À partir de 14 ans.
Le Diable est en visite dans le monde. Et autour de Woland – c’est son nom – s’entre-tissent trois récits : l’un relate la sinistre sarabande dans laquelle Moscou, dans les années trente, se trouve entraînée ; l’autre, l’amour du Maître pour Marguerite et un troisième, l’histoire de Ponce Pilate, dont la rédaction a rendu fou ledit Maître…
Dans ce monde à la fois tragique et burlesque, les chats parlent, les démons paradent et chaque figure peut comporter un redoutable envers.
Juxtaposant les époques, emboîtant les récits, convoquant la tradition chrétienne et le mythe de Faust, alternant scènes réalistes et fantasmagoriques, alliant l’abject et le sublime - celui de l’amour de Marguerite -, Boulgakov constuit un univers parodique, carnavalesque. Woland, l’illusionniste, organise, pour une société sous hypnose collective, le spectacle de l’apocalypse grandiose où se déploient et l’horreur et le miracle de la vie. Le Diable a deux visages : en jouant de la réversibilité du bien et du mal, il est capable de semer la violence et l’effroi, comme de créer l’étincelle qui, dans un monde figé, donne naissance à l’amour et à la création. La liberté souveraine de l’imagination fait échec à la folie meurtrière de l’ordre imposé.
« Dans une mise en scène imagée et dépouillée, Igor Mendjisky livre du Maitre et Marguerite, de Boulgakov, une adaptation parfaite. » Gilles Costaz - Politis
« Porté par l'amour profond qu'Igor Mendjisky porte au chef-d'œuvre, inspiré par sa culture russe, il a réussi une adaptaptation idéale pour le type de théâtre qu'il aime pratiquer. Un théâtre de tréteaux, un peu forain, un théâtre carnavalesque et poétique. […] Nous aussi, on s'envole. » Armelle Héliot - Le Figaro
« Cette pièce déborde de partout, comme le roman dont elle est tirée, roman mythique écrit et réécrit, des années durant. Le spectateur, lui, sort de là sur un nuage. Deux heures sans une seconde d'ennui. Des comédiens formidables. Evidemment, de retour chez soi, on se jette sur le roman. » Jean-Luc Porquet - Le Canard Enchaîné
« Quelle aventure ! Quel exploit ! Quelle réussite ! […] Si le roman a été un « choc » pour Igor Mendjisky, la représentation théâtrale l’a été aussi pour nous. » MarCel - Le Monde
« Virtuose, hachée, profondément drôle et intensément cohérente sous les apparences, la représentation joue à cache-cache avec l’imaginaire. » Jean Grapin - La Revue du Spectacle
« Un spectacle à l’énergie foisonnante […] la mise en scène est endiablée. » Stéphane Capron - Sceneweb
« Le pari d’Igor Mendjisky et de sa bande est une belle réussite, il mène tambour battant ces différentes histoires avec des comédiens très justes et talentueux. » Davi Juca - Le Souffleur
« Rendez-vous très malin avec le malin. » L'Humanité, juin 2019
« Avec ce cabaret dédié à l’illusionniste de génie qu’était Boulgakov, Igor Mendjisky nous gratifie en close-up d’un formi-dable exercice de style apte à séduire toutes les générations. » Les Inrockuptibles, mars 2018
Mikhail Boulgakov écrivit dans le secret de son cabinet, de 1928 à 1940, un texte d’abord intitulé Le Spécialiste au pied fourchu, puis Roman sur le diable, puis Roman fantastique, puis Le Prince des ténèbres ; repris dès le début des années 1930, le projet de Roman sur le diable s’enrichit d’un nouveau personnage, lui aussi écrivain, qui va déterminer la structure et le titre définitifs de cette œuvre-somme : Le Maître et Marguerite.
Le roman de Boulgakov est un choc. C’est un bloc protéiforme mystérieux qui résonne en moi depuis longtemps comme une ritournelle, une musique venue de l’enfance ou plutôt une symphonie étrange mêlant le sublime et le chaos. Boulgakov crée un espace de narration à mi-chemin entre l’inconnu et l’éternellement familier. En convoquant les grands mythes comme celui de Faust, il nous mène sur un parcours que nous croyons connaître. Mais tout d’un coup l’opacité, la folie et la grandeur des songes se mêlent à tout ça. Le diable tutoie les mythes modernes de la société de consommation, il réinterroge la notion de bien et de mal. Le poète fou dialogue avec un chat et croise une sorcière sur le bord d’une route banale. Boulgakov nous réconcilie avec la magie des légendes. Il nous rappelle qu’aujourd’hui encore, il est possible de déplacer les frontières de la réalité.
Ce sont ces limites floues entre fiction et réalité, entre classique et moderne, qui m’ont incité à adapter ce roman. Boulgakov savait pertinemment qu’il ne verrait pas son roman publié de son vivant, il s’est donc tout permis sans aucune retenue. C’est cette audace que je chercherai, ce cri de liberté qu’on nous oblige parfois à taire. Le spectacle sera joué en tri-frontal. Comme Le maître, on y parlera le français, le russe – qui m’est cher – et certainement l’araméen ou l’hébreu, langues que parlait le Christ.
Nous chanterons, Marguerite dansera et volera ; le diable fera tomber une pluie de libertés et nous tenterons tous de proclamer à l’unisson que chacun se doit d’épouser souverainement la vie... Si le Le Diable est en visite dans le monde. Et autour de Woland – c’est son nom – s’entretissent trois récits : l’un relate la sinistre sarabande dans laquelle Moscou, dans les années trente, se trouve entraînée : meurtres, exactions, enlèvements, incendies ; le deuxième, l’histoire d’un écrivain anonyme, le Maître, en institution psychiatrique pour avoir écrit un roman sur Ponce Pilate - sorte d’évangile apocryphe qui relate l’impossible dialogue entre Yeshoua (le Christ), et le « préfet » de Judée Ponce Pilate ; et le troisième, l’histoire d’amour entre le Maître et Marguerite - qui sauve l’écrivain au moment où il abjure son œuvre pour rejoindre avec lui « la maison qui est la leur de toute éternité ».
Dans ce monde à la fois tragique et burlesque, les chats parlent, les démons paradent et chaque figure peut comporter un redoutable envers. Juxtaposant les époques, emboîtant les récits, convoquant la tradition chrétienne et le mythe de Faust, alternant scènes réalistes et fantasmagoriques, alliant l’abject et le sublime - celui de l’amour de Marguerite -, Boulgakov constuit un univers parodique, carnavalesque. Woland, l’illusionniste, organise, pour une société sous hypnose collective, le spectacle de l’apocalypse grandiose où se déploient et l’horreur et le miracle de la vie. Le Diable a deux visages : capable de semer la violence et l’effroi, il peut aussi créer l’étincelle qui, dans un monde figé, donne naissance à l’amour et à la création. La liberté souveraine de l’imagination fait échec à la folie meurtrière de l’ordre imposé.
Le monde de Boulgakov ressemble par moments à la réalité, il n’en a que les atours : c’est un semblant revendiqué. L’atmosphère, chez Boulgakov, est celle d’un rêve ou d’un cauchemar. Alors, tout est possible dans cet impossible. Pour être tout à fait sincère, il me semble presque utopique de faire une pièce de théâtre de l’histoire du Maître et Marguerite.
Il y a tant de personnages, tant de scènes fantastiques et d’événements écrasants dans un temps si court... et pourtant, je ne sais pas pourquoi, mais j’ai la conviction qu’avec de la créativité, avec l’amour que je porte à cette histoire, avec l’inventivité des acteurs, l’adaptation que nous proposerons rejoindra ce qui m’a bouleversé dans le récit. L’histoire est magnifique, l’univers est sans limite ; c’est une fresque d’une originalité enivrante et contemporaine. On y trouve du sacré et du brut ; c’est un mélange entre tragédie antique et conte fantastique ; c’est une histoire pleine de vie, de rêves ; c’est une histoire d’amour entre un auteur et une fleur, un manifeste pour la liberté, accessible à des enfants...
C’est un voyage fabuleux qui se doit d’être accompli " avec " les spectateurs. Il y a toujours une petite note dissonante chez Boulgakov qui nous éloigne un peu du vrai, sans pour autant nous égarer dans le fantastique. On est à la limite, à la frontière, dans le presque... La scène peut tout accepter d’un tel récit car sa logique est à l’intérieur. Il n’y a que le flux des vivants qui fait sens. Un travail de lisière en somme, comme à l’orée d’un bois étrange et attirant.
Igor Mendjisky
Le roman qu’écrit le Maître est un nouvel Evangile, la relation véridique de l’histoire du Christ et de Ponce Pilate, à la différence de la version canonique, qui se présente comme une interprétation erronée des paroles du Maître par des disciples dévoués, mais ignares. « Je n’ai absolument rien dit de tout ce qui est noté là », dit Yeshua le héros du roman du Maître, après avoir lu les notes prises par Matthieu Levi. Ce roman et son auteur sont violemment pris à partie par la critique qui exige qu’on en finisse avec le « pilatisme » ; des membres de l’influente et prospère organisation littéraire Massolit se proposent d’écrire une œuvre antireligieuse qui refuterait jusqu’au fait même de l’existence du Christ. Poussé à bout par les persécutions, les privations et les menaces d’arrestation, le Maître brûle son manuscrit, c’est-à-dire agit comme Boulgakov lui-même avec son roman pendant la crise de 1930, dont les circonstances rappellent à bien des égards les infortunes du Maître. Par là-même, le Maître trahit son héros en refusant de défendre cette vérité sur lui qu’il est seul à connaître ; la folie du Maître et sa tentative de suicide rappellent le sort d’autres héros de Boulgakov torturés par un sentiment de culpabilité après avoir commis une trahison...
Au moment où la catastrophe semble totale et la mort inéluctable, le Maître reçoit l’aide d’une force mystérieuse et toute-puissante, celle du diable (Woland) qui vient d’arriver à Moscou. Woland rend au Maître son manuscrit qui s’est avéré indestructible : « Les manuscrits ne brûlent pas ». Il châtie le critique Berlioz, président de la Massolit, en le condamnant au néant pour son incroyance... et cette mort devient le symbole de l’anéantissement de tout un monde dont Berlioz est l’incarnation. Mais Woland et ses acolytes tuent également le Maître et Marguerite : les délivrant de ce monde hostile, et condamné, ils les transportent dans l’au-delà pour les installer dans un « refuge » idyllique. Ce dénouement reflète la conception typiquement boulgakovienne du créateur « faustien » qui réunit en lui des traits du messie, de la victime expiatoire et du traître et n’est capable d’assumer sa mission que grâce à l’appui et à la protection d’une force impure.
B. Gasparov, Histoire de la littérature russe, Le XXe siècle, Fayard
32 avis