99 jours, les troubles

Paris 1e
du 27 avril au 22 mai 2010
1h

99 jours, les troubles

Une épopée vigoureuse sur la rencontre du citoyen avec la solidarité d’où émergent parfois la trahison, la colère mais aussi le désir de fraternité, la confiance et la puissance de vie. Quelques notes, des rires, un accordéon, le plaisir de l’instant en partage…

Préambule
L’histoire d’une révolte et d’une victoire possible
Faits d’histoire
Note d’intention
Le propos du spectacle

  • Préambule

Un acte héroïque !

Au-delà du socle qu’elle représente, La Famille peut également faire naître l’engagement, le permettre ou encore en être le catalyseur. L’acte de courage dont ont fait preuve les boutonniers est un exemple d’une incroyable détermination. Lors de ce conflit, plus que jamais La Famille fut au centre des préoccupations. Celles des ouvriers : qu’allait-il advenir de leur métier, de leur savoirfaire ? Quel était l’avenir de leur région, mais avant tout qu’allaient-ils pouvoir offrir à leurs enfants ?

Par leur dévouement, ces ouvriers ont porté très haut le sens du mot « famille », au point que chaque femme, de chaque foyer, de chaque famille a décidé, avant que ne débute la révolte, de protéger ses enfants en les confiant à des parents, à des amis, loin de la région du conflit. Des trains ont été affrétés spécialement pour permettre à ces ouvriers d’offrir à leur progéniture de vivre sereinement le combat qu’allaient livrer leurs parents, dont leur mère, en tête de cortège.

Bien au-delà des opinions politiques de chacun, de son engagement syndical, cette image d’enfants « éloignés » du conflit suffit à faire résonner en nous la nécessité de rappeler que La Famille peut être également un puits d’énergie, un véritable moteur. Nous sommes fiers de faire résonner dans nos murs les mots de Jean- Baptiste Platel et de donner une couleur supplémentaire à notre thématique, une couleur « engagée ».

Lee Fou Messica & Ludovic Michel

  • L’histoire d’une révolte et d’une victoire possible

Le spectacle 99 Jours, les troubles ressemble à un cri rassembleur, inévitable. Du travail de la nacre naît l’histoire d’une révolte, d’une résistance, d’une victoire possible.

Il y a cent ans, dans l’Oise, ce cri a été entendu par la France entière et bien au-delà.

Une épopée vigoureuse sur la rencontre du citoyen avec la solidarité d’où émergent parfois la trahison, la colère mais aussi le désir de fraternité, la confiance et la puissance de vie. Quelques notes, des rires, un accordéon, le plaisir de l’instant en partage…

  • Faits d’histoire

Au début du vingtième siècle, le sud de l’Oise, à 50 km de Paris, se consacre à l’industrie de la nacre, la tabletterie et la boutonnerie. La tabletterie apparaît au dix-septième siècle dans la région de Méru. La proximité de Paris et une clientèle friande d’objets de luxe expliquent cette implantation. Le tabletier travaille principalement l’os, l’écaille, la nacre et les bois exotiques. Il fabrique des objets tels que les éventails, les dés, les dominos, les tables de jeux et les accessoires de toilette. Au début du vingtième siècle, la boutonnerie est devenue la principale activité d’une vingtaine de communes. La nacre utilisée pour la boutonnerie provient du Pacifique et de l’Océan Indien. Vers 1900, un nouveau coquillage est introduit : le troca.

« C’est que si la nacre franche coûte de 3 à 7 francs le kilo, le troca ne coûte que 50 à 70 centimes. La différence de prix est énorme et la différence de qualité n’est appréciable que par les connaisseurs… Que l’on songe aux bénéfices que procuraient les prix de vente du bouton de troca passant pour de la nacre ! » Jean-Baptiste Platel, 1909.

La productivité augmente et des fortunes naissent en peu de temps. Plus de 10 000 ouvriers travaillent le bouton et la concurrence bat son plein. Pour grossir leur marge malgré la concurrence, les patrons baissent les salaires de leurs ouvriers, parfois jusqu’au tiers. Le 3 mars 1909 le fabricant d’Andeville décide d’une nouvelle réduction de salaires : une grève se propage, le conflit embrase toute la région et ce mouvement de révolte durera 99 jours.

Cette grève aura un retentissement international. Rarement, en effet, une lutte ouvrière a atteint une telle dimension, une telle force, une telle unité, une telle dureté aussi dans sa répression. Des opérations militaires sont supervisées par le général Joffre et l’armée va jusqu’à occuper Méru. Les troubles de Méru font la une des journaux Le Petit Parisien, Le Petit Journal, Le Matin, L’Humanité, La Vie ouvrière, Le Journal. Au point de devenir l’un des symboles de la résistance face à Georges Clémenceau « le briseur de grèves ».

Après trois mois de lutte, des accords sont signés et certains grévistes condamnés. Jean-Baptiste Platel, leader syndicaliste, est condamné à 6 mois de prison pour faits de grève. « On entasse facilement 15 ouvriers là où raisonnablement on pourrait en mettre 8... A 35 ans, tous les ouvriers sont asthmatiques en raison de la poussière qu’ils respirent... » Jean-Baptiste Platel, 1909.

Les troubles de Méru de Jean-Baptiste Platel, est le récit de cette grande grève, également au coeur d’un ouvrage publié un siècle plus tard, Les Boutonneries oubliées : de Méru au Bas-Berry de Gérard Coulon.

  • Note d’intention

Le jardin de mon enfance est parsemé de coquillages exotiques irisés et perforés, des restes de boutons de nacre. Mon grand-père était boutonnier et ma grand-mère encarteuse. Lui fabriquait les boutons
et elle les cousait sur une petite carte en carton recouverte d’une feuille argentée. Un vrai trésor ! J’appris plus tard l’histoire de ma région, la tabletterie, la boutonnerie, le savoir-faire, la nacreoriginaire du bout du monde, l’artisanat d’art puis la mécanisation, la réduction des salaires, les grèves de 1909, les accords syndicats-patronat non tenus, les conflits, l’armée, les luttes, les blessés, les mères au combat, les enfants en exode, les mois de prison pour faits de grève…

« Comment ce joyau cueilli dans une île, au plus profond d’un océan de rève est venu ainsi par centaines s’échouer sur l’établi d’un artisan picard ? L’épopée possède ses moments de douleur et de gloire : la grève inoubliée de 1909, Milot, enfant de l’époque, la racontait avec l’accent de Hugo. » Claude Santelli, préface à La Nacre de Laurence Bonnet.

Et puis il y a eu cette rencontre avec le texte de Jean-Baptiste Platel avec toute sa force d’écriture dans le réel comme un écho à l’histoire actuelle. On pourrait croire qu’il évoque des destins d’aujourd’hui, Creyssenssac à Méru ou Continental à Clairoix, même s’il n’était alors pas encore autant question de mondialisation. En espérant que le singulier donnera lieu à l’universel, les personnages ou « les gens » de cette pièce sont les hommes d’aujourd’hui au combat, qui manifestent le même sentiment authentique de fierté mêlé à de la modestie, fierté du travail accompli accompagnée souvent du mépris pour ces hommes devenus insensibles à leur misère.

Quelle que soit la région, l’époque, le métier ils eurent et ont la grandeur de l’engagement. Ils partagent aussi des instants de fraternité, de joie d’être ensemble même si l’issue de la révolte est parfois violente. Avec fierté et courage, les femmes ont contribué à la lutte et ont gagné leur autonomie dans le conflit non sans peine, en envoyant par exemple leurs enfants en exode pour les protéger et pour combattre en tête du mouvement la plupart du temps. Elles ont mis en péril l’ordre social avec une ardente détermination.

Cette valorisation des événements nous semble importante, elle crée du lien entre les générations, elle rapproche les jeunes travailleurs d’hier et d’aujourd’hui, elle restitue la mémoire du travail de la nacre, elle met des mots sur la valeur du travail, la gestion et la place du conflit.

Catherine Lecor

  • Le propos du spectacle

Devant moi le texte de Jean-Baptiste Platel, 1909, les troubles de Méru : sa lecture m’a rassuré. C’est un texte engagé, dénonciateur notamment des conditions de travail des ouvriers, de leur salaire de misère, de l’enrichissement outrancier des patrons… Jean-Baptiste Platel est excessivement concerné et c’est une des grandes qualités de cette écriture. Il pousse à l’engagement, à la prise de position. En plus de son engagement il a eu le désir de transmettre, de nous transmettre et de nous pousser à notre tour à nous engager. De ma fenêtre, je vois la brique rouge des maisons voisines. Je choisis de sortir et mes pas m’emmènent vers la place du Jeu de Paume qui fut le théâtre de tant d’événements à Méru.

Je m’installe, j’écoute.

Trois personnages aux points de vue différents apparaissent tout d’abord, dans une urgence presque militaire, pour se faire entendre et puis d’autres encore, boutonniers, ouvrières, enfants, syndicalistes, patrons, hussards, préfet, grévistes.

Emergent alors colère, révolte, mais aussi confiance et puissance de vie. Les mouvements et les discours deviennent alors collectifs. Pourquoi se battre si ce n’est d’abord pour l’autre ! Ce combat a laissé des traces dans nos murs, dans nos vies. Le sang qui a marqué la rue coule encore aujourd’hui dans nos veines et dans nos têtes. Ça s’est passé il y a quelques années, quelques jours. Ça se passera demain.

Au-delà du travail de mémoire, nous tenterons, sur notre modeste plateau, de nous interroger sur notre propre rencontre avec la solidarité et la citoyenneté. Les problèmes évoqués restent très actuels : réduction de salaire, délocalisation, licenciement, pouvoir d’achat en berne. Face à cela, chacun doit se positionner : indifférence, soutien ou rejet. Plus largement c’est un positionnement en termes de responsabilité. Celle-là même que chacun d’entre nous a tendance à fuir ou à éviter, ou qui fait dire à quelqu’un que la politique ne l’intéresse pas. Celle-là même qui fait que le chaos social dans lequel nous vivons aujourd’hui nous propose le cri ou le mutisme. Mutisme engendré par le confortable, par l’individualisme. Celle-là même qui fait que l’on ignore le chômage de l’autre, que l’on accepte de passer près de quelqu’un qui ne va pas manger et qui va dormir dans la rue. Je pense que l’on doit être en mesure de répondre de ce qui est de sa responsabilité. Le théâtre aide à ça. À chaque instant, dans nos choix.

Il est de notre responsabilité de faire parler ce texte. Il correspond avec précision à tout ce qui nous inquiète, il met du verbe sur ce que nous avons envie de dire et aiguise notre théâtre, notre outil pour aider à partager. Au tout départ, il y a forcément une « affinité élective », une volonté d’éclairer le passé, ces grèves oubliées et de suivre une trace, de les revivre. Mais nous ne souhaitons pas servir un public à la recherche d’un passage de témoin et d’un message politique. C’est pour cela que ce spectacle a été pensé en région, sur les lieux mêmes où se sont passés ces événements, pour mieux entendre sa résonance et sa pertinence. La création a été faite « hors les murs » du théâtre, pour aller au plus près du public.

Nous avons choisi la proximité, quitté le siège confortable des théâtres pour la chaise des salles des fêtes, celle des réunions syndicalistes dans l’optique de recréer les conditions d’une écoute de spectateurs concernés ou surpris, militants ou non. Qu’un même comédien joue le syndicaliste, le préfet et le patron nous pousse dans nos retranchements de choix de mise en scène. Chaque geste devient identifiable et identitaire.

Tout est politique : le cigare, la fumée du cigare, les vêtements, le regard. Tout cela s’imposait à nous. C’est cela que nous avons fait, parler de ce qui s’imposait à nous, dans le souci d’être utile à l’autre.

William Herremy

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Spectacle terminé depuis le samedi 22 mai 2010

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