Lettre d'une inconnue

Paris 18e
du 6 mars au 22 avril 2001

Lettre d'une inconnue

CLASSIQUE Terminé

Un écrivain à la mode reçoit la lettre d'une femme, une dernière lettre qu'elle lui écrit avant de mourir. Il était tout pour elle, pour lui, elle fut une femme anonyme, une rencontre. Son esprit, comme un dernier souffle de vie, tente de vaincre l'incrédulité et l'indifférence de l'homme.

Présentation
Petite note de mise en scène pour Ethel
Lettre d'une inconnue de Stefan Zweig (Ou le deuil impossible)
La presse

Présentation

Un écrivain à la mode reçoit la lettre d'une femme, une dernière lettre qu'elle lui écrit avant de mourir. Il était tout pour elle, pour lui, elle fut une femme anonyme, une rencontre. Son esprit, comme un dernier souffle de vie, tente de vaincre l'incrédulité et l'indifférence de l'homme, de se faire cette dernière fois entendre et reconnaître de lui.

Nous avions présenté en début d'année "Souvenirs d'un Européen - Fragments", centré sur la figure de Stefan Zweig, son odyssée dans la tourmente des années 39 et 40. Nous présentons, en novembre et décembre l'une de ses nouvelles "Lettre d'une inconnue". Aux côtés de Muriel Silan et Luc Martin Meyer, Ethel Houbiers interprétera l'Inconnue.
Luc Martin Meyer a joué au Théâtre de l'Ile-Saint-Louis plus de 60 représentations d'"Un été invincible. Albert Camus" en compagnie de Mahmut Demir.

Il a vu cet été Ethel Houbiers dans une saisissante interprétation d'une jeune argentine, une de ces folles de la Place de Mai, à la recherche du bourreau de sa mère. Ils ont enregistré ensemble depuis des textes de Michelet pour l'émission de France-Culture consacrée au bicentenaire de l'historien.

Petite note de mise en scène pour Ethel

Un homme de dos, confortablement calé dans un fauteuil. Il fume. Il boit. Il consulte distraitement manchettes et gros titres des journaux qu'il a reçus alors qu'il était en voyage. Il sait déjà tout, ou plus vraisemblablement s'en fout puisque tout ça c'est du passé. Surtout, il est tout entier tourné vers un espace qui nous paraît d'une totale vacuité mais qui n'en est pas moins son seul centre d'intérêt.

La scène, ce qui se passe devant, autour, et bien sûr dessus, il n'y prête aucune attention. Il est un auteur, célèbre, solitaire, tourné vers une possible fenêtre qu'il est le seul à voir. Nous, nous sommes le coin derrière la fenêtre, angle mort où l'on met parfois quelque chose d'encombrant qu'on ne se résout pas à débarrasser pour de bon et qu'on n'est pas obligé de déplacer chaque fois que, par exemple, on fait le ménage.

Elle va apparaître, esprit intrus, de derrière un rideau, ou surgir d'un meuble. Dernier souffle de vie qui s'anime à la lecture de sa lettre, de la lettre qu'elle lui a écrit avant de mourir et dont il a commencé nonchalamment la lecture, vautré dans son fauteuil. Nous la voyons le supplier d'y prendre un peu plus d'intérêt. Mais le plus souvent, il lira pour lui, mentalement, et c'est elle qui parlera sans que lui ne s'intéresse jamais vraiment à autre chose qu'à la tournure d'une phrase, le choix d'un mot ou une faute d'orthographe.

Bien sûr, il aura envie de se dégourdir les jambes, de se servir un verre, mais si proche qu'elle soit de lui, si ardent soit son désir qu'il la voit, il ne la verra jamais.

Mais il va finir par prendre plaisir à cette énigmatique histoire. Ses sens vont s'emoustiller. Quelque chose comme un soupçon de mauvaise conscience s'immisce en lui, cet écrivain prolifique qui ne lui a jamais écrit une ligne. Et surtout la révélation de la paternité le bouleverse. Mais il est trop tard. Il l'a connue mais ne l'a jamais reconnue, il ne sait pas qui elle est et, maintenant, il ne peut la voir. Il est trop tard, car elle disparaît. Le souffle si ardent, si fragile est déjà passé.

Lettre d'une inconnue de Stefan Zweig (Ou le deuil impossible)

La mort n'est que l'échec ultime, qui efface
tous les autres. C'est l'échec sans deuil
ou qui en laisse aux autres le soin et le travail.
Etre en deuil c'est être en souffrance, au double
sens du mot, comme douleur et comme attente,
le deuil est une souffrance qui attend sa conclusion.
Impromptus. André Comte-Sponville

L'inconnue de Zweig nous renvoie à l'Eden perdu de l'amour sublime, l'amour unique, l'amour-passion tel que l'idéalisait Stendhal, amour qui va jusqu'à l'anéantissement. Succède alors l'amour prosaïque, voire vénal, l'Eden ne survivant qu'en rêve.

Zweig écrit "la lette d'une inconnue" en 1922. Les lendemains de la guerre sont terribles dans les nations vaincues et il évoque ces jeunes filles se donnant à l'occupant. La femme est certes déjà largement intégrée au système de production, elle travaille mais elle n'a ni grande responsabilité, ni pouvoir. L'autonomie féminine est l'affaire d'une poignée d'héroïnes, femmes de lettres, aventurières du voyage ou de la Révolution. L'amour est synonyme de dépendance. La fille perdue hante l'époque, que l'on pense à Lulu.

L'inconnue de Zweig porte cette dualité de l'Eden perdu et de l'amour vénal, du choix et de la dépendance, de l'amour fou et de la fille perdue. Mais l'inconnue de Zweig met aussi en jeu la question psychologique et existentielle du deuil. Question universelle et ancienne mais qui s'illustre ici avec une simplicité et une évidence fascinantes. Tout est deuil dans ce texte et ce personnage, et pourtant, le deuil n'est jamais fait. Il est impossible. Cette dimension inévitable de la vie courante est ici exclue du système de la femme. Elle n'a jamais fait le deuil d'un père mort qu'elle n'a pas connu, adolescente elle se précipite dans cet amour pour un homme plus âgé. Elle se destine à lui avant de l'avoir rencontré.Puis elle ne fera jamais le deuil de cet impossible amour de jeunesse. La passion est en dehors de la vie, celle-ci ne devant pas avoir de prise sur celle-là. Elle peut vivre avec d'autres hommes tout en aimant cet écrivain aussi inaccessible qu'au premier jour. Au premier jour : ce système ainsi que je l'évoquais au début permet de sauvegarder la pérennité de l'Eden dans l'enfer de la vie sociale et affective présentes. En contrepartie elle semble douée d'une jeunesse immortelle que la mort brutale ne fait qu'accentuer.

Le deuil est impossible car la communication avec l'autre n'existe pas. Le père était mort, lui, mais cette impossibilité de communiquer sera étendue par la suite à tous, sorte d'autisme affectif qui régit son système de fonctionnement. Tout ce qu'elle est ou accomplit, elle l'emporte avec elle dans son mystère, celui de la femme inconnue, celui de la fille non-reconnue. La faute du père est tout aussi involontaire que celle de cet écrivain - ceci ne diminue pas son caractère antipathique d'homme aux succès faciles - mais elle ne lui dit jamais rien, murée dans son orgueil de vouloir être reconnue, distinguée par quelqu'un qui, lorsqu'il couche avec une femme, s'envoie l'espèce entière (celle-là ou une autre...) Etrange oui, qu'elle ait donné justement son amour, sa confiance à la dernière personne qui les méritait. Pour elle confiance et communication sont impossibles, vouées à l'échec, pire au ridicule.

L'inconnue est cet être qui est dans l'incapacité de voir que ce qui est donné est donné, que la vie passe et le reprend, que ce n'est pas toujours de la volonté des êtres que cela dépend. L'autre est celui par qui nous désirons ardemment être vu et reconnu mais qui, parfois, ne nous voit pas, soit qu'il ne peut pas (le père mort) soit qu'il est aveugle (le romancier volage et narcissique). L'inconnue atteint la dimension du mythe et du tragique en ce qu'elle veut et porte l'amour au-delà de toute logique humaine. Ce qui nous arrive parfois quand nous ne savons pas faire le deuil de nos morts ou de nos échecs. Il ne reste que la communication de la souffrance, la seule chose qu'il restait à donner, d'une vie sans deuil accompli, d'une vie de deuil.

Luc Martin Meyer. Septembre 98

La presse

" L.M.Meyer a su conserver le style cristallin de Zweig. Il fallait une comédienne rare, ce qui est le cas." J. Schidlow, Télérama

" L.M.Meyer - qui l'a adapté et mis en scène -interprète avec Ethel Houbiers ce texte époustouflant avec une sûreté et une subtilité qui maintiennent une émotion tendue jusqu'à la fin sans jamais endormir la lucidité. Un exceptionnel travail d'acteur et de dramaturge qui, outre un grand métier, a quelque chose à dire. C'est une denrée qui se fait rare". Gilles de Staal, l'Humanité Hebdo

"Cette dernière mise en scène de L.M.Meyer que nous avions vu à Paris, est interprétée par l'admirable Ethel Houbiers (l'inconnue) Prix Sylvia Monfort." Le technicien Film et Vidéo

" Ethel Houbiers déploie une sensibilité d'une belle eau profonde. Un beau moment inventif et fidèle sur la trahison." Gilles Costaz, Politis

" D'un côté l'amour lucide, de l'autre la tendresse insouciante... Romanesque en diable, ce face à face a inspiré à Stefan Zweig sa célèbre Lettre d'une inconnue. Ce texte que livrent avec cœur et talent L.M.Meyer et Ethel Houbiers. " Benjamin Chaix, la Tribune de Genève

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Informations pratiques

Sudden Théâtre

14 bis, rue Sainte Isaure 75018 Paris

Spectacle terminé depuis le dimanche 22 avril 2001

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