Lucrèce Borgia

Aubervilliers (93)
du 5 au 9 mars 2014
2h30 avec entracte

Lucrèce Borgia

Trois actes haletants pendant lesquels Lucrèce Borgia lutte avec férocité contre le secret qui la dévore et dont elle ne peut se libérer. Jean-Louis Benoit crée un drame tendu à l’extrême avec Nathalie Richard dans le rôle-titre.

La maternité purifiant la difformité morale, voilà Lucrèce Borgia
« Gennaro, je suis ta mère ! »
Monstrueuse humanité
Une seule femme parmi des hommes

  • La maternité purifiant la difformité morale, voilà Lucrèce Borgia

Lucrèce Borgia, pièce de théâtre en prose de Victor Hugo (1802 – 1885), est représentée pour la première fois au Théâtre de la Porte-Saint-Martin le 2 février 1833. Pour l’anecdote, c’est à cette occasion que Victor Hugo rencontra Juliette Drouet : elle jouait la Princesse Negroni.

Victor Hugo reprend l’histoire de Lucrèce Borgia : née en 1480 et morte en 1519 en Italie, elle est la fille naturelle du cardinal espagnol Rodrigo Borgia (futur pape Alexandre VI) et la soeur de César Borgia. Réputée pour ses moeurs dissolues (incestes, assassinats), elle est avant tout l’instrument politique de son père et de son frère. Après deux mariages faits et défaits au grès des intrigues politiques familiales, elle épouse Alphonse d’Este, futur duc de Ferrare, et se distingue comme protectrice des arts. À partir du XIXe siècle, de nombreuses biographies remettent en question les accusations d'immoralité portées contre elle.

En 1832, Le Roi s’amuse fait un four. Victor Hugo, marqué par cet échec, mettra 14 jours pour rédiger ce qui en sera la pièce jumelle, Lucrèce Borgia. Dans sa préface, à la question rhétorique « Qu’est-ce que c’est que Lucrèce Borgia ? », il répondait : « Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le coeur d’une femme, avec toutes les conditions de beauté physique et de la grandeur royale, qui donnent de la saillie au crime, et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre monstre mettez une mère ; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer, et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra presque belle à vos yeux. Ainsi, la paternité sanctifiant la difformité physique, voilà Le Roi s’amuse ; la maternité purifiant la difformité morale, voilà Lucrèce Borgia ».

  • « Gennaro, je suis ta mère ! »

Gennaro, soldat de fortune, ne sait de qui il est né ; il rencontre à Venise la célèbre Borgia qui paraît vouloir le séduire ; mais les compagnons de Gennaro la reconnaissent et l’insultent.

À l’acte 2, Gennaro est avec ses compagnons à Ferrare où règnent Lucrèce et son époux Alfonse d’Este ; il injurie la duchesse en arrachant une lettre de son blason au fronton de son palais : Borgia devient alors Orgia… Alfonse d’Este imagine qu’il est l’amant de Lucrèce et tente de l’empoisonner ; mais Lucrèce le sauve, en le suppliant de fuir.

À l’acte 3, Gennaro qui n’est pas parti, se retrouve en compagnie de ses camarades à une fête donnée par une jeune patricienne. Survient Lucrèce qui leur annonce qu’ils sont tous empoisonnés. Elle découvre avec terreur Gennaro et tente de le sauver. Mais, inexorable, il l’accuse et la poignarde. Dernier cri de la femme mourante : « Gennaro, je suis ta mère ! »

  • Monstrueuse humanité

Extraordinairement direct et spectaculaire, le drame de Hugo nous conquiert immédiatement. Créée en 1832, la pièce triompha. Elle allie, plus que dans toute autre pièce de Hugo peut-être, le grotesque et le sublime, la monstruosité et l'humanité. Violemment contrastée, Lucrèce exhibe une « difformité morale » hors du commun en même temps qu’un instinct maternel la rend belle à nos yeux. Son échec même la rendra magnifique.

Jean Louis Benoit

  • Une seule femme parmi des hommes

Une femme. Une seule femme sur la scène (la princesse Negroni et ses invitées n’étant que des « passages ».) Une seule femme parmi des hommes. Pas n’importe quelle femme : Lucrèce Borgia. Belle, cruelle, monstre sanguinaire qui n’hésite pas à faire assassiner ceux qui la défient, créature débauchée, incestueuse, sorte de Phèdre ou de Médée, tel est le portrait que nous tracent d’elle les seigneurs de Venise et de Ferrare. Mais quand Hugo ouvre son drame, c’est d’une toute autre femme qu’il semble s’agir : il nous dévoile une amoureuse. Une amoureuse d’un jeune soldat nommé Gennaro. Et ce jeune soldat est endormi là, devant elle.

Elle est penchée sur lui comme une mère sur un berceau. Et c’est à la chute brutale du drame, à la fin du troisième acte, que nous apprenons, en même temps que Gennaro qui lui enfonce son poignard dans la poitrine, qu’elle est sa mère. « Mère », ce mot essentiel au drame, est ainsi son dernier mot lâché dans le sang avant de mourir. Mot libérateur, mais mot innommable. Lucrèce Borgia est une femme empêchée. Gennaro un garçon hanté, immobile et taciturne comme Hamlet.

Trois actes rapides, clairs, haletants, pendant lesquels Lucrèce lutte avec férocité contre le secret qui la dévore et dont elle ne peut se libérer, incapable qu’elle est de révéler à Gennaro qu’il est l’enfant des Borgia et qu’il porte à jamais leur nom infamant. Plus Lucrèce se tait et souffre, et plus elle devient humaine. Sublime tout autant : en s’acharnant à sauver ce fils adoré auquel elle ne peut rien avouer et que, par méprise, elle a condamné à mort, elle se magnifie.

Ce drame, le seul à autant citer la tragédie grecque ( Ion d’Euripide notamment) et de ses archétypes, est à part dans l’oeuvre théâtrale de Victor Hugo. Peut-être est-ce pour cela qu’on le voit si peu sur nos scènes. Pas d’alexandrins mais de la prose, pas d’intrigues croisées, pas de monologues, pas de « morceaux de bravoure », pas d’introspections psychologiques, la pièce rencontrera en son temps un succès populaire immédiat, hors du commun.

Encadrée par la fête, (carnaval du début, festin de la fin), la pièce mêle, comme seul Hugo sut le faire en son temps, le grotesque et le noble, le rire et la mort. L’oeuvre est sombre, étouffante. Les lieux sont clos. Les personnages tendus à l’extrême. Il ne s’agira pas dans ce spectacle de reconstituer des décors Renaissance, mais de créer des espaces « guet-apens », ces lieux communs de l’horreur où règnent l’angoisse et la suspicion. Dès que Lucrèce a ôté son masque au commencement du drame, elle a fait entrer la mort sur la scène. Nous l’attendons à chaque instant.

Le costume est autre chose qu’un décor. Il fait indéniablement partie d’un monde des signes. Ici, le pourpre et le noir se côtoient, s’affrontent et se mélangent. Je veux m’efforcer à ce que sur la scène, le début du XVIe siècle italien soit « lisible » dans les costumes princiers parmi lesquels dépare, «anomalie remarquable », l’habit terne de soldat porté par Gennaro.

Jean-Louis Benoit

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Spectacle terminé depuis le dimanche 9 mars 2014

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