Bord plateau à l’issue de la représentation.
Sept comédiens et un pianiste pour un récit choral échevelé ; rythme endiablé, humour décalé, émotion qui ne cesse d'affleurer : de la naissance divine de la belle Hélène à la colère d'Achille, de la Pomme d'or aux ruses d'Ulysse, tout, tout, tout, vous saurez tout des légendaires aventures des héros, dieux et demi-dieux de la Guerre de Troie ! Et en moins d'une heure et demie, s'il vous plaît : pour (re)découvrir ses classiques de façon jubilatoire !
Il y a ce qu'on connaît peut-être : la jalousie des déesses face à la Pomme d'or, le choix de Pâris, l'enlèvement par ce dernier d'Hélène aux bras blancs, le sanglant sacrifice de la jeune Iphigénie pour que souffle le vent, le siège de Troie, la colère d'Achille, le leurre du cheval de bois…
Il y a aussi ce qu'on connaît moins : la transformation de Zeus en cygne blanc pour donner naissance à la plus belle femme du monde, la ruse de Palamède pour piéger Ulysse et ses fourberies, la folie d'Ajax, le terrible destin de Philoctète…
En une vingtaine de tableaux aussi ludiques qu'avertis, sept comédiens et un musicien offrent un récit choral dans une mise en scène qui se permet tous les décalages pour permettre à l’émotion d'affleurer… En jouant à jongler d'Homère à Sophocle, d'Euripide à Hésiode en passant par Virgile, tout, tout, tout, vous saurez tout des aventures légendaires, épiques et poignantes, des héros, dieux et demi-dieux de la Guerre de Troie !
Un jeu sur la miniature
Le projet s’attache à retracer la « miniature » d’une immense fresque mythologique, tout en tâchant d’en traduire le souffle d’épopée. La mise en scène est ancrée dans ce jeu de confrontation entre le petit et le grand, comme un « petit cirque de Calder » qui se déploierait d’une piste-table au plateau et au grand cirque du monde. Unique scénographie, quelques chaises et une table donc (qui rappellent par ailleurs l’importance des banquets dans l’histoire). De cette table naît une ébauche de théâtre d’objets, d’accessoires miniatures, de figurines. Ce jeu sur l’objet, nous l’avons développé dans notre travail depuis la rencontre avec Cécile Pelletier – costumière et plasticienne étonnante, aussi bien dans une installation à la Boltanski dans Elias Leister a disparu, que dans l’exposition finale de Jeanne Barré ou dans une petite forme à la table autour du conte d’Hansel et Gretel. Il sert ici de support à la narration : la belle Hélène par exemple, n’est jamais « interprétée » mais apparaît, très symboliquement, seulement sous forme de poupée. Au fil des tableaux, ce monde en miniature s’ouvre sur la scène. Les narrateurs-manipulateurs investissent l’espace et se font acteurs, deviennent en quelque sorte leur propre marionnette.
Un choeur et des figures
Le volontaire caractère purement narratif du texte suppose une approche chorale du jeu – en référence évidente au choeur grec. L’histoire est portée dans une énergie de groupe et de troupe (huit personnes au plateau), et une dynamique d’abord rythmique qui appelle un traitement presque chorégraphique des corps dans l’espace. Les héros évoqués apparaissent, mais davantage sous forme de silhouettes ou de figures que de «personnages» : cela ne suppose pas une désincarnation ou une quelconque abstraction. Au contraire, l’engagement physique et émotionnel de l’acteur est complet. Il s’agit de maintenir toujours une tension entre incarnation et distanciation (comme le suppose une prise en charge à la troisième personne et jamais à la première).
Costumes et accessoires : un jeu sur les époques
Cet aspect choral débouche presque naturellement sur une approche du costume à base neutre, sur laquelle, comme on l’a vu, viennent se greffer des éléments signifiants et ludiques pour évoquer tel ou tel protagoniste. Il ne s’agit évidemment pas de montrer un péplum : l’univers des costumes et des accessoires s’amuse à une intemporalité (travail du drapé entre l’antique et le contemporain) ou à une modernisation volontairement anachronique, décalée et souvent burlesque ; les guerriers ont des allures de GI, les revolvers ont remplacé les lances, etc.
La musique, entre hier et aujourd’hui
Dans la Grèce Antique, le poète était toujours accompagné d’un musicien - le plus souvent d’un joueur de lyre. Cette lyre était accordée suivant le mode mixolydien : le thème principal du spectacle est composé suivant ce mode. Mais bien sûr, en écho à la mise en scène, ce mode est décliné de façon contemporaine. D’abord il sera harmonisé (la Grèce Antique ne connaissait que la musique monophonique), puis tordu pour lui donner des sonorités orientales et balkaniques, ces sonorités que la musique grecque ne tardera pas à adopter mais qui surtout nous emmènent si facilement en voyage et évoquent si fortement ces cultures dont nous sommes issus. Ensuite, cette musique et ses développements seront joués sur des instruments tout aussi contemporains, le piano et la guitare électrique, laissant s’exprimer toute l’actualité et l’universalité de ces déchirements tragiques.
Un jeu de distorsions : vers une poésie burlesque
Les distorsions entre le petit et le grand (le souffle épique en miniature, la confrontation objets / comédiens), entre l’hier et l’aujourd’hui (la modernisation décalée), entre l’incarnation et la distanciation, donneront une tonalité souvent burlesque au spectacle : distorsion supplémentaire, entre ce burlesque et la dimension tragico-épique de l’original. Mais qui permettra une approche festive et ludique d’un monument de notre imaginaire collectif ; et qui permettra aussi, somme toute, d’en traduire le caractère excessif, démesuré, outrancier (et donc grotesque au sens propre). Et quoiqu’il en soit, on sait que comédiens comme spectateurs seront rattrapés par la force de l’histoire, et que l’émotion affleurera toujours. C’est cette tonalité d’une « poésie burlesque » que nous chercherons à toucher du doigt.
« Un spectacle de troupe, généreux et malin (…) inventif, parfois drôle, parfois grave, parfaitement construit. La troupe est homogène, pleine d’énergie et de savoir-faire. Bref, tout pour être heureux. »
Le Figaro
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