La Chaîne

du 6 au 10 janvier 2010
1 heure

La Chaîne

Dans la mise en scène de l'un de ses tous premiers textes, Ludovic Pouzerate interroge la disparition énigmatique de l'identitée ouvrière. Reste-t-il des ouvriers ? Pour qui ? 250 déclinaisons pour le seul mot "ouvrier" lorsque l'on rentre cette requête dans le site de recherche d'emploi de l'ANPE ? Les "enfants d'ouvriers" existent pourtant dans les statistiques. Le travailleur en a-t-il perdu la notion, la mémoire, le réflexe ? Qu'est-ce que travailler à la chaîne ? Qu'est ce que travailler sur une plateforme téléphonique en bureau open-space ?

« J’ai vu un documentaire à la télé : des hommes avec le poing levé et le béret. C’est plus du tout ça. Il n’y a plus de solidarité. » Marc, 27 ans, apprenti chaudronnier

La disparition énigmatique de l'identitée ouvrière
Etat des lieux
A propos de la pièce
Extrait

  • La disparition énigmatique de l'identitée ouvrière

Soir de fête. Toute la famille est là. Lui, le fils aîné, revient de son premier jour de travail. Il vient d'être embauché dans la même usine que son père. La relève est prise. Cette soirée déglinguée nous emmène vingt ans plus tard, vingt années de violence et de chaîne plus tard, peu avant que ne se produise l'irrémédiable.

Dans la mise en scène de l'un de ses tous premiers textes, Ludovic Pouzerate interroge la disparition énigmatique de l'identitée ouvrière. Reste-t-il des ouvriers ? Pour qui ? 250 déclinaisons pour le seul mot "ouvrier" lorsque l'on rentre cette requête dans le site de recherche d'emploi de l'ANPE ? Les "enfants d'ouvriers" existent pourtant dans les statistiques. Le travailleur en a-t-il perdu la notion, la mémoire, le réflexe ? Qu'est-ce que travailler à la chaîne ? Qu'est ce que travailler sur une plateforme téléphonique en bureau open-space ?

Par Le-groupe-Krivitch. La Chaîne est éditée en septembre 2009 aux Editions D’ores et déjà.

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  • Etat des lieux

En France, selon l’Insee, il y a encore six millions d’ouvriers et d’ouvrières, répartis entre 220 professions et de nombreux secteurs d’activité, soit 23,9 % des actifs occupés, 30,7 % ont entre 15 et 29 ans. Comme le rappelle Daniel Cohen dans un éditorial du Monde du 3 mai 2002 « 40 % des enfants sont ainsi aujourd’hui élevés dans une famille ou l’un des deux parents est ouvrier. La question ouvrière est donc tout sauf un reliquat de l’ère industrielle : elle demeure centrale. »

En fait les ouvriers existent bien, et en nombre, mais l’identité de classe, elle, se délite. Le monde ouvrier a subi de profondes mutations ces vingt dernières années : la disparition de grands sites comme la métallurgie, la sous-traitance massive et le recours à l’intérim. Les ouvriers ont donc été dispersés dans de plus petites unités ou il est plus difficile de s’unir et de se faire entendre. Cet éclatement de la classe ouvrière menacée par la précarité et la marginalisation a affaibli sa combativité, au point de passer pour inexistante. Parce que la conscience de classe s’est voilée, le monde ouvrier n’existe plus sous la forme d’une construction politique homogène, mais sous la forme d’un groupe social défavorisé, oublié, marginalisé, éclaté, déclassé, individualisé.

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  • A propos de la pièce

« Ce que j’ai à dire, étrangement, a le goût du sang des morts de l’injustice » Louis Calaferte

La Chaîne est tout sauf une pièce à thèse. Elle n’est pas un théâtre de la preuve mais de l’épreuve, de l’éprouvé. Elle n’a pas été écrite là où se logent les grandes idées politiques sur le monde, mais là où concrètement le monde énerve, insupporte, rend fou. La question de la révolte qui traverse son écriture, s’incarne ainsi avec nerfs et poésie. La Chaîne n’a pas non plus cette facture réaliste du théâtre dit « social ». L’écriture singulière qui l’anime semble pousser dans le corps même de ceux dont elle parle. Abandonnant les codes traditionnels du réalisme qui représente le monde en tentant de l’objectiver, de le poser devant soi, La Chaîne arrache de l’intérieur du monde ouvrier, une réalité de chair et de mots. Point de vue organique sur les usés et les abusés de l’usine. Le spectateur, contrairement à un théâtre plus conventionnel, n’est donc plus là pour se représenter un monde social que l’auteur et le metteur en scène dévoileraient, mais pour sentir, éprouver, ce que la désappropriation de soi chez l’ouvrier signifie dans son corps et son inconscient.

La Chaîne, ce titre apparemment si simple, contient en substance les éléments fondamentaux de la pièce : sa poétique, sa métrique, sa fable, son inconscient. Car une chaîne est plus que le lieu où se fabriquent des objets en série. C’est aussi et surtout là où s’engendrent malgré eux des hommes en série, des hommes dont le corps et l’être profonds sont pris dans cette chaîne. Un tel espace de travail renferme une force symbolique écrasante qui contamine la vie privée, le corps amoureux, la cellule familiale, la pensée intime de chacun. La chaîne se prolonge donc au-delà de l’usine et travaille au corps, donc l’inconscient, tous les travailleurs à qui elle soumet son tempo inexorable et infernal : « Tiens la cadence et le silence, le reste n’a pas d’importance. » Telle est la parole de l’un des ouvriers de La Chaîne qui donne aussi son chemin à tous ces acteurs de théâtre qui auront à travailler aussi dans la cadence et le silence si marqués, si profonds, de cette pièce de révolte.

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  • Extrait

"L’ami : Evidemment ça ne fait jamais plaisir quand il y a un incident mais ça nous on en parle pas ! Tu comprends ? On n’en parle pas ! A quoi bon remuer la merde tu crois que les cadences de production ce n’est pas suffisant comme pression ? Et les licenciements à tour de bras ? Tu crois qu’il faudrait en plus parler des suicides ? Des incapacités et des pourcentages d’invalidité ? Et des quelques années qu’il me reste à tirer sans savoir si je pourrai les assurer tellement mon corps et mon sang sont pourris de trente ans d’usine ?! Je vais te dire moi comment on fait on en parle pas on se tait et on espère. Tu crois que j’en suis fier de ça ? On attend, tu m’entends ? On attend, on prie, on prie pour que ça ne nous tombe pas dessus, l’accident, le licenciement ou le corps qui craque! Et quand ça arrive à un des collègues, et bien je ne vais pas te mentir, je ne vais pas te mentir je vais te dire à quoi on pense, tous, on est tous comme ça, avant même de se demander sur qui c’est tombé et bien on est content ! Oui, tu m’entends ? Content ! Content que ça ne nous soit pas tombé dessus, content de savoir qu’on va rentrer tranquillement à la maison ce soir, et qu’à présent il n’y a plus qu’à patienter quatre ou cinq semaines pour voir sur qui le prochain accident tombera. Et ça, on y peut rien! C’est la faute au hasard, et c’est tant mieux tant mieux que ça lui soit arrivé à lui ! Et je croise les doigts pour que ça ne m’arrive pas à moi / de toute façon il n’avait plus la forme il n’avait plus de jus ton homme ! Il était trop vieux ton homme ! Il n’avait plus l’âge pour les machines ! Moi je ne suis plus aux machines, mais parce que j’ai prévu le coup, j’ai sué pour l’avoir ma promotion ! Lui il n’a jamais voulu penser à ça !

Il a refusé tous les stages de formation, il faut être un peu tordu pour vouloir rester aux machines toute sa vie / si ça se trouve il a cherché l’accident / oui / cherché l’accident / pour toucher une bonne prime et partir en préretraite / il commençait à se sentir trop vieux et à perdre en cadence / alors il a cherché l’accident et il s’est fait avoir à son propre jeu c’est tout !

Il se dirige vers la sortie. Le dernier sort. Il revient avec un fusil de chasse."

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Confluences - Lieu d'engagement artistique

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Spectacle terminé depuis le dimanche 10 janvier 2010

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