La folle journée ou le mariage de Figaro

Marseille (13)
du 21 au 31 mars 2001

La folle journée ou le mariage de Figaro

CLASSIQUE Terminé

" Le titre véritable de la pièce est La folle journée. Tout ici est affolement. Ces gens là sont possédés. Le souffle d’Eros dont Chérubin est la représentation à peine masquée fait vaciller les valeurs conventionnelles du pouvoir et chacun s’abaisse aveuglément à ce que lui dicte son désir.

Présentation
Notes de mise en scène
Quelques notes sur La Folle Journée ou le Mariage de Figaro
Histoire de désir

Présentation

… La plus badine des intrigues. Un grand Seigneur espagnol, amoureux d’une jeune fille qu’il veut séduire, et les efforts de cette fiancée, celui qu’elle doit épouser, et la femme du seigneur, réunissent pour faire échouer dans son dessein un maître absolu, que son rang, sa fortune et sa prodigalité rendent tout-puissant pour l’accomplir. Voilà tout, rien de plus. La pièce est sous vos yeux.

Beaumarchais
Extrait de la préface du Mariage de Figaro

Le besoin de dire à quelqu’un « Je vous aime » est devenu pour moi si pressant que je le dis tout seul, en courant dans le parc, à ta maîtresse, à toi, aux arbres, aux nuages, au vent qui les emporte avec mes paroles perdues. Et si personne ne m’écoute, je me parle d’amour à moi-même.

…Il y a un accès simple du peuple au plaisir que rien ni personne ne peut entamer. A l’inverse, les maîtres désirent désirer. En vain. Pour soutenir la fiction de leur désir, lui trouver une cause, ils convoquent de la façon la plus violente le corps populaire pour en interroger le secret, lui supposer une jouissance en soi, à réglementer et dont se nourrir. " Serge Daney, A propos de Salo ou les cent vingt jours de Sodome de Pasolini.

«... Un espace clos, un espace de nuit. Comme pour une fête. La nuit tombe à la fin de chaque tableau ; on entend dans la nuit le rire des acteurs. Ils rient du miracle. Ils rient de l'impossibilité humaine du miracle (et par conséquent de la possibilité perpétuelle du miracle divin). Ils rient de voir le désir accompli par l'illusion de l'art, et en même temps inaccompli. Comme si chaque représentation avait lieu le jour de la fête des miracles ? une fête que nous aurions inventée...» Antoine Vitez, Le théâtre des idées

"Le Comte : Si c'est Suzanne, d'où vient le trouble où je vous vois ?
La Comtesse : du trouble pour ma camariste ?
Le Comte : Pour votre camariste, je ne sais ; mais pour du trouble, assurément."
(Acte II, scène XII)

Notes de mise en scène

"... Toute révolution, tout bouleversement par la force trouve un dénominateur commun dans ce que nous respectons ou méprisons dans notre relation à la notion d’humanité." Odon von Horvath

... Il y a un accès simple du peuple au plaisir que rien ni personne ne peut entamer. À l’inverse, les maîtres désirent désirer. En vain. Pour soutenir la fiction de leur désir, lui trouver une cause, ils convoquent de la façon la plus violente le corps populaire pour en interroger le secret, lui supposer une jouissance en soi, à réglementer et dont se nourrir. Serge Daney à propos de Salo ou Les Cent vingt jours de Sodome de Pasolini.

La première fois que j’ai lu le Mariage de Figaro j’ai entendu une force que je ne savais pas nommer. Je confondais mon intérêt pour la pièce et son sujet avec une tendresse un peu ridicule pour ses personnages. Plus tard j’ai continué à n’y voir qu’un théâtre confortable fait pour un public confortablement installé et à qui l’on proposerait un comique bourgeois.

Je crois savoir aujourd’hui nommer cette force. La désinvolture de Beaumarchais à l’égard de sa fable est un symptôme de son obstination à une séduction de l’instant par le langage. C’est ce mouvement éperdu vers la séduction qui est le nerf de la pièce. N’ont le pouvoir ici que ceux qui prennent la parole. Dès qu’on se tait, on perd le pouvoir. Dès que l’on répond mal à un jeu de mot lancé par un autre comme un défi, on perd le pouvoir. C’est l’instinct de survie qui fait inventer du langage aux personnages.

Le Mariage n’est pas une suite de tableaux charmants traversés par l’espièglerie d’amants frivoles où Beaumarchais chahuterait (un peu quand même au passage) les valeurs déjà branlantes de l’aristocratie par le truchement d’un affrontement bien repérable : Figaro le valet contre Almaviva le maître. Les fausses confidences, les faux billets, les faux rendez-vous sont prétexte à une vraie guerre, avec ou sans méthode. Guerre des classes et guerre des sexes avec le plaisir de faire durer, de jouir du conflit, de philosopher dans les boudoirs, de faire le théâtre du désir, des liaisons dangereuses. Des semblants d’armistices : l’ultime pardon de la Comtesse au Comte ressemble à celui que le Commandeur n’accorde pas à Dom Juan.

Les figures du Mariage, dans un pressentiment qu’elles ne savent pas nommer (l’imminence d’un "bouleversement par la force"), s’entrechoquent et dérapent, jouissant d’être malmenées par une force qui les dépasse, celle du désir à la surface, et celle, en profondeur, de la fécondation par le langage d’un nouvel état des corps, une maïeutique sans laquelle aucune révolution n’est possible. Une histoire de survie.

Il y a donc que la trame est moins importante pour Beaumarchais que la langue qui la parle.

Parler sur la scène de ce théâtre c’est prendre l’espace et arrêter le temps. La force du jeu ici s’exerce dans l’écart entre la violence des enjeux et l’apparente simplicité du texte. L’enjeu majeur est bien la jouissance de faire durer l’intenable, voler du temps au temps dans l’espoir et l’effroi que le désir finira par enlever son masque, que la "vérité toute nue"... L’art de différer, l’art de faire l’amour.

.../...

La pauvreté/richesse, la naïveté/sophistication du vocabulaire, de l’interdépendance syntaxique des répliques entre elles est l’outil de cette jouissance.

La folie de Beaumarchais est d’avoir fait, à ce point, du langage un motif du désir, un instrument de jouissance hic et nunc et non un outil de désignation de son sujet. La préface du Mariage s’ouvre sur le thème de la décence au théâtre, car ce qui a choqué et qui séduit maintenant avec autant de force c’est bien le caractère érotique de l’écriture de Beaumarchais et non la représentation d’un badinage, même audacieux. L’auteur frôle l’indécence et affole la censure.

Donc le titre véritable de la pièce est La Folle journée. Tout ici est affolement. Ces gens-là sont possédés. Le souffle d’Eros dont Chérubin est la représentation à peine masquée fait vaciller les valeurs conventionnelles du pouvoir (le Comte Almaviva ne se remet effectivement pas d’avoir aboli le droit du seigneur) et chacun s’abaisse aveuglément à ce qui lui dicte son désir (l’attirance de Marceline pour Figaro "ne se trompait que de motif").

Ici l’espace tentera de parler de cet égarement entre la réalité d’un plancher trop pentu, déjà fissuré, condamné au naufrage, Versailles déjà qui chavire, et l’artifice, l’illusion des toiles peintes, vieux décors d’opéra, que les figures de la noblesse dresseraient comme les voiles d’un bateau pour faire durer leur histoire telle qu’ils se la représentent - et tous s’embarquent, sans le savoir, vers Cythère.

Et nous tenterons nous de peindre cette fête dionysiaque où une troupe d’insensés se paye le luxe d’un théâtre du désir, où la parole habille et déshabille, où les corps trébuchent comme autant de lapsus et où, méprisant les signes avant-coureurs des bains de sang à venir, les acteurs profitent de cette journée. Leur dernière folle journée.

Jean-François Sivadier
Octobre 1999

Quelques notes sur La Folle Journée ou le Mariage de Figaro

Une relecture du texte de Beaumarchais

Comment travailler un classique, un texte aussi connu que Le Mariage de Figaro, sans forcément tomber dans cette musique de convention qui l’accompagne ? Il fallait reprendre le texte, le sentir physiquement dans sa matière concrète, créer un rapport personnel avec lui, en faire un laboratoire.

Jean-François Sivadier s’est donc lancé dans un long travail de " retraduction " de cette langue française, et propose une approche différente de la pièce. Pourtant, aucune ligne n’a été modifiée. "Faire entendre le texte comme une langue étrangère, mais en même temps laisser le plaisir de connaître et de reconnaître" un texte. Didascalies et ponctuation ont été enlevées. La respiration est réinventée pour ne pas tomber dans des tonalités habituelles, faire en sorte que les acteurs soient en train d’écrire le texte, d’avoir l’air d’improviser.

À partir de trois versions éditées, Jean-François Sivadier présente une version nouvelle, où certains personnages ont pu être étoffés. Il fallait mettre en avant les jeux de langage dont Beaumarchais fait preuve, lui qui explore les situations de théâtre, invente le vaudeville et pressent le mélodrame.

L’important n’est pas tant l’histoire que la langue. D’ailleurs, les invraisemblances de l’intrigue sont aussitôt relevées par la joute incessante des personnages.

Un nouvel espace-temps

C’est une pièce a-centrée. Chaque personnage qui arrive change la configuration de l’espace. Il n’y a pas de place pour la psychologie et il s’agit de se mettre hors de soi, ne pas essayer d’entrer dans une intériorité factice.

"Mettre le corps dans la tourmente", c’est ainsi que le décor a été conçu. Les personnages, sont pris dans des situations toujours plus fuyantes. Il en est de même physiquement sur la scène, avec un système de plateaux mobiles qui se dérobent sous les pas.

L’action s’inscrit dans le présent. Mais les costumes permettent un continuel aller-retour entre le 18e siècle et aujourd’hui. Tout comme les personnages se déguisent, le texte est un masque qui révèle les gens et les rend libres.

.../...

Histoire de désir

Une hystérie générale s’empare de cette folle journée. L’Espagne, le flamenco. Sivadier nourrit le rapport à l’étranger, pas seulement dans la langue. De façon subtile, la politique se place à tous les niveaux. Si Beaumarchais faisait référence à ses contemporains, Jean-François Sivadier actualise ces enjeux de pouvoir qui, petit à petit, dérivent vers l’intime, le désir.

Il convoque l’énergie, la légèreté et la précision de la comédie musicale. À travers les chants, la musique, la danse et les costumes, un rapport de séduction s’installe, parfois dans la violence.

Comment traiter les foules ?

Cette journée se veut festive. Le public n’est pas seulement témoin, il y prend part. Réunis dans un espace commun, les spectateurs seront confrontés à la même étrangeté, et participeront à l’écriture.

Sélection d’avis du public

Par Franck F. - 8 janvier 2017 à 12h24

Nous avons passé un excellent moment !!! Nous appréhendions la durée des quatre heures.... mais au final nous en aurions bien dégusté une de plus ! Bravo pour cette belle mise en scène et ce très bon jeu des comédiens !

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Par Franck F. (1 avis) - 8 janvier 2017 à 12h24

Nous avons passé un excellent moment !!! Nous appréhendions la durée des quatre heures.... mais au final nous en aurions bien dégusté une de plus ! Bravo pour cette belle mise en scène et ce très bon jeu des comédiens !

Informations pratiques

Criée

30, quai de Rive Neuve 13007 Marseille

Spectacle terminé depuis le samedi 31 mars 2001

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Spectacle terminé depuis le samedi 31 mars 2001