Les Bonnes

Reims (51)
du 11 au 12 octobre 2001

Les Bonnes

Une cérémonie cruelle se joue dans la chambre de Madame où Claire et Solange, les bonnes, jouent à Madame et sa bonne. Pièce perverse où le tilleul de Madame -prononcer" tillol "- qu’on prépare dès la première scène infusera le gardénal qui sera bu par celle qui l’aura préparé. Domination, humili

Présentation
Note sur la mise en scène
Rendez-vous avec Jean Genet
Un mot de Marilù Marini

Une cérémonie cruelle se joue dans la chambre de Madame où Claire et Solange, les bonnes, jouent à Madame et sa bonne. Pièce perverse où le tilleul de Madame -prononcer" tillol "- qu’on prépare dès la première scène infusera le gardénal qui sera bu par celle qui l’aura préparé. Domination, humiliation, tout Genet est là, ses vierges et ses putains, ses fleurs et ses miroirs, ses bijoux précieux qu’on ne saisira qu’en plongeant les mains dans l’ordure. Sa magie et sa sainteté aussi. L’un des personnages du Balcon le dira plus tard : " On ne peut commettre le mal dans le mal. "

" Jean Genet a dit des Bonnes que c'était un long suicide déclamatoire en une heure et un quart. Nous assistons à une cérémonie qui nous prépare à un sacrifice, à une immolation. Quelqu'un doit mourir, mais ce n'est pas la victime attendue. Genet nous mène jusqu'à cette fin inéluctable. Unité d'action, unité de temps, unité de lieu, nous sommes au cœur d'une tragédie. Il ne s'agit pas d'apaiser les dieux, il s'agit d'apaiser un irréductible ressentiment où l'amour à la haine se mêle. En se substituant à Madame, en mourant volontairement à sa place, Claire, l'une des bonnes, tue une apparence ne pouvant tuer l'être réel. En se tuant, elle rêve qu'elle a tué l'autre. Elle meurt sous une enveloppe à la fois adorée et haïe.

On a parlé, trop parlé, à propos des Bonnes, des sœurs Papin qui, en 1933, assassinèrent en une crise de folie leur maîtresse et sa fille. Leur crime, de Jouhandeau à Lacan, a fait beaucoup rêver. Il y avait dans cette sauvagerie spontanée, et quasi rituelle, de quoi fasciner littérateurs et psychiatres. Mais réduire Les Bonnes aux sœurs Papin c'est escamoter Genet. Ses obsessions, ses fantasmes sont au centre du jeu. Il parle et règne seul.

Arias a su saisir la part ludique, donc d'innocence, de cette fuite en avant. Il a donné sa juste place à la féerie du déguisement, aux bonheurs du travestissement.

Il est question d'abord d'une représentation avec ses artifices, ses mensonges, rien que du théâtre, du théâtre à l'état pur, une célébration, de la poudre aux yeux. Arias n'oublie pas que Genet est un poète. " P.M.

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Claire et Solange se parlent à travers un miroir, ou plutôt de part et d'autre d'un miroir à double face. Peu à peu, les tâches auxquelles elles sont condamnées par leur condition de bonnes effacent cette mince séparation.

Les deux femmes vont fusionner dans le dégoût qu'elles éprouvent mutuellement. C'est dans la représentation même de leur destinée de servantes qu'elles vont trouver une issue à cette répulsion : en érotisant Madame et Monsieur et en faisant de cette érotisation même une forme persécutoire, elles mettent en place un subtil mécanisme théâtral et passionnel qui conduit à la mort.

Le tilleul au Gardénal, poison destiné à Madame, est, à leur insu, réservé à l'une d'elles, Claire. Ainsi celle qui incarne illusoirement Madame va subir son sort dans la réalité représentée et dans une poétique et fatale substitution de rôles.

Le personnage de Madame échappe aux deux bonnes, et dans le même mouvement les ramène au niveau de la représentation, leur permettant, ainsi, d'accéder à la mort, dans un acte suicidaire. Car la mort de Claire autorise la fusion à laquelle les bonnes aspiraient: lorsque l'une d'elles meurt c'est leur couple qui se fond dans ce geste ultime.

Alfredo Arias

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Nous étions arrivés à Paris depuis peu, trois ans peut-être. Jean Genet, je l'avais appris, préparait alors un Film dont le titre était La nuit venue. Il S'agissait du voyage d'un jeune maghrébin qui, voulant rentrer dans son pays, prenait par erreur, en gare de Perpignan, le train pour Paris. Le film devait raconter une nuit à Paris, la découverte de la capitale, à travers le regard de ce personnage.

Jean Genet avait l'intention de constituer l'équipe de comédiens avec une troupe théâtrale dont chaque membre jouerait plusieurs rôles. Il nous proposa alors de participer au film, à Marilù Marini, à Facundo Bo, à moi-même, à ceux qui formaient notre compagnie, le TSE. Je me rappelle qu'il m'avait réservé le rôle d'un laveur de cadavres, mais je devais aussi incarner la statue d'un personnage historique dans une niche du Musée du Louvre.

Il nous avait reçu dans un appartement du septième arrondissement, près des Invalides. Notre groupe l'amusait. Il nous voyait comme une, tribu. Avant l'arrivée du producteur, il nous conseilla de baisser nos manches sur nos mains. " On dira que c'est le signe de reconnaissance de votre tribu. » Il nous avait vus dans Noces et Vierges au Théâtre Essaïon.

Pour mieux connaître notre travail, il vint ensuite à Toulouse où nous jouions Vingt-quatre heures. Dans le hall du théâtre, Jean Genet nous dit: « Vous, vous êtes là » en indiquant la direction de la scène. Et il ajouta, en pointant un panneau métallique qui signalait le balcon : « Et moi, je suis ici. »

A la fin de la représentation, il me déclara: « J'ai entendu la plus belle phrase du théâtre: « Violette préfère les chevaux à la littérature. Sur le moment, je n'ai pas compris le sens de ce choix A présent, René de Ceccatty me suggère que le prénom lui rappelait peut-être la romancière Violette Leduc, dont il avait tant aimé le premier livre l'Asphyxie et à laquelle il avait dédié les Bonnes. Ensuite, ils s'étaient brouillés parce que Violette Leduc n'avait apprécié ni le texte des Bonnes, ni la mise en scène de Jouvet. Elle avait commenté: « Est-ce qu'on demande à Racine d'écrire les poèmes de Rimbaud ? Est-ce qu'on demande à Rimbaud d"écrire les pièces de Racine ? » Dans les éditions suivantes, Genet avait retiré sa dédicace.

Après le spectacle, nous sommes allés prendre un verre dans un café. Et le garçon, qui nous avait fait attendre pour nous servir, nous dit: « Pardon, Messieurs dames. » Mais comme il n'y avait que des hommes à notre table, il se reprit et s'excusa. Genet répliqua aussitôt: « Non, non ne vous excusez pas. Allez jusqu'au bout de vos idées. »

Puis il poursuivit ses commentaires: « Le théâtre n'a plus lieu sur la scène, mais sur les escaliers d'un avion, quand un président les descend... » Il n'était pas tendre. D'un comédien, il dit: « Il est si laid que la prochaine fois je lui lancerai un morceau de viande pour l'écarter de moi. » Je me rappelle aussi qu'il avait voulu imiter un geste d'un autre acteur, dont il avait vu une photo avec les pieds dans une étrange position. Jean Genet perdit alors l'équilibre.

Finalement son projet de film tomba à l'eau. Je sus, par son ami marocain, qu'il avait: eu également l'intention d'écrire une pièce pour notre troupe. Mais on n'en a pas retrouvé trace dans ses papiers.

Un jour, bien des années après la mort de Jean Genet, René de Ceccatty me parla d'un cirque tzigane qui l'avait beaucoup frappé, le cirque Romanès, dont le chapiteau était provisoirement installé sur un terrain vague derrière la Place de Clichy. Ce cirque était dirigé par Alexandre Bouglione qui avait été un ami intime de Genet lorsque l'écrivain avait convaincu son amant Abdallah de devenir funambule. Quelques minutes avant la représentation, René me présenta à Alexandre Bouglione. Nous nous sommes parlé au centre de la piste et le directeur m'a rapporté des propos très gentils de Genet sur mon travail. Il était manifestement heureux et ému de m'accueillir.

Ainsi le lien que j'avais cru interrompu avec Jean Genet ne l'était pas. Les liens poétiques de l'amitié me reconduisaient à lui. Et pendant que j'assistais aux numéros du cirque, enchaînés au son de la musique tzigane, dans une atmosphère à la fois pauvre et dotée de grâce, qui, avec très peu de moyens, mais avec une grande force d'évocation, créait un climat envoûtant et dépouillé, si favorable à l'émotion que peut procurer ce genre de spectacle par une nuit d'été au cœur de Paris, je me dis qu'un jour je pourrais demander aux acrobates, aux clowns, aux funambules, aux contorsionnistes de m'accompagner dans une aventure théâtrale. Pourquoi ne pas mettre en scène une pièce de Jean Genet dans cet environnement, les artistes continuant leurs numéros, sous ce chapiteau, dans un terrain vague ? Je laisse au temps d'en décider.

Alfredo Arias

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J'ai connu Jean Genet à la fin de sa vie, mais j'ai l'impression d'avoir connu un jeune homme; il y avait de la 'malice dans ses yeux et cette brillance qui donne l'état d'être toujours alerte devant le monde et la vie.

J'ai le souvenir de son humour, de son intelligence poétique et de sa curiosité de chat malicieux.

Il était venu voir Peines de cœur d'une chatte anglaise, et voulait que plusieurs d'entre nous jouions dans le film qu'il avait le projet de réaliser sur un scénario qu'il avait écrit lui-même la Nuit venue.

Il m'avait distribuée dans huit rôles, dont j'avais particulièrement aimé celui de la Baronne, une aristocrate qui loue les caves de son hôtel particulier à des arabes, les exploite sans pitié et en même temps, participe à des manifestations contre le mouvement « halte à l'immigration » pour garder son affaire prospère.

Je le retrouve maintenant à travers les Bonnes, texte qui le présente et le représente et qui nous permettra d'arriver à ce que Genet, et je crois chaque spectateur, demandent au théâtre.

« Je vais au théâtre à fin de me voir sur la scène, tel que je ne saurais ou je n'oserai me voir ou me rêver et tel, pourtant, que je me sais être. »

Marilù Marini

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Sélection d’avis du public

Les Bonnes Le 10 octobre 2001 à 06h46

Vu à deux reprises sur Paris, d'abord à l'Athénée, puis aux Bouffes Parisiens, j'ai été ému, impressionné, conquis par la mise en scène osée de A. Arias, le jeu des comédiennes (dont A. Arias impressionnant, démarche et présence m'ont rarement autant marqués, et j'en ai vu des spectacles!!!) A VOIR ABSOLUMENT

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Les Bonnes Le 10 octobre 2001 à 06h46

Vu à deux reprises sur Paris, d'abord à l'Athénée, puis aux Bouffes Parisiens, j'ai été ému, impressionné, conquis par la mise en scène osée de A. Arias, le jeu des comédiennes (dont A. Arias impressionnant, démarche et présence m'ont rarement autant marqués, et j'en ai vu des spectacles!!!) A VOIR ABSOLUMENT

Informations pratiques

Comédie de Reims

3, chaussée Bocquaine 51100 Reims

Spectacle terminé depuis le vendredi 12 octobre 2001

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