La profession de Madame Warren

Paris 14e
du 27 mars au 12 mai 2001

La profession de Madame Warren

CLASSIQUE Terminé

A la fois cruelle et drôle, la pièce trouve aujourd’hui sa véritable dimension alors que nous entrons dans l’ère d'un capitalisme mondial.

Synopsis
Une nouvelle traduction
Intention de mise en scène

Synopsis

Vivie Warren, brillante étudiante en mathématiques, passe des vacances studieuses dans un cottage du Surrey. Cette journée inhabituelle va bouleverser sa vie de jeune fille élevée à l'écart du monde et de ses contingences. En effet, sa mère, Mme Warren, a décidé de lui rendre visite avec ses amis. Démarche tout à fait inhabituelle, puisque celle-ci voyage continuellement pour ses "affaires" dans toute l'Europe et s'est trouvée singulièrement absente pendant l'enfance et l'adolescence de sa fille.

D'abord arrive Praed, un ami de Mme Warren, artiste amoureux de l'Italie, qui vient faire la connaissance de Vivie. Amical et délicat, il sera le seul de l'entourage de sa mère que Vivie acceptera. Dans ce village anglais, Vivie a un amoureux Franck Gardner, charmant bon à rien, qui surgit lui aussi à l'improviste poursuivi par son père le Révérend Samuel qui sans cesse lui demande des comptes sur ses fréquentations. Enfin Mme Warren et son accolyte Sir Georges Crofts, baronnet véreux, font une irruption tapageuse.

C'est alors que Vivie va être confrontée pour la première fois au passé de sa mère. Poussée à bout par les attaques violentes de sa fille, Mme Warren fait alors le récit de ce que fut sa vie, et révèle alors sa véritable activité: tenir des "maisons" financées par Crofts dans toute l'Europe. Comment en est-elle arrivée là? La misère en est la cause principale. Vivie est bouleversée par la sincérité brutale et poignante de sa mère, et se sent prête à comprendre et à pardonner.

Le lendemain, Crofts propose à Vivie, de la façon la plus grossière, un mariage de convention, qui permettrait à l'argent de rester dans la "famille". Insulté par la jeune fille qui refuse son offre, celui-ci lui révèle que Franck est son demi-frère. Vivie décide alors de partir et d'aller gagner sa vie chez son amie Honoria Fraser à la City de Londres.

Nous retrouvons Vivie dans son bureau de la City. La voilà maintenant indépendante mais douloureusement atteinte par ce qu'elle appelle "la part de honte et d'horreur de la société qui pousse les êtres à se prostituer". Prise d'une crise de désespoir, elle révèle à Franck ce que sont les "affaires" de sa mère. Celui-ci renonce alors avec la désinvolture qui le caractérise à ses intentions de mariage avec Vivie.

Mme Warren force la porte de Vivie. Dans une ultime entreprise de séduction, elle essaye de convaincre sa fille du pouvoir incontournable de l'argent, de «son» argent. Passant de la menace aux larmes, suppliant sa fille de ne pas l'abandonner, Mme Warren refuse néanmoins d'abandonner ses "affaires".

Sans la moindre émotion, Vivie rompt définitivement avec sa mère et seule enfin, libérée de tout ce qui la tirait en arrière, se plonge avec délectation dans ses calculs d'actuaire.

Une nouvelle traduction

Est-ce offenser l'esprit «français» que de déclarer qu'il ne comprend pas grand-chose à l'humour anglais? Est-ce l'offenser encore que de constater à quel point les hommes de théâtre, en France, sont passés «à côté» de l'humour de Shaw?

Si Brecht a connu dès les années trente une fortune heureuse en France (rappelons-nous les audaces de Gaston Baty, puis, en 1950, les mises en scènes de Vilar), on ne peut pas faire le même constat pour la fortune du génial Anglais en France. Bien sûr, notre pays découvre cet auteur très vite, mais très vite aussi elle se contente de le circonscrire dans un univers «typically english», faisant de cet exotisme de pacotille la marque de fabrique d'un certain théâtre anglais, fait de bons mots, de Lords hypocrites et de jeunes femmes désinvoltes et un rien «suffragettes». Une imagerie de cartes postales en quelque sorte.

Aujourd'hui, alors que les clichés associés au théâtre de Shaw s'estompent, il est temps de s'attacher à faire découvrir un autre Shaw. Non plus cet auteur qui produisait un mot d'esprit à la minute, ni même cette figure centenaire à la barbe grisonnante, mais bel et bien un homme à la rage critique et destructrice; un homme non seulement à l'écoute de sa société, mais plus encore un des plus grands «créateurs» du théâtre mondial.

A cet égard, La Profession de madame Warren reste bien une de ces oeuvres les plus emblématiques. Comme toujours chez cet auteur on retrouvera cette galaxie d'arrivistes, cette faune de la «City» et son incontournable odeur de cigares et de Whisky. Mais derrière la fresque historique et satirique se cache une oeuvre plus ambitieuse, plus secrète encore. Avec cette pièce Shaw s'installe non seulement dans une dénonciation du cynisme «victorien», mais il tente aussi de faire exploser les canons de la comédie bourgeoise, une comédie qui connaissait son heure de gloire dans cette Angleterre encore si sûre de ses modèles représentés sur la scène.

En proposant une nouvelle traduction de cette pièce, c'est bien cet aspect critique et littéraire que j'entends mettre en avant. Dégager Shaw de ses ornières précieuses et datées, pour mieux signaler la virulence et l'impact de son style. A l'heure où, en France comme ailleurs, tous les auteurs dramatiques s'interrogent sur la modernité même de la comédie, il m'a semblé urgent de relire cet auteur pour faire miroiter, peut-être pour la première fois, les facettes méconnues de son style, de ses audaces et de ses recherches stylistiques.

Je n'aurai pas la prétention, à moi seul, de faire découvrir ce «nouveau» Shaw, mais en me dégageant des traductions anciennes (très utiles pour découvrir l'oeuvre mais néanmoins formellement obsolètes) je pense contribuer à cette relecture utile de son travail dramatique. Qu'il me soit permis de croire que cette nouvelle traduction rendra compte de l'extraordinaire modernité de cet auteur, une modernité cachée parfois par un respect trop «historique» de sa genèse créatrice. Et l'on devrait sans peine saisir combien derrière la fable caustique se cache en fait une vision prophétique et généreuse d'un théâtre d'aujourd'hui. Un théâtre qui puiserait à la fois sa force dans le respect d'une «mécanique» dramatique parfaitement huilée, mais plus encore dans le souci d'interroger les codes de la représentation, qu'elle soit sociale ou artistique. Si c'est le propre des grands écrivains que de transcender leur époque, les traductions, elles, se meurent, et sont trop souvent le fruit de leur époque. Il est nécessaire d'oeuvrer à leur réactualisation et gageons que le pari de la confier ici à un jeune auteur dramatique sera le garant d'un strict respect de l'efficacité même du texte dramatique de Shaw.

René Fix. Novembre 1999

Intention de mise en scène

LA PROFESSION DE MME WARREN de G.-B. SHAW me paraît être une oeuvre "exemplaire". Il s'agit là d'une fable sur le capitalisme. Elle se situe à la fin du siècle dernier en Angleterre. Les questions lancinantes du "d'où vient l'argent de la classe bourgeoise?", "quel système permet à certains de vivre dans l'opulence, et à d'autres dans la plus grande pauvreté?"; des questions chères à SHAW, nous parviennent aujourd'hui plus que jamais. Argent et Morale ne font que trop bon ménage.

Une jeune fille, Vivie, brillante, et que la disposition de richesses dont elle ne connaît pas l'origine a rendue dure comme le silex, se trouve confrontée brutalement à la réalité sordide de l'existence de sa mère. Celle-ci dirige en effet des maisons dans toute l'Europe. C'est une femme d'affaires, et si l'objet de ses affaires n'est pas recommandable, SHAW nous dit qu'elles ne sont, réflexion faite, ni plus, ni moins, moralement défendables que celles des exploiteurs de toutes sortes, propriétaires d'immeubles insalubres, ou directeurs d'usines.

Nous suivrons Vivie dans sa découverte horrifiée de la profession de sa mère. La misère, sans doute, l'a contrainte à ce choix, mais le goût des affaires l'empêche de s'arrêter, et par là-même de prouver à sa fille qu'elle est prête à changer.

Vivie est une jeune fille d'aujourd'hui, avec ses objectifs précis de réussite sociale. Le travail qui va être le sien, et qu'elle croit honnête, est pourtant lui aussi, "fondé", comme celui de sa mère, sur l'exploitation des êtres humains. Elle atterrira à la City de Londres, ayant abandonné toute sentimentalité, et bien décidée à être libre et riche, à fumer le cigare et à boire son whisky comme un homme.

Je ne souhaite pas m'éloigner de l'aspect réaliste de la pièce. Celle-ci dessine avec la subtilité et l'humour corrosif de SHAW, le caractère haut en couleurs de ses personnages. Je ne souhaite pas non plus apporter une nouvelle contribution nostalgique et exotique à l'évocation de cette Angleterre "victorienne"; de ses théières fumantes, de ses guêtres et de ses ladys... C'est pourquoi j'ai choisi de situer l'action dans les années 30. L'abandon du corset, pour les femmes, l'élégance quelque peu efféminée des hommes, ainsi que luxe et la frivolité de la classe bourgeoise de cette époque, permettront de donner un éclairage très actuel à la pièce, tout en lui conférant une distance dans le temps.. Le décor, lui, s'inspirera fortement de l'oeuvre de Robert Delaunay, et plongera le spectateur dans un univers abstrait, et géométrique. Seuls des signes forts seront conservés, pour indiquer les différents lieux de l'action.. Mon travail consistera bien à cerner au plus près les conflits internes des personnages, et ce sans jamais verser dans la caricature. A la fois cruelle et drôle, la pièce trouvera ainsi sa véritable dimension, alors que nous entrons dans l'ère d'un capitalisme mondial.

SHAW, avec lucidité, mordant, et refus de la sentimentalité, dessine à grands traits, un monde qui est plus que jamais le nôtre. Sa dénonciation d'un capitalisme naissant, si lucide et si terriblement prémonitoire nous parvient par le biais d'une fable satirique efficace.

Avec Claudel, Shaw comptait au rang des plus grands écrivains de ce siècle au regard de Bertolt Brecht!

René FIX, enfin, entreprend une nouvelle traduction de la pièce qui paraîtra aux Editions de l'Arche au moment de la création du spectacle.

Claudia Morin

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Théâtre 14

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Théâtre 14
20, avenue Marc Sangnier 75014 Paris
Spectacle terminé depuis le samedi 12 mai 2001

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Spectacle terminé depuis le samedi 12 mai 2001