Box-office

Paris 6e
du 10 novembre 2010 au 9 janvier 2011
1h25

Box-office

Excellentes mise en scène et interprétation de la pièce de David Mamet livrant une vision drôle et vitriolée d'un monde du cinéma perpétuellement tiraillé entre ambition commerciale et idéal artistique.
  • L’âpreté de l’industrie du cinéma américain

Le célèbre dramaturge américain David Mamet a consacré une partie de son oeuvre théâtrale et cinématographique à l’étude satirique du comportement des hommes dans le monde des affaires. Dans Box-Office, nous sommes à Hollywood, plongés dans l’âpreté de l’industrie du cinéma américain.

A l’intérieur du bureau des studios, un grand producteur, Bobby Gould, et son associé Charlie Fox vont décider du film qui doit faire d’eux des hommes riches. L’arrivée de Karen, jeune intérimaire convaincue que le cinéma peut changer le monde, va engager un véritable combat entre les deux hommes : le charme et l’évidente pureté de la jeune femme réveillent en Bobby Gould les rêves de jeunesse d’un cinéma militant et humaniste. Charlie Fox, lui, est aveuglé par l’angoisse de l’inaccomplissement. Alors… ambition commerciale ou idéal artistique ? Une question devenue dérisoire, mais qui pourtant affectera leur vie entière.

Mamet dissèque avec un humour brûlant l’âme de ses personnages en les plaçant face à des circonstances qui les obligent à lutter pour justifier leurs choix, les renvoyant même à l’idée de la responsabilité divine. Mais la lutte est bien plus subtile que celle du bien et du mal… Tous les thèmes qui agitent leurs consciences de travailleurs hyper-productifs sont brassés : la vanité des relations humaines, la science de l’amitié, le sentiment d’abandon de l’homme coupé de Dieu, la notion de réussite immanquablement accouplée à celle de l’enrichissement… Sous des allures de comédie aux dialogues fulgurants, l’auteur mène une réflexion bouleversante sur le conflit qui oppose la raison, autrement dit l’argent, à l’art.

Dans cette synergie de mise en scène, la scénographie prend une place importante. Par exemple, dans le bureau de Bobby Gould, symbolisant les affres de la pièce que sont le pouvoir, le sexe et l’argent, trônent des masques de personnages de Mickey.

Alors que le noir final de la pièce fond le décor dans la pénombre, apparaît, subtilement éclairée, une sculpture de Nicolas Rubinstein* : un masque du personnage de Mickey fait d’ossements de crâne. Cette idée de Francis Lombrail supplée à la pensée profonde de Mamet en évoquant la fin d un monde, le symbole d’une puissance anéantie. Elle fait aussi référence à un passage de la pièce qui envisage un scénario d’irradiation de la planète. Un tableau drôle, nerveux et intelligent de la fragilité de l’homme face à ses convictions, qui laisse ses personnages désoeuvrés, aussi puissants que misérables.

* oeuvre exposée lors de la fameuse exposition «Vanités» au Musée Maillol.

Texte français Dominique Hollier.

  • Note d'intention de mise en scène

Le spectateur de Box-Office va, et devra, suivre le combat entre « idéal artistique » et « enjeu commercial » comme il assisterait, haletant, à la finale d’un match qui pourrait changer le cours de sa vie. Mais s’il y a bien un dénouement exaltant et une intrigue à couteaux tirés, il n’y aura pas de bonne réponse à l’arrivée. Chez David Mamet, génie du miroir de la contradiction de nos comportements, on ne doit pas savoir reconnaître si un homme est bon ou mauvais, précisément parce qu’il est vivant : il est torturé, divisé, hanté par la question de sa position dans le monde, par l’envie d’un bonheur simple, mais aussi par celle de prendre place à la table des grands. Chez cet auteur, les personnages sont des adultes occupant de très hauts postes dans le monde du travail, mais ils sont aussi des enfants terrifiés par la punition du destin qui peut décider de les priver de réussite. Et c’est toute la question de la pièce : qu’est-ce que la réussite ? Les signes extérieurs d’une ascension sociale parfaite : argent, niveau de vie, respectabilité ? Ou bien la capacité de peser d’une façon quasi métaphysique sur l’ordre établi, de tenter d’en modifier le sens au nom de l’éveil des consciences ? Et même au risque de perdre les marques superficielles mais palpables du succès ?...

Le titre original Speed-the-Plow, abréviation du proverbe paysan « God speed the plow », littéralement « Dieu Active la Charrue », indique à quel point David Mamet a imaginé, avec cette bataille des consciences à trois personnages, une parabole sur le sentiment de perdition des hommes lançant vers le ciel un appel à la fertilité, à la réussite… Avec ce titre, il donne aussi une indication précise sur une humanité reliée à plus grand qu’elle, se sentant à la fois abandonnée par le Père, mais nourrissant l’espoir de lui plaire et d’être entendue de lui. Cette dimension bien plus mystique que religieuse, cette peur de n’être qu’une marionnette manipulée par l’indicible, est indissociable de l’écriture de Mamet.

Mais Mamet est aussi ce célèbre dramaturge cinéphile qui se sert de la réalité pour illustrer ses paraboles : d’où son théâtre goûteux, excitant, tendu, vif, profondément spectaculaire dans sa forme dialoguée.

Sa langue est célèbre pour ses phrases hachées, commencées et jamais terminées, pour la parole coupée, pour la vitesse des répliques qui donne des personnages en action, remplis d’arrière-plans, rapides et pris en direct dans les chocs qu’ils reçoivent. Les mots sont ceux du quotidien mais ils sont nourris d’un souffle philosophique. C’est dans ce sens que Dominique Hollier a traduit le texte, conservant cette particularité si vivante dans la façon de dialoguer, préservant la vie organique des personnages, leurs hésitations, leurs borborygmes, leurs tics de langage, mais aussi les sauts irrationnels de leurs pensées, leurs fulgurances vers le mystique, leurs pauses quasi musicales, leurs chevauchements en duo ou en trio, leurs essoufflements, leurs silences aussi…

Dans la même idée, le choix des acteurs revient à chercher des interprètes qui sont à la fois dans la vie de ce langage du monde du travail, dans sa représentation physique assez évidente, donc dans le réalisme proposé par Mamet. Il convient surtout de travailler avec eux sur tout ce qui n’est pas dit, dans cette écriture parabolique qui doit les solliciter bien au-delà de leur savoir-faire…

Il y a chez Mamet une telle difficulté à saisir le degré de quête secrète des personnages, qu’en travaillant avec des acteurs qui comprennent sur quel souffle ils vont
devoir jouer pour rendre le mystère de leur personnage, on accomplit déjà un long chemin.

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Spectacle terminé depuis le dimanche 9 janvier 2011

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