Eva Perón

le 19 mars 2004
1H15

Eva Perón

Il s'agit d'Eva Perón ; ce pourrait être quelqu'un d'autre. Une icône. Une image manipulée, liée à un pouvoir totalitaire et populaire, là-bas, ailleurs, autrefois ou ici, tout près. Le corps d'Eva Perón est mis en scène, façonné, transformé, mis à mal, échangé. Il ne lui appartient plus, à terme il lui faut l'abandonner. Et le terme est venu. A la blessure sociale s'ajoute la blessure physique, à la peur des coups (d'Etat) l'angoisse de la mort.

Le mythe d'Eva Perón
Note d’intention

Extrait d’un entretien avec Copi
A propos d’Eva Perón
La légende
Scénographie et costumes

Eva Perón, c’est l’Evita des Argentins des années 50, la femme vénérée du dictateur Juan Perón. Par sa beauté, la volonté de puissance qu’elle mettait au service de ses idées et de son peuple, son combat contre un cancer qui la rongeait, Eva Perón a donné naissance à un mythe : une image idyllique liée à un pouvoir totalitaire et populaire.

Avec Eva Perón, créée en 1969 à Paris, Copi signe une grande pièce politique, une fable provocatrice sur le vrai et le faux, qui entraîna à l’époque, l’interdiction de ses textes en Amérique latine.

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Cette pièce est d'abord une formidable machine à jouer qui invite à se tenir, avec les acteurs, au plus près du texte, sans excès de décor, sans abondance d'effets, dans une théâtralité abrupte, immédiate et directe qui ressemble à un jeu d'enfant insolent et naïf. Eva Perón est bien le personnage principal.

Mais Copi (1939-1987) n'a pas écrit une fresque historique ou politique, ni tracé un portrait psychologique. Il saisit les derniers instants de la vie d'Evita (1919-1952) entre sa mère, une infirmière, le conseiller Ibiza et bien sûr Juan Perón (1895-1974). Beaucoup de choses sont vraies dans ce qui est dit et pourtant tout est extravagant et incroyable.

Il s'agit d'Eva Perón ; ce pourrait être quelqu'un d'autre. Une icône. Une image manipulée, liée à un pouvoir totalitaire et populaire, là-bas, ailleurs, autrefois ou ici, tout près. Le corps d'Eva Perón est mis en scène, façonné, transformé, mis à mal, échangé. Il ne lui appartient plus, à terme il lui faut l'abandonner. Et le terme est venu. A la blessure sociale s'ajoute la blessure physique, à la peur des coups (d'Etat) l'angoisse de la mort. 

Il est intéressant de voir Copi, poète de trente ans, organiser cette danse macabre comme un cérémonial violent, une parade dérisoire pour à la fois faire face et se cacher. Bien des années plus tard, au moment de mourir, avec Une Visite inopportune, il se défendra encore, par le rire, de la camarde. Copi invente une fable sur le vrai et le faux. Au dernier moment, Evita met un sosie, l'infirmière assassinée, à sa place, pendant qu'entre la foule bercée par un discours du président. Elle, cependant, s'évade, quitte son rôle et la scène, pour vivre sa mort par elle-même dans la solitude silencieuse.

Cette pièce est une farce, dans la lignée de Jarry, d'Artaud, de Genet, par moments surprenante et troublante, par moments grossière et infantile ; un théâtre de marionnettes où chaque personnage, mû par une pulsion, agit sur les autres. Copi s'amuse et raconte avec désinvolture une histoire qui a déjà eu lieu. C'est grave et ce n'est pas grave.

Je voudrais faire de ce spectacle l’équivalent d’un rêve libérateur et provocateur donnant la sensation d’avoir touché à une vérité importante qui au réveil échappe à nouveau, insaisissable et narquoise

Gloria Paris
novembre 2002

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Le fait que le personnage de cette pièce soit Eva Perón, ça n’a pas plus d’importance que le costume, c’est un élément théâtral en plus.

(…) c’est un peu l’histoire de quelqu’un qui est en train de mourir d’un cancer et qui n’accepte pas de mourir, parce qu’il a deux morts parallèles : sa mort à elle, et la mort qui devient mécanisme politique. Elle doit gagner les élections avec son propre cadavre. (…) elle préfère tuer quelqu’un, mourir seule et être enterrée ailleurs.

C’est fixé sur Eva Perón parce que c’est un peu son histoire. Mais je n’ai pas voulu faire une pièce sur Eva Perón ou contre le péronisme, parce que je suis plutôt péroniste… Et puis Eva Perón c’est quelqu’un de mort, je n’ai ni sympathie ni antipathie pour elle. C’est quelqu’un qui a vécu une vie bizarre, avoir un cancer et devoir mourir deux morts, c’est une chose bizarre, exemplaire même, non ?

(Le travestissement) pour Eva Perón, c’était un choix purement esthétique (…). Moi en l’écrivant je n’ai pas pensé à cela. (…) Au moment où Eva Perón avait son cancer, c’était un homme, c’était plus fort, et quand elle se souvenait de son passé c’était une femme. Ca donnait une dimension plus dramatique au personnage.

Pour la violence, oui, Eva Perón c’est très violent.

(avec Jean-Marie Amart in had n°13)

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Naissance d’Eva Duarte le 7 mai 1919 à Los Toldos.

En janvier 1935, âgée de 15 ans, elle quitte mère et sœurs et prend le train pour Buenos Aires pour devenir autre chose, c’est à dire comédienne. Elle se lance avec succès dans la carrière radiophonique en se liant à un auteur dont les idées préfiguraient celle du péronisme.

Elle avait une voix tout à la fois aiguë et cassée, douloureuse et candide. Une voix puérile, gauche, sans apprêt, une voix quelconque, semblable à celle de ses auditrices. Elle disait d’elle-même « au théâtre j’étais mauvaise, au cinéma je me suis pas trop mal débrouillée, mais si j’étais bonne à quelque chose, c’était à faire de la radio ».

C’est pour jouer un rôle dans un film que Evita est devenue blonde. L’or transfigurait cette brune d’une blancheur mate, lui conférant une pâleur étrange que sa future maladie rendrait surnaturelle. Etre blonde signifiait, et signifie encore, échapper à la malédiction du Sud. Elle répétait souvent en riant « je suis une brune repentie ».

Le 22 octobre 1945, âgée de vingt six ans, elle épouse Perón. Aux élection du 24 février 1946, Perón obtint 56% des votes. Le 7 mai 1952 elle célébra son anniversaire. Trente-trois ans. Elle pesait trente sept kilos, le 4 juin, lorsque Perón entama son deuxième mandat présidentiel. Le 4 juin était passé, elle pouvait entrer en agonie.

On l’installa dans une chambre assez éloignée, pour ne pas déranger Perón. Ses cris n’étaient pas supportables. On aménagea donc dans l’autre aile du palais, une petite chambre qui contenait le lit de l’infirmière et celui d’Evita : un lit d’hôpital tout en fer avec un couvre-lit blanc.

Le 26 juillet 1952 Eva Perón meurt. A partir de ce jour et jusqu’à la chute du régime, les informations du soir s’interrompaient pour permettre au présentateur de rappeler : « Il est vingt heures et vingt cinq minutes, l’heure où Eva Perón est entrée dans l’immortalité. »

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Le 9 août 1952 on plaça le cercueil d’Evita sur un affût à canon. Avec tous les honneurs, entourée d’une marée de fleurs, et des millions de spectateurs. Quelqu’un a dit que ces restes étaient plus politiques qu’humains. Au dire de Perón, Evita elle-même aurait manifesté son refus de « se consumer sous terre ». Le Dr Pedro Ara, superviseur de la momification de Lénine, l’embauma.

Le 16 septembre 1955 Perón fut renversé. Cette femme continuait à déranger. Elle avait été un scandale vivant et c’était à présent un scandale mort. A la prise du pouvoir du général Aramburu, Moori Koening, chef du service des renseignements, met au point « l’Opération Evasion  ». Il s’agissait en clair de prendre en main la dépouille explosive et de la faire disparaître en lieu sûr.

Il fallait souvent changer l’endroit pour semer les péronistes lancés à la recherche de leur Señora. Mais à chaque endroit, les fleurs et la bougie réapparaissaient comme par enchantement. Enfin elle fut placée dans une caisse de bois qui avait contenu du matériel radiophonique et portait l’inscription : « La Voix de Córdoba ».

Par décret, Aramburu ordonne à Koening de placer les restes dans la niche 275 de la section B du cimetière de Chacarita. Mais Moori Koening n’obéit pas aux ordres. Il garde Evita. Il la contemple. Il dira : « Je l’ai enterré debout parce que c’était un mâle ! »

Koening est destitué, deux militaires seront chargés de conduire la momie en Europe avec la collaboration d’un prêtre italien qui reviendra quelques semaines plus tard porteur d’une enveloppe contenant toutes précisions sur la destination finale de la dépouille. Mais le président Aramburu refusa de l’ouvrir. Il la confia à un notaire en lui demandant de la remettre, quatre semaine après sa mort, à celui qui serait alors le président de l’Argentine. En tant que « cadavre féminin », le pouvoir symbolique d’Evita restait intact.

En 1970 le notaire confia l’enveloppe au général Lanusse.

On trouva, dans cimetière de Milan, le corps momifié et mutilé d’une certaine Maria Maggi de Magistris, italienne, veuve, immigrée en Argentine, morte 5 ans avant avoir trouvé une sépulture en 1956. Perón garda le cadavre dans les combles de sa villa de Puerta de Hierro en Espagne. En 1973 il redevient président et meurt à Buenos Aires en 1974. Le 17 novembre 1974, sous la présidence d’Isabel (dernière femme de Perón) un vol charter amena Evita de Madrid à Buenos Aires.

Le 24 mars 1976 le général Videla renversa Isabel Perón inaugurant la dictature militaire.

Le 22 octobre 1976 Ermida et Blanca, les sœurs d’Eva, recevaient le cercueil et le déposaient dans le caveau de famille de la troisième sœur : Elisa. Elle n’a pas de tombeau à elle.

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J’ai trouvé dans cette pièce une profonde dérision et une baroque insolence. Je voudrais créer un contraste entre un espace épuré, une sorte de « limbes » sans rédemption possible et des personnages-pulsion sculptés dans leur frénésie.

Dans cet espace du rêve éveillé je voudrais continuer d’explorer un théâtre d'acteurs immédiat et irrésistible. Le corps de l’acteur est à lui seul le lieu théâtral, ce lieu de passage intouchable par qui nous pouvons renouer avec nos doux rêves ou nos cauchemars. Le surgissement du rire rend possible cet échange profond avec le monde.

Gloria Paris

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Informations pratiques

Théâtre Suresnes - Jean Vilar

16, place Stalingrad 92150 Suresnes

Accès handicapé (sous conditions) Bar Grand Paris Hauts-de-Seine Restaurant Vestiaire
  • Tram : Suresnes Longchamp à 2 km
  • Bus : Stalingrad à 18 m, Place de Stalingrad à 82 m, Stresemann à 191 m, Place de la Paix à 331 m, Les Mazurieres à 377 m
  • Transilien : Suresnes Mont Valérien à 2 km
  • Navette gratuite Paris - Suresnes : Une navette est mise à votre disposition (dans la limite des places disponibles) pour vous rendre aux représentations du Théâtre.

    Départ de cette navette 1h précise avant l’heure de la représentation (ex. : départ à 19h30 pour une représentation à 20h30), avenue Hoche (entre la rue de Tilsitt et la place Charles de Gaulle-Étoile), du côté des numéros pairs. À proximité de la gare Suresnes-Longchamp (Tram 2), la navette peut marquer un arrêt sur le boulevard Henri-Sellier (à l’arrêt des bus 144 et 244 (direction Rueil-Malmaison), 25 minutes environ avant la représentation. Faites signe au chauffeur.

    La navette repart pour Paris environ 10 minutes après la fin de la représentation, et dessert, à la demande, l’arrêt Suresnes-Longchamp, jusqu’à son terminus place Charles de Gaulle-Étoile.

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Plan d’accès

Théâtre Suresnes - Jean Vilar
16, place Stalingrad 92150 Suresnes
Spectacle terminé depuis le vendredi 19 mars 2004

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Spectacle terminé depuis le vendredi 19 mars 2004