Le retour de Carola Neher

" Le retour de Carola Neher " reprend, sous une forme théâtrale, des thèmes développés par Jorge Semprun, dans " Quel beau dimanche " (1980) et" l’écriture ou la vie " (septembre 1994). Cette fiction théâtrale est aussi une pièce largement autobiographique dans la mesure où l’un des personnages principaux, le Survivant, apparaît comme un double de l’auteur, déporté à Buchenwald en 1943, alors qu’il n’avait que 20 ans.

La pièce fut créée en allemand, sous le titre de Bleiche Mutter, Zarte Schwester, le 15 juillet 1995 à Weimar, dans une mise en scène de Klaus Michael Grüber, une scénographie de Eduardo Arroyo.

" Retour vers ce là-bas où le destin de notre siècle saigne... ".

La création du " Retour de Carola Neher " en France, en 2001, prend le sens d’une méditation sur le seuil. Nous ne voulons pas oublier que le XXème siècle est celui de la purification ethnique, qu’il aura " banalisé le mal et massifié la mort " Auschwitz et la Kolyma ont ouvert dans l’âme collective une brèche révélant des profondeurs obscures et terrifiantes... et les camps de Bosnie, les massacres du Rwanda, du Kosovo et d’ailleurs ne seront sans doute pas les dernières répliques du séisme...

Ce que nous rappelle " Le retour de Carola Neher ", c’est qu’il n’y a pas de vrai théâtre sans revenants. Les ombres convoquées par Semprun témoignent et nous interrogent : pouvons-nous réellement tourner la page et faire comme si l’horreur absolue connue dans les camps d’extermination ou de rééducation avait définitivement purgé le mal présent dans l’âme humaine ? Sans doute l’un des premiers devoirs de l’artiste, à cette transition entre deux millénaires, entre deux siècles, est-il de se situer comme l’héritier et le maillon nécessaire d’une transmission orale, pour empêcher cette conscience de s’éteindre. jusqu'à un prochain " retour du refoulé ".

G.Perpes - F. Trompette