Britannicus

Stéphane Braunschweig nous fait réentendre le texte de Racine, tissu d'intrigues entre professionnels de la politique. Avec Dominique Blanc.
Stéphane Braunschweig nous fait réentendre le texte de Racine, tissu d'intrigues entre professionnels de la politique, où liens de sang et soif de pouvoir s'entremêlent, dans une mise en scène minimaliste. Avec Dominique Blanc et Laurent Stocker.
  • Un tissu d’intrigues

Lire le passé à l’aune du présent, voilà sans doute ce que Stéphane Braunschweig sait faire mieux que quiconque : regard affûté qui renouvelle la lecture des textes pour nous les faire réentendre, respect absolu des mots et de l’auteur, vision de l’espace où se déploie le verbe.

Figure de proue du théâtre contemporain, il fait ses premiers pas de metteur en scène à la Comédie-Française avec Britannicus de Racine qu’on n’y a pas entendu depuis plus de 10 ans. Et de s’attaquer ainsi à un répertoire qu’il n’avait jamais encore abordé, celui de la tragédie classique française.

Mis en scène par Jean-Pierre Miquel en 1978, Jean-Luc Boutté en 1990 et Brigitte Jaques-Wajeman en 2004, Britannicus est un tissu d’intrigues entre professionnels de la politique. Leurs ambitions affichées sont étroitement mêlées à la sphère intime par les liens filiaux, par les haines ou les amours qu’ils se vouent. Racine choisit un épisode particulier de l’histoire romaine, ce moment où émerge un monstre, Néron, véritable héros d’une oeuvre qui porte en fait le nom de sa victime. C’est le récit d’une prise de pouvoir dont les ressorts sont contenus dans la personnalité du jeune empereur.

  • La presse

« [Dominique Blanc] l’actrice, virtuose de la nuance, joue ce monstre froid avec une douceur et un calme olympiens, sans jamais forcer la note. (...) Une mise en scène qui a les défauts de ses qualités, et inversement : intelligente, claire, moderne, elle se tient bien à distance des clichés de la cérémonie racinienne et de la grandiloquence tragique, mais elle est apparue un peu sage et lisse (...) » Fabienne Darge, Le Monde, 10 mai 2015

  • Entretien avec Stéphane Braunschweig

Anne-Françoise Benhamou : La mise en scène d’une pièce commence pour vous par une proposition scénographique. Contrairement à l’idée qu’on se fait souvent de la tragédie classique, vous n’avez pas voulu un lieu neutre, un « palais à volonté ».
Stéphane Braunschweig  : Un palais, c’est le décorum du pouvoir, ce qu’on en voit, alors que justement, le sujet de Britannicus, c’est tout ce qu’on ne voit pas. Je n’ai pas cherché à ce que l’espace soit vraiment réaliste, mais à ce qu’il puisse évoquer un lieu de pouvoir moderne, réel, où ont lieu des discussions auxquelles le peuple n’a pas accès et où se prennent des décisions. Ce dont parle la pièce, ce sont des enjeux politiques très concrets. J’ai pensé aux grandes tables de réunion à l’Élysée, à la Maison blanche ou au Kremlin...

A.-F. B.  : Lorsque la pièce commence, Néron a jusqu’ici été un empereur modèle. Racine a choisi d’interroger le moment où il dérape. Comment voyez-vous cette bascule ?
S. B. : Un élément très important dans le fait que Néron finit par « céder à sa pente », c’est le regard qu’on porte sur lui, le regard des autres personnages – Burrhus, Junie – mais aussi celui de Rome, qui est sans cesse évoqué. Comme dans Bérénice, bien régner, c’est avant tout chercher à être aimé, et de «  tout l’univers  »... Néron a été bon empereur pendant deux ans, il est aimé de son peuple, mais au moment où la pièce commence, cet amour est sans doute en train de faiblir  : car ce qui déclenche l’enlèvement de Junie, c’est ce qu’on dit à Rome d’un empereur sous la coupe de sa mère... L’enlèvement de Junie est d’abord un acte politique qui signifie à l’opinion publique qu’Agrippine n’est plus en grâce. Je veux montrer cette intrication étroite des données psychologiques et des données politiques.

A.-F. B.  : Votre perception de la pièce se démarque d’une tradition de lecture qui fait un enjeu central de l’amour frustré d’Agrippine pour Néron.
S. B. : On imagine souvent entre eux une relation fusionnelle, avec une mère possessive et un fils qui doit essayer de s’affranchir de cette tutelle. Je vois ça un peu autrement  : je pense qu’elle ne l’a jamais aimé, et qu’elle l’a toujours instrumentalisé pour avoir le pouvoir. La prophétie qui a été faite à la naissance de Néron selon laquelle son fils la tuerait revient à plusieurs reprises dans la pièce. Comme si Néron, depuis toujours, avait été un ennemi pour Agrippine... De son côté à lui, c’est peut-être l’impossibilité d’obtenir l’amour de sa mère qui se retourne en haine – ça se passe souvent comme ça chez Racine...

A.-F. B.  : Au début de la pièce, Britannicus et Junie sont utilisés par Agrippine contre Néron. Les victimes de la tragédie sont d’abord des pions sur un échiquier politique.
S. B.  : C’est le sentiment qu’on peut avoir si on suit le seul point de vue d’Agrippine. Mais ce ne sont pas des personnages faibles, ni passifs. On perd beaucoup de l’enjeu politique de la pièce si on ne prend pas très au sérieux ce que dit Burrhus  : que Britannicus peut être un danger pour Néron, que Néron a peut-être bien fait de le séparer de Junie, car à eux deux ils peuvent rassembler des alliés, reconfigurer une opposition plus forte. Ce qui les relie, c’est le ressentiment. Britannicus n’est pas résigné, comme on le voit parfois, mais il ocille entre fougue intrépide et profond scepticisme. Il est politiquement isolé depuis son bannissement du pouvoir et doute de trouver des soutiens face à un régime où il se sait étroitement surveillé, mais ça ne l’empêche pas d’attendre son moment. Quant à Junie, elle broie du noir, retranchée dans sa douleur. Il y a une dimension très sombre chez elle – en même temps qu’elle porte l’orgueil de sa lignée, celle d’Auguste. Même avant que la pièce ne commence, elle hait Néron : son frère s’est suicidé parce qu’il a épousé Octavie. Rien n’est digéré. Elle a un côté Électre...

A.-F. B.  : Comment comprendre la noirceur du rôle de Narcisse ?
S. B.  : En effet les personnages de Racine sont rarement tout blancs ou tout noirs, victimes ou bourreaux  : il y a souvent en eux beaucoup d’ambiguïté. Un personnage comme Burrhus, qui représente le sens de l’État, est aussi dans le compromis, voire la compromission. Narcisse, cet agent double qui envoie Britannicus à sa perte, semble a priori un traître absolu, un troisième couteau. Mais si on entre dans la pièce, on comprend qu’il a aussi un passé politique de premier plan : il est un des trois affranchis qui avaient confisqué le pouvoir du temps de Claude, l’empereur qui précéda Néron et dont le règne sert tout au long de repoussoir. Du point de vue de Narcisse, on peut aussi lire toute la pièce comme sa tentative de reconquête du pouvoir. Par l’influence sur Néron et l’élimination d’Agrippine, dont il est le grand ennemi.

A.-F. B. : Pourquoi avoir choisi de montrer une partie du dénouement que Racine situe hors scène ?
S. B. : Je trouve qu’il y a une sorte de folie dans cette fin de pièce : l’assassinat de Britannicus, que Néron perpètre dans des circonstances assez théâtrales, en faisant semblant d’organiser un banquet  ; le lynchage sanglant de Narcisse par le peuple au moment où Junie se réfugie dans le temple des Vestales  ; et la réaction égarée de Néron après cette fuite. Le public, qui a forcément entendu parler de Néron, sait depuis le début que ça va mal finir, mais juste avant ce dénouement, on voit des personnages qui s’engouffrent tout à coup dans un happy end délirant. Britannicus et Agrippine ne se méfient plus de rien, ils semblent dans un déni complet de tout ce qui s’est passé avant, et ils foncent dans le mur... Quant à celui qui devrait triompher, Narcisse, il part en courant dans la rue pour rattraper Junie qui l’a pris de court... Je ressens dans ce dernier acte une sorte de réalité délirante.

A.-F. B. : En quoi le respect de l’alexandrin vous importe-t-il ?
S. B.  : La syntaxe, les unités de sens, les inversions, les groupes de mots sont liés à l’alexandrin, à sa contrainte. Le vers implique de la concision, crée des résonances entre les mots. Je tiens beaucoup au respect de cette structure, mais je ne souhaite ni la magnifier, ni d’exalter. Je ne pense pas qu’une pièce de Racine soit une aventure du langage. Il y a de l’action, du réel. Les personnages ne s’expriment pas dans une langue quotidienne, mais ce dont ils parlent est concret et parfois même trivial – cette tension m’intéresse. Quand j’ai travaillé sur Andromaque avec des élèves, ce qui me plaisait c’est l’histoire de cette génération des fils et filles – Pyrrhus, Oreste, Hermione, Ériphile – qui essaie d’être à la hauteur de la précédente mais qui n’y arrive pas. Dans Iphigénie aussi, on a l’impression que les personnages font tout pour être à la hauteur de la réputation qu’Homère leur a faite, mais qu’ils ont du mal. Cette difficulté à être à la hauteur de soi-même me paraît fondamentale chez Racine – on le voit avec Néron... Et ça se joue aussi dans le rapport à la langue, cette langue magnifique par sa simplicité et sa transparence, plus royale que celle de Corneille ou de Molière  ; comme si par elle aussi ces personnages tentaient d’être à la hauteur. C’est pourquoi je trouve important de respecter l’unité de vers, les douze pieds, les rimes, mais sans en faire une langue d’apparat. Je souhaite qu’elle soit parlée concrètement, avec un certain naturel – si on en croit son fils, le « beau naturel », c’est aussi le jeu que préconisait Racine.

Stéphane Braunschweig, propos recueillis par Anne-Françoise Benhamou, au début des répétitions de Britannicus, mars 2016

Sélection d’avis du public

Très décevant Le 10 septembre 2018 à 23h27

Une mise en scène stupide : transposer le fratricide dans des bureaux ! Néron, en Businessman, banquier ou CEO... Racine n'y avait pas pensé, on se demande pourquoi. Quant aux acteurs, j'ai cru pendant les vingt premières minutes avoir affaire à une troupe d'amateurs tant leur froide sobriété était en décalage avec le texte. Junie est horripilante. Dominique Blanc en Agrippine n'est pas à sa place dans le rôle et ne trouve jamais le ton juste. Laurent Stocker parvient à convaincre dans ses moments de rage. Seuls Burrhus, Narcisse et Britannicus sont vrais. Heureusement, malgré tout, on redécouvre les vers de Racine et la force de ce chef d'oeuvre fait oublier la mise en scène et les acteurs. Ce gâchis m'a d'autant plus rendu furieux.

Par Joel C. - 24 juillet 2016 à 20h01

Beau spectacle, mise en scène épurée très réussie. Cependant, une déception certaine. Le phrasé de Dominique Blanc est souvent mal posé, parfois peu compréhensible. Et que penser de Georgia Scalliet qui déclame les alexandrins comme une élève de collège et qui est la plupart du temps inaudible? Merci à Laurent Stocker, remarquable comme toujours, de porter haut l'excellence de la Comédie Française.

Par BRIGITTEV - 24 juillet 2016 à 12h13

Brillant spectacle - Mise en scène intelligente -très épurée , - d'une grande sobriété - Cela permet de mettre en évidence toute la puissance du texte .

Exquis! Par Danny - 24 juillet 2016 à 08h23

Magnifique spectacle

Synthèse des avis du public

3,9 / 5

Pour 33 Notes

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Très décevant Le 10 septembre 2018 à 23h27

Une mise en scène stupide : transposer le fratricide dans des bureaux ! Néron, en Businessman, banquier ou CEO... Racine n'y avait pas pensé, on se demande pourquoi. Quant aux acteurs, j'ai cru pendant les vingt premières minutes avoir affaire à une troupe d'amateurs tant leur froide sobriété était en décalage avec le texte. Junie est horripilante. Dominique Blanc en Agrippine n'est pas à sa place dans le rôle et ne trouve jamais le ton juste. Laurent Stocker parvient à convaincre dans ses moments de rage. Seuls Burrhus, Narcisse et Britannicus sont vrais. Heureusement, malgré tout, on redécouvre les vers de Racine et la force de ce chef d'oeuvre fait oublier la mise en scène et les acteurs. Ce gâchis m'a d'autant plus rendu furieux.

Par Joel C. (1 avis) - 24 juillet 2016 à 20h01

Beau spectacle, mise en scène épurée très réussie. Cependant, une déception certaine. Le phrasé de Dominique Blanc est souvent mal posé, parfois peu compréhensible. Et que penser de Georgia Scalliet qui déclame les alexandrins comme une élève de collège et qui est la plupart du temps inaudible? Merci à Laurent Stocker, remarquable comme toujours, de porter haut l'excellence de la Comédie Française.

Par BRIGITTEV (4 avis) - 24 juillet 2016 à 12h13

Brillant spectacle - Mise en scène intelligente -très épurée , - d'une grande sobriété - Cela permet de mettre en évidence toute la puissance du texte .

Exquis! Par Danny (2 avis) - 24 juillet 2016 à 08h23

Magnifique spectacle

Un vrai regal! Par Emmanuel G. (1 avis) - 23 juillet 2016 à 13h12

Mise en scene moderne remarquable avec des comédiens brillants!

Brillant spectacle Par Constance P. (1 avis) - 20 juillet 2016 à 08h56

Parfaite mise en scene et jeu d acteurs..

Sobre, mais redoutablement efficace Par Marc D. (1 avis) - 17 juillet 2016 à 11h25

Cette pièce est d'une modernité et d'une actualité brûlantes. Coups bas, trahisons, renoncements... Toute la mise en scène se concentre sur la pièce, c'est ce qui lui donne encore plus de force.

Tres belle mise en scène Par Nelly B. (34 avis) - 2 juillet 2016 à 09h54

Une relecture de la pièce et une scénographie qui mettent en lumière les coulisses du pouvoir et ses jeux de dupe. Chacun joue ses pions et attend son heure... D'une incroyable actualité ! Les acteurs portent à merveille les vers de Racine et nous rendent le texte intelligible. Seul le phrasé de Dominique Blanc semble comme empesé par moments. Elle était plus à l'aise avec la langue de Choderlos de Laclos cet hiver... Cela vient peut être de la direction d'acteur? Un grand moment de théâtre quoi qu'il en soit.

britannicus Par Cecile R. (1 avis) - 29 juin 2016 à 10h21

Un beau spectacle, un verbe merveilleux, une très bonne troupe de comédiens, mais une Agrippine peut être trop froide et aux alexandrins trop récités.

britannicus Par Catherine P. (5 avis) - 26 juin 2016 à 23h13

La comédie française en ses oeuvres ... belle mise en scène aussi sobre qu'efficace à rendre actuel le classique

Britannicus Par Nathalie A. (4 avis) - 26 juin 2016 à 11h11

Du très haut niveau bien sûr avec une palette d'acteurs extraordinaires. Bravo au metteur en scène qui a réussi le pari du texte de racine dans un environnement du XXIème siècle. J'ai adoré !!

Par CHRISTOPHE R. (3 avis) - 26 juin 2016 à 10h29

Une mise en scène très réussie et d'excellents acteurs dans les rôles principaux rendent cette pièce, mis à part certaines répliques d'une autre époque, tout-à-fait actuelle.

Britannicus Par Dominique Genevieve R. (5 avis) - 26 juin 2016 à 10h28

Beaucoup trop ampoulé, les comédiens sont en décalé par rapport au texte pas d'émotion. C est terrible. D. Blanc est très en dessous de la cruauté nécessaire à Agrippine et L Stocker peu crédible en Néron pervers et amoureux. C est très très dommage. Seuls Burrus et Narcisse tirent le spectacle vers le haut. Un très bon point en revanche pour la mise en scène dépouillée et les costumes sobres. La pièce est un jeu de pouvoir et figurer une salle de conseil d'administration est une très bonne idée.

Pouvoir Le 21 juin 2016 à 23h03

Le pouvoir est au centre de cette pièce mais la mise en scène, en se limitant au texte de Racine, en donne une image très réductrice. Il est aussi symbole, apparat: les tenues des acteurs sont donc inadaptées. Burrhus en vieux conseiller chenu est loin de représenter le vieux soldat loyal et solide attendu. Même si le jeu des acteurs, notamment celui de Dominique Blanc, est sans reproche, il n'est pas toujours judicieux de faire à tout prix du "moderne".

Alison Par Alison D. (1 avis) - 16 juin 2016 à 12h26

Excellent! J'ai surtout apprecie Neron, mais tous les acteurs/actrices etaient a la hauteur. La mise en scene etait tres bien fait et j'ai trouve les derniers moments de la piece emouvants.

Informations pratiques

Comédie-Française - Salle Richelieu

Place Colette 75001 Paris

À l'italienne Accès handicapé (sous conditions) Librairie/boutique Palais Royal Salle climatisée
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  • Bus : Palais Royal - Comédie Française à 41 m, Palais Royal - Musée du Louvre à 83 m, Bibliothèque Nationale à 395 m
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Plan d’accès

Comédie-Française - Salle Richelieu
Place Colette 75001 Paris
Spectacle terminé depuis le samedi 23 juillet 2016

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