Magyd Cherfi - La cité des étoiles

le 16 avril 2005
2H30

Magyd Cherfi - La cité des étoiles

Après avoir vécu 16 ans avec Zebda, Magyd a décidé de porter seul ses textes. Plus proche de la chanson française, entre tendresse et âpreté, avec autant d'engagement citoyen et de générosité, Magyd Cherfi nous délivre avec La cité des étoiles une poésie douce-amère entremêlée de touches hip-hop, de souvenirs rock, de cavalcades ska, le tout saupoudré d'épices d'Orient.

C’est un peu toujours pareil quand le chanteur d’un groupe décide de faire un bout de route en solo. Il doit essuyer les sempiternelles questions sur les raisons de son escapade, parler des derniers instants de sa vie avec ses anciens compagnons, se justifier sur son désir d’indépendance. Autant de questions auxquelles Magyd Cherfi ne coupera certainement pas. Combien de fois lui demandera-t-on si Zebda, c’est bien fini ou pas tout à fait. Et il répondra tranquillement avec sa voix douce et mesurée, fera rouler ses yeux malicieux en laissant planer un petit suspens de circonstance. Il dira qu’à quarante ans tapés et après seize années d’aventures formidables avec Zebda, il s’est levé un matin animé d’une envie irrésistible de porter seul ses textes, qu’il avait trouvé cette force (sagesse?) nouvelle qui permet d’assumer ses mots et des thèmes plus personnels. Et on le croira, on lui parlera de cette transition entre son statut de leader naturel de gang démocratique à celui de leader de lui-même, de tous ces fantastiques invités qui ont apporté guitares (M), scratches hip-hop (Imhotep de IAM), basse (Joël Saurin)… aux chansons de son premier album singulier, La cité des étoiles.

La Cité des étoiles, d’abord il y a le titre et son convoi de symboles : la forteresse interdite au public où toute une génération de spationautes soviétiques ont rêvé de conquérir l’espace et des nouvelles dimensions ; et puis il y a le petit montage photo sur la pochette où Magyd se retrouve avec deux étoiles sur la veste de survet’, comme ce deuxième titre de Championne du Monde de Foot auquel la France rêve depuis la conquête de sa première couronne.

En cherchant bien, on pourrait en noircir des pages. Toutes ces petites paraboles nous ramèneraient inévitablement à la ligne de force de ce disque, à cette poésie douce-amère qui décline en une suite de chansons chroniques le quotidien des sans grades, le courage des humbles, l’adolescence (Les grandes), le droit à la différence (Latine est ma racine), les racines (C’est par ma mère), les bleus au corps et à l’âme, les petites trahisons de la République à sa Sainte-Trinité “Liberté, égalité, fraternité” (Je suis franc), la discrimination et bien d’autres thèmes qui marquent l’engagement citoyen.

Dans d’autres bouches et sous d’autres plumes, on pourrait essayer de débusquer des penchants victimistes, des écarts de langage revendicatifs jusqu’à la caricature, pas chez Magyd Cherfi. Qu’il soit avec Zebda ou seul, ses convictions et ses manières n’ont pas bougé d’un poil : il trousse ses pamphlets sur ce savant souci d’équilibre entre humeur cabossée, humour caustique et amour courtois. Seules son écriture évolue. En bien. En fait (hormis quelques titres éparpillés dans la discographie de Zebda : Mélée ouverte, Le pont du carrousel, Ca la famille…), il n’avait jamais écrit comme sur La cité des étoiles, Ma place et ce qui va avec ou l’irrésistible Classée sans suite.

Voilà donc Magyd Cherfi, interdit de Cité des étoiles mais filant à toute berzingue vers le pays de l’élégance. Avec son cœur pincé et sa voix un peu voilée, cassée parfois, il rôde dans ses propres chansons, les habite avec la science d’un vieux bluesman, balance entre tendresse et âpreté, terreur métaphysique et véritables rêveries d’un monde meilleur. Il déambule, pointe, pique, caresse, murmure et claque comme dans un texte de théâtre, merveilleusement mis en musique par une escorte de luxe constituée d’Imhotep, M, Joël Saurin et Loo & Placido à chacun desquels il a confié le sort instrumental de quelques unes de ses chansons. C’est M qui s’y colle le premier en réalisant et en faisant rosir de plaisir pop sa guitare sur le vindicatif Ma place. Sur L’adjectif et Classée sans suite, Imhotep prend le relais en sortant de sa réserve personnelles de sons du monde, une flûte iranienne, des accordéons et des beats hip-hop saupoudrés d’épices d’Orient ; puis c’est le toucher de la rythmique reggae la plus célèbre de France, Loo & Placido qui vient déposer son voile de feutrine sur La cité des étoiles, En enfer et Je suis franc, terriblement balancés entre l’épure et la chaloupe. Enfin, le complice Joël Saurin, bassiste de Zebda, est lui aussi du voyage, complètement déresponsabilisé de ses compétences à la quatre cordes et propulsé dans un rôle compositeur où il revisite l’esprit des troubadours en mélangeant riddims reggae et petits menuets en accords mineurs sur des portées de violoncelles, de guitares et de mandol.

Entremêlés, touches hip-hop, souvenirs rock, cavalcades ska, gourmandises orchestrales et petits bouts de vie captés façon mini-métrages lui servent de mise en scène, soutenant (parfois), complétant (souvent), tempérant (à l’envie) l’intensité du cri. Et si le parfum de Zebda est bien encore présent dans le son d’ensemble, il s’atténue au fil de ce premier disque solo, première marche d’un long escalier vers l’introspection et une poésie orchestrée plus proche de la chanson française moderne.

PS : Livret de famille, 1er recueil de nouvelles est édité chez Actes Sud.

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Spectacle terminé depuis le samedi 16 avril 2005

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