légitime. Le retour surprise de
Pertharite sème le trouble. Grimoald laccuse dêtre un usurpateur; condamné
à mort, Pertharite est sauvé in extremis par la charité de Grimoald qui lui rend son
trône et sa femme.
Lintrigue nest pas sans rappeler celle de Cromwell de Hugo, qui dresse aussi
le portrait dun usurpateur, Charles II. Là encore Corneille exploite les thèmes de
lidentité usurpée et du pardon, comme dans Héraclius ou Don Sanche. Mise en
lecture : Gilles Langlois.
(comédie, 1645)
Liée à la comédie précédente par son titre et ses personnages, La Suite du Menteur
est cependant dun tout autre ton. Inspirée cette fois d Aimer sans savoir qui
de Lope de Vega, la pièce montre Dorante inquiété par lidée dun futur
mariage. Ayant fui Lucrèce avec sa dot, il revient à Lyon où, assistant à un duel
mortel, il est pris pour le meurtrier Cléandre quil refuse de dénoncer. Mélisse,
sur de Cléandre admire le sens de lhonneur de Dorante et ils tombent
amoureux. Philiste,ami de Cléandre le libère de la geôle où il est injustement retenu
et révèle à son ami quil aime Mélisse...
La Suite du Menteur est une pièce sur la munificence et le sens de lhonneur où
romanesque et burlesque côtoient leffusion sentimentale. Il sagit dune
uvre bariolée qui na de lien avec Le Menteur que son titre, les intrigues
nayant en effet aucun rapport. Mise en lecture : Pascal Faber.
(tragédie chrétienne, 1646)
Fort de lappui de Mazarin et du succès de Polyeucte, Corneille songe à renouveler
lexploit de sa première tragédie chrétienne. Le succès à Rome en 1636 de
Teodora vergine e martire de Julio Rospigliosi inspire à Corneille la tragédie à
laquelle il ajoute une intrigue amoureuse. Placide, fils du gouverneur Antioche est
éperdument amoureux de Théodore; mais la fille de sa belle-mère, la cruelle Marcelle,
est follement amoureuse de Placide et se meurt de chagrin. A partir de ce trio
"racinien", se crée une réaction en chaîne de violences inouïes. Marcelle
veut perdre la jeune chrétienne pour conduire Placide vers sa fille et Valens, gouverneur
dAntioche veut détourner son fils de Théodore en la prostituant. Grâce à
lintervention de Didyme, chrétien fervent, le stratagème est découvert
La force de cette tragédie chrétienne repose sur lentrelacement de la violence et
de la foi. La contamination de lamour divin et profane provoqua cependant une cabale
qui fit tomber la pièce. LAbbé dAubignac, pourtant sévère, affirme que
Théodore est le chef-d'uvre de Corneille. Cette tragédie puissante et étonnante
mérite en effet un tel jugement. Mise en lecture : Florence Tosi.
(comédie, 1633)
Avec La Place Royale, Corneille met un point final à cette première période de son
uvre et signe, dans le registre de la comédie, son premier chef-duvre.
Alidor esquisse en effet la trajectoire héroïque, qui sera la marque des grands
personnages cornéliens. Amoureux de la belle Angélique et passionnément aimé en
retour, il se révolte brutalement contre ce sentiment qui paralyse sa volonté, le prend
en otage, bref lempêche dêtre véritablement à lui-même. Pour se délivrer
de ses fers, il tente de faire don de sa maîtresse à Cléandre, son meilleur ami....
Chaque personnage fait ici lexpérience de la meilleure (ou de la moins bonne)
façon daimer. Au caractère orgueilleux dAngélique qui fait de sa fidélité
une raison dexister, soppose la stratégie de Philis qui sentoure, pour
ne pas souffrir, dune nuée damants. Si Alidor demeure cependant un personnage
d(amère) comédie cest quil na pas encore trouvé, comme tous les
jeunes oisifs de sa classe, sur quoi fonder le dépassement de la passion. Mise en lecture
: Laurence Hétier.
(comédie, 1632)
Hippolyte, aimée de Dorimant est amoureuse de Lysandre qui lui préfère sa meilleure
amie, Célidée
Sous-titrée à lorigine, lamie rivale, La Galerie du
Palais peut senorgueillir de ne fonder son intrigue que sur les mouvements du
cur humain. Bien sûr, cest Hippolyte qui par ruse suggère à Célidée de
mettre à lépreuve son amant. Mais il ne fallait pas grand chose pour
quaffleurent les doutes, les déchirements, les craintes, les égarements des corps
et des esprits amoureux. Le "change", simulé ou réel, espéré par les uns,
redouté par les autres, est au centre des préoccupations comme en témoigne ce vers de
Lysandre : « Faut-il être inconstant pour la rendre fidèle? » Le petit peuple de la
rue, la lingère, le libraire, voués à des interrogations plus prosaïques ajoutent une
touche pittoresque à cette comédie sentimentale. Mise en lecture : Hervé Masquelier.
(tragi-comédie, 1630)
Corneille, froissé des critiques adressées à Mélite le sujet avait-on dit
était "petit" et manquait "deffets" décida de rédiger
Clitandre pour prouver à ses détracteurs ses capacités de dramaturge. Plus tard, dans
lexamen de 1660, il prétendit pourtant ne lavoir écrite que pour démontrer,
par cette uvre plus conforme aux règles mais sans grande valeur, labsurdité
de ces reproches ! Cette tragi-comédie regorge il est vrai de péripéties en tout genre.
On peut y dénombrer deux assassinats, une tentative de viol, un éborgnement, deux
mariages, le tout au cours des sacro-saintes vingt-quatre heures. Corneille y fait preuve
dune remarquable virtuosité stylistique avec un goût prononcé pour la pointe.
Sans figurer parmi les chefs-duvre, cette pièce luxuriante nest pas
dépourvue de jolies scènes coquines ou bien pathétiques, et séduit le spectateur par
sa prodigieuse vitalité. Mise en lecture : Fabrice Merlo.
13, rue du Faubourg Montmartre 75009 Paris