Rouge

Raconter, de l'intérieur, un groupe terroriste qui se forme.
Une bande, ses rites, ses codes, son fonctionnement autour d’une seule figure, le leader. Un groupe terroriste qui se crée, qui commence à faire parler de lui, qui peu à peu se radicalise, vers la violence la plus extrême, et puis sa chute. Dire l’idéologie, l’exaltation, la peur, le doute, la fuite en avant. La clandestinité. Se nourrir de groupes bien réels. Et puis inventer. Utiliser notre colère.
  • Note d'écriture

Le projet Rouge est un projet d’écriture auquel je pense depuis longtemps. Ecrire sur la violence, sur le terrorisme. Ecrire sur l’idée de groupe, de bande, avec ses rites, ses codes, son fonctionnement autour d’une seule figure, le leader.

Raconter ça, un groupe terroriste qui se crée, qui commence à faire parler de lui, qui peu à̀ peu se radicalise, vers la violence la plus extrême, et puis sa chute, l’arrestation de ses membres, la mort de quelques-uns d’entre eux. Raconter de l’intérieur. Dire l’idéologie. Le discours idéologique. Dire l’organisation. L’exaltation, la peur, le doute. Les tensions. Les égos qui s’affrontent. La clandestinité́. La fuite en avant. Inventer. Se nourrir de groupes bien réels, dans des années pas si lointaines, en Allemagne, en Italie ou bien en France. Et puis inventer. Intégrer au réel. A notre réel d’aujourd’hui.

Utiliser notre propre colère. Partir, oui, de ce qui nous révolte, encore et toujours, ce qui parfois nous fait nous iterroger : pourquoi cela n’explose pas ?

Ne pas s’interdire l’humour. Se moquer aussi. Décortiquer ces groupes comme des sectes avec le petit chef et les filles alentour. La concurrence, les jalousies. Moquer les discours, les grands mots. Moquer les groupuscules d’idéalistes qui se prennent à parler au nom du Peuple avec des trémolos dans la voix. Accumuler. Ecrire tout un matériau pour la scène. Pour ensuite bâtir, en compagnie de Maïanne, un spectacle. Rouge.

Emmanuel Darley

Projet présenté à la SACD Paris et primé dans le cadre de « Bis Repetita », organisé par le Centre national du Théâtre et la SACD.

  • Note d'intention

« - Si c'était à refaire tu le referais ?
- Oui, je referais tout parce que je pense qu'il faut tenter quelque chose, même si c'est dur. »
Véronique Flanet / Entretien avec Ilse Schwipper / La R.A.F, Vie quotidienne d'un groupe terroriste dans l'Allemagne des années 70.

La crise de 2008, catastrophe économique sans précédent depuis les années vingt, aura au moins eu le mérite d'exhiber aux yeux du monde l'irresponsabilité d'une élite bancaire ultra-fortunée.

L'élection présidentielle de 2012 en a été un reflet important, 8 des 10 candidats ont fait campagne explicitement contre la finance. Pourtant, malgré une indignation sociale quasi-généralisée face à une sphère financière qui privatise les profits et socialise les pertes, les règles du jeu sont restées les mêmes. Si on excepte les révolutions du monde arabe, aucun changement politique majeur n'a eu lieu ces cinq dernières années. L'indignation semble simplement avoir laissé la place à la résignation, donnant raison à Fukuyama et sa sinistre fin de l'Histoire.

Cette incompréhensible inaction - on sait aujourd'hui que le gouvernement précédent réunissait régulièrement ses collaborateurs pour leur demander pourquoi les gens ne descendaient pas par million dans la rue - est le " contrepoint de départ " du texte d'Emmanuel Darley : des femmes et des hommes qui ne peuvent plus supporter leur propre inertie face à un monde qu'ils jugent injuste.

Et qui décident d’agir- en commençant par des actions symboliques, bomber en rouge les distributeurs automatiques de billets - puis qui basculent dans un engrenage de violences.

C'est cette contradiction entre la nécessité d'agir au nom d'un idéal de justice, et les injustices qui en découlent que je veux raconter.

Dans un monde où les voies démocratiques nationales ne semblent pas efficaces pour changer de modèle, c'est cette tension entre une violence qu'ils ressentent comme nécessaire pour faire changer l'ordre des choses et l'incompatibilité de la violence avec les idéaux qu'ils défendent qui sera au cœur de la problématique du spectacle. A partir de quel moment l'action de ce groupe perd-elle sa légitimité ? A partir de quel moment, spectatrice de leur courage, je cesse d'être d'accord avec eux ?

Dans la ligne de certaines écritures contemporaines, à l'instar des pièces d'Anja Hilling, Emmanuel entremêle récit et flash-backs. Ce principe de narration, permet aux personnages eux-mêmes de prendre du recul sur leurs actions, de mettre en avant leurs contradictions, leurs regrets, de les creuser en direct, de confronter ce qui s'est passé avec le récit qu'ils tentent d'en faire.

Evitant l'écueil d'un enthousiasme romanesque pour ce groupe d'utopistes, le texte me touche d'abord parce que sans avoir la prétention d'y répondre, c'est avec humour, à travers la fiction, par l'action directe d'un groupe de jeunes gens qu'il questionne ce " Que faire ? " que quiconque a un peu de d'empathie et de conscience politique ne peut s'empêcher de se poser aujourd'hui.

L'écriture d'Emmanuel, c'est aussi la poésie avec laquelle la parole se construit, dans l'hésitation, le trouble, le choix des mots précis, dans le sensible, l'humain.

A l'occasion de la présentation d'une première étape de travail à Alfortville, j'ai voulu éclairer les extraits de Rouge que nous avions choisis, avec des textes et des chansons qui avaient circulé entre nous pendant les répétitions, et que nous avions jugé forts, émouvants. A l'occasion de cette invitation du Théâtre Studio, je trouvais pertinent de les donner à entendre. Et ces moments ont apporté bien plus que la simple respiration que j'attendais, parce que soudain, je voyais la réflexion des acteurs se mêler à celle de ce groupe que nous étions en train d'inventer, et nous lier intimement à lui, dans une écriture collective du spectacle. Loin de « déranger » le fil du récit, ils faisaient corps avec lui. Avec Emmanuel, nous avons imaginé qu'il serait possible de poursuivre ce principe et de laisser une place dans le spectacle pour ces « pièces rapportées », puisant dans l'actualité, dans un blog turc ou égyptien, dans le répertoire de Stupeflip ou de Ton Steine Sherben... pour ouvrir une fenêtre sur notre monde en mouvement.

Maïanne Barthès

La scénographie
J'ai envie d'un espace qui se fractionne au fil de l'histoire, reflet de l'engouement du collectif puis de la solitude de la clandestinité.

Ce lieu du début, du départ, le lieu du groupe : Le point de convergence de colères multiples, le lieu des décisions et des débats, de la parole collective, c'est celui du squat, une table comme ancrage, référent de la vie en communauté. Ce temps du début doit être reconvoqué au même titre que l'on reconvoque l'histoire. Les acteurs le composent et le recomposent comme on refait le monde. Fait de palettes, et de « ce que l'on a trouvé sur place », nous utiliserons des éléments propres au Théâtre, parce que c'est avant tout ce lieu-là que l'on « squatte » pour raconter cette histoire.

Puis viendra le temps de la clandestinité. Avec lui, l'espace se divise en autant de solitudes. Isolés sur le plateau, comme dans une chambre d'hôtel, un studio, un espace impersonnel que l'on occupe aussi longtemps que la mission l'exige, un bar clandestin où l'on reçoit des directives... Des espaces morcelés, découpés au couteau.

La musique
La musique d'Alain Feral viendra soutenir les moments de récit. Puissante, elle impose sa mélodie de manière sourde, entêtante, au rythme de l'action et des basculements. Elle a ce caractère presque cinématographique : elle arrive sans qu'on s'en aperçoive, et elle accompagne l'émotion sans la forcer.

  • Extraits

« Alors oui du rouge partout partout dans les banques là où s'amasse l'argent on balançait du rouge. On emplissait de rouge. On recouvrait de rouge. Comme une vague. Un tsunami. Un trop plein. Quelque chose d'un ras le bol impossible à contenir. Oui ou bien quelque chose d'une petite voix sourde minuscule disant non comme elle peut à l'autre là les autres au-dessus qui dirigent invisibles. Peinture oui rouge. Bombe laque peinture murale intérieure extérieure qu'importe acrylique ou bien. Peinture oui bombe avec le tac tac tac du geste secoué ou bien peinture liquide gluante collante comme tu sais la lave qui s'étale peu à peu menaçante. Sur les DAB dans les DAB dans toutes les fentes les trous les ouvertures des DAB et puis sur le clavier et puis sur les écrans sur les touches les contours sur les bandeaux lumineux au-dessus avec le nom si fier de la banque et sans doute derrière l'œil sournois de la caméra surveillance partout oui la peinture rouge pour empêcher masquer gêner. Dessus les DAB et puis oui dedans à force de rouge s'insinuer dans le mécanisme dans les rouages les logiciels et puis sur les billets tous les billets tous vos billets ce par quoi vous nous tenez-vous nous menez-vous nous faites croire rouges les billets collants collés masse informe et inutile de biftons désormais rouges odorants recouverts n'étant plus rien d'autres que des papiers rouges petits bouts de papiers que ne passent plus qui ne peuvent plus par la fente obscène de vos DAB s'extirper englués qu'ils sont dans le rouge.

Partout oui rouge dans les banques. Dans les DAB sur les DAB on l'a dit et puis sur les portes sur les murs les vitrines dans les sas sécurité des banques sur les caméras police planquées à vue de nez sur le sol sur les sièges dans les salles d'attentes des banquiers sur les ordinateurs les bureaux la paperasse rouge partout bombe voyez sentez à chaque guichet dans chaque agence pas une succursale négligée.

Et puis les employés. Ceux aux guichets oui paf d'un coup la bombe sortie sur eux sur leurs doigts sur leurs mains sur les costumes là qu'ils ont cravates ou tailleurs respectables chics et puis à même le visage sur ce sourire qu'ils ont pour dire oui et surtout non ça ne va pas non être possible vous ne pouvez pas non nous ne pouvons pas vous aider vous êtes bien trop paf la bombe paf le sac plastique empli de peinture bien liquide rouge jeté comme ça à bout portant sur la figure de celui-là de celle-là banquiers conseillers guichetiers c'est nous rouge nous n'aimons pas l'argent. On attendait dehors sans avoir l'air de rien. On guettait les fourgons les types dans leur fourgon venant récupérer l'argent tout l'argent déposé et ça pour l'emmener où pour faire profiter qui on attendait et puis tac on se lançait pour bomber bomber les camions transport sécurisés bomber les pare brises les portes blindées et puis les convoyeurs avec leur flingue paf pleine gueule comme oui des lacrimos mais rouge peinture. »

Vous avez vu ce spectacle ? Quel est votre avis ?

Note

Excellent

Très bon

Bon

Pas mal

Peut mieux faire

Ce champ est obligatoire
Ce champ est obligatoire

Vous pouvez consulter notre politique de modération

Informations pratiques

Théâtre-Studio à Alfortville

16, rue Marcelin Berthelot 94140 Alfortville

Accès handicapé (sous conditions) Bar Grand Paris Restaurant Val-de-Marne
  • Métro : Ecole Vétérinaire de Maisons-Alfort à 732 m
  • Bus : Général de Gaulle à 127 m
  • Voiture : périphérique Porte de Bercy / autoroute A4 direction Metz-Nancy sortie Alfortville.

Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Théâtre-Studio à Alfortville
16, rue Marcelin Berthelot 94140 Alfortville
Spectacle terminé depuis le samedi 31 janvier 2015

Pourraient aussi vous intéresser

Partenaire
- 44%
La Loi du marcheur

Théâtre de la Bastille

Oublie-moi

Théâtre Actuel La Bruyère

La réunification des deux Corées

Théâtre de la Porte Saint-Martin

Un Tramway nommé Désir

Théâtre des Bouffes Parisiens

Spectacle terminé depuis le samedi 31 janvier 2015