Paysage avec parents éloignés

Nanterre (92)
du 9 au 12 octobre 2004
2H00

Paysage avec parents éloignés

Spectacle en allemand surtitré en français. Pas de narration dans cet opéra, mais des tableaux en transformations incessantes, animés par les musiciens de l’Ensemble Modern de Francfort. Un maillage, construction d’images où passent en dansant soldats, derviches et courtisanes, qui parcourt cultures et époques et dialogue en toutes langues ; une toile dans laquelle se perdre, un spectacle qui dévoile ses secrets à qui sait observer le lointain.

Spectacle en allemand surtitré en français

Un tableau à facettes
Conversation entre Heiner Goebbels et Rainer Römer
Ensemble Modern

Pas de narration dans cet opéra, mais des tableaux - le titre choisi est une référence à Nicolas Poussin - en transformations incessantes, des Ménines de Velazquez à la Cène de Léonard de Vinci, animés par les musiciens de l’Ensemble Modern de Francfort.

Comme dans les précédents spectacles de Heiner Goebbels (Eislermaterial, Ou bien le débarquement désastreux...), cet opéra oscille entre théâtre et musique et tire sa force de la rencontre de textes, musiques, mouvements et images que le spectateur peut associer librement.

Paysage avec parents éloignés est un tableau à facettes, grave et gai, où s’entrechoquent et se croisent les compositions de Heiner Goebbels, les emprunts à Léonard de Vinci, les textes de Fénelon, Henri Michaux ou Michel Foucault. « Un jeu d’échanges où se trouvent aussi des éléments biographiques que l’on porte en soi et qui soudain font surface » (Heiner Goebbels).

Un maillage, construction d’images où passent en dansant soldats, derviches et courtisanes, qui parcourt cultures et époques et dialogue en toutes langues ; une toile dans laquelle se perdre, un spectacle qui dévoile ses secrets à qui sait observer le lointain. « Quand on vautre son œil sur un objet, on ne le voit plus. »

Haut de page

Rainer Römer : Comment t'est venue l'idée de cet opéra ?
Heiner Goebbels : C'est l'Ensemble Modern qui a pris l'initiative. Il y a trois ans, lors d'une discussion à Londres, vous avez exprimé votre intérêt de vous attaquer à un troisième travail scénique, après les expériences de Schwarz auf Weiss et Eislermaterial. Peu de temps après, j'ai reçu la commande d'un opéra par l'Association Européenne des Festivals, à l'occasion de son 50e anniversaire. Etant donné que cette création devait être réalisée au Grand Théâtre de Genève, qui n'a pas d'orchestre en propre, j'ai pu lier ces deux projets.

RR Auparavant, avais-tu déjà reçu des propositions en vue d'écrire un ouvrage lyrique ?
HG Oui, de la part de plusieurs opéras. Jusqu'alors, je ne les avais pas acceptées, car le monde de l'opéra a d'autres délais de préparation que le théâtre et il ne m'offre pas la flexibilité dont j'ai besoin pour que le travail puisse me surprendre. J'entends par là surtout la chance d'intégrer les participants - en l'occurrence les musiciens de l'Ensemble Modern - dans le processus, d'essayer des choses à l'avance, afin que le matériau scénique, la musique mais aussi les instrumentistes deviennent des partenaires créatifs. Habituellement, un théâtre lyrique n'offre pas de telles possibilités.

RR Quelles ont été tes premières réactions vis-à-vis du thème «opéra» ?
HG L'opéra m'intéresse comme forme la plus complexe de croisement entre tous les moyens du théâtre. En même temps, je m'en sens éloigné à cause de l'univers sonore relativement limité du chant lyrique occidental, même sous ses formes expérimentales. C'est une sorte d'artificialité à laquelle je n'ai jamais pu m'ouvrir. Il y a peu d'opéras que j'apprécie. Parmi eux, il faut citer Woyzeck, que je revois toujours volontiers. Mais c'est aussi à cause du traitement de la voix : dans cet opéra, Alban Berg a réussi à « composer » la langue de Büchner en se calquant sur les inflexions réelles de la voix et le rythme de la langue. Dans mon travail, je cherche plutôt à utiliser la musicalité de la langue parlée, à la découvrir, à la recomposer, à la rendre transparente. C'est pourquoi il y a aussi un comédien (David Bennent) qui joue un grand rôle dans mon opéra. En partie parce que je crois que l'opéra et le théâtre s'offrent un terrain esthétique important quand ils se positionnent par rapport à la langue parlée sans la (re)composer. Mais on chantera beaucoup aussi. Ce n'est pas facile : il s'agit d'écrire un opéra qui ne sonne pas comme un opéra. Le privilège de pouvoir réaliser la mise en scène moi-même - ce qui me donne bien des cheveux gris, évidemment - m'offre aussi la possibilité de passer sans cesse du rôle de compositeur à celui de metteur en scène et vice versa.

RR A ce propos, il me faut rendre compte d'une partie de notre travail : l'Ensemble Modern a eu la chance de travailler sur ton opéra pendant cinq jours en décembre 2001. Pour ce faire, nous sommes allés dans un lieu dans lequel il y avait une régie-son, un équipement d'éclairage, une costumière, un décorateur. Les paramètres d'ordinaire mis au service de l'opéra à la dernière minute étaient ici disponibles dès le début. Nous autres musiciens étions introduits dans la construction des scènes quasiment comme des « compléments ». Comment avais-tu planifié ce processus ?
HG Si je travaille dès le départ avec tous les paramètres, c'est pour la bonne raison que je n'aime pas hiérarchiser les ingrédients du théâtre. Que ce soit la lumière, la scénographie, les costumes, la sonorisation ou les accessoires, chaque élément théâtral qui est seulement «pensé» mais pas réellement « mis en scène » avec le reste ou qui ne l'est qu'à la fin de la période de répétition, ne peut qu'avoir un caractère illustratif. Moi, au contraire, j'aimerais laisser ouvertes les potentialités de tous les paramètres et avoir aussi la chance de « penser », de « trouver » une scène en partant du costume, ou de la lumière, ou encore du son. C'est une chose que je ne peux guère faire quand je travaille à la table. Il en allait ainsi de toutes mes productions théâtrales. J'ai toujours travaillé avec tous les éléments dès le début. C'est un luxe, certes, mais que je crois nécessaire à un bon travail scénique, et qui n'est généralement pas possible dans un théâtre de répertoire ou dans un opéra. D'abord parce que les studios de répétition ne sont pas équipés de manière adéquate. Mais aussi parce que le système du répertoire empêche un tel travail. Ce qui s'est passé au cours de nos répétitions, c'était un mélange de choses planifiées et d'improvisations. J'avais beaucoup d'images en tête.

RR Pourrais-tu les décrire ?
HG L'image peut-être la plus importante, c'est que, pour moi, l'Ensemble Modern n'est pas un orchestre que l'on doit enfouir dans la fosse. J'ai pour ambition de dépasser l'expérience que nous avons faite sur Schwarz auf Weiss. Ce qui était attractif dans ce spectacle, c'est que les membres de l'Ensemble en étaient les « performers ». Mais bien qu'acteurs, ils restaient toujours musiciens.
Maintenant j'aimerais, avec l'Ensemble, mettre en scène des images sans que les instruments revêtent une signification primordiale dans la combinaison de ces images. Il y est question de groupes sociaux sur un plan plus général: politique, privé, social. J'imagine une série de grandes et incessantes transformations. Les images que j'ai en tête m'ont été suggérées par un point de vue que j'ai appris à connaître grâce à la peinture paysagère, par exemple aux tableaux de Poussin qui ne sont pas focalisés sur une perspective centrale. Les motifs très éloignés n'y sont jamais traités comme des éléments sans importance aux contours flous, mais ils sont très détaillés, comme sur les photographies contemporaines d'Andreas Gursky, même le centre d'un tableau n'est pas toujours décidé d'avance pour le spectateur.
Pour travailler sur un opéra, cette perspective m'intéresse beaucoup. Ce regard que l'on assimile par l'observation d'un paysage ou par la peinture paysagère, Gertrude Stein a essayé de le transcrire dans le domaine du théâtre et de la littérature sous l'intitulé de Landscape Plays. Sa manière d'écrire a quelque chose de cet éloignement invariable dont l'auditeur ou le lecteur tire ensuite lui-même «son» texte. C'est un récit non narratif, souvent sans commencement ni fin. Voilà ce que j'aimerais transposer dans le domaine du théâtre musical. C'est pourquoi j'ai en tête des images suggérées par des peintures, des tableaux de groupes, de vie publique, de constellations sociales de différents siècles : une société rococo, une assemblée médiévale avec un orgue, une tablée, des images d'autres cultures telles que des derviches tourneurs ou une soirée de hillbilly américain. En décembre, j'ai essayé de « construire » ces images. Mais parfois, c'était aussi un jeu d'échange très spontané entre des propositions de costumes, des idées de lumières, des improvisations musicales, et un système de signes qui s'est constitué au gré de mon travail sur cette pièce. Bien sûr, il s'y trouve aussi des images biographiques que l'on porte en soi et qui soudain refont surface.

RR A propos de musique: lors de ces répétitions, il n'y avait aucune esquisse musicale, sans parler d'une partition. Or nous avons joué tout le temps. Que s'est-il passé là, de ton point de vue ?
HG
Au moment de ces premières répétitions, j'avais relativement peu d'attentes musicales. Pour moi, il s'agissait plutôt de «faux texte», destiné à remplir les blancs. Toutefois, des choses se sont constituées en décembre qui m'ont surpris et stimulé.

RR D'où vient le titre Paysage avec parents éloignés ?
HG
Cela pourrait presque être un titre de tableau classique. A l'instar, par exemple, des peintures de Poussin dont j'ai parlé : elles s'appellent Paysage avec un homme tué par un serpent ou Paysage orageux avec Pyrame et Thisbé, etc. Le titre vaut aussi pour sa ressemblance avec les tableaux que nous ne pouvons voir qu'avec le recul nécessaire, quand nous voulons reconnaître la structure d'ensemble de ce que nous connaissons déjà. Heiner Müller a dit un jour : « Quand on vautre son œil sur un objet, on ne le voit pas ». Voilà pourquoi il n'y a pas que l'éloignement qui se cache dans le titre : la perspective des arts plastiques est constamment présente dans mon travail. Dans cette oeuvre, il y a toute une série de descriptions de tableaux et le livret relève soit directement des artistes, soit du monde de la peinture : il comprend des textes de Leonardo da Vinci, Poussin, Gertrude Stein, T.S. Eliot, Fénelon. Il y a aussi beaucoup de textes de l'écrivain et peintre français Henri Michaux, ainsi que des thèses de Giordano Bruno à propos « de la cause, du principe et de l'unité ».

RR Depuis 1999, tu es professeur de dramaturgie appliquée à Giessen. Est-ce que cela a changé quelque chose dans la perspective de ton travail ?
HG
En premier lieu, cet enseignement m'oblige à réduite mes activités artistiques, ce qui accroît encore le recul par rapport à mon travail. Je trouve cela tout à fait productif. On est aussi confronté aux opinions très diverses des étudiants. Mon activité à Giessen consiste aussi à refléter de façon toujours renouvelée les moyens théâtraux. Et ceux-ci doivent trouver leur juste place d'un point de vue esthétique dans un nouvel opéra. Mais j'aimerais bien te retourner la question : comment vous êtes-vous vraiment senti dans le processus de répétition ? Car, à la différence de tous nos essais scéniques précédents, j'ai exigé de vous une importante métamorphose. En tant que membre de l'Ensemble Modern, peut-être pourrais-tu en dire quelques mots ?

RR A travers nos travaux communs et notre connaissance de ta musique, on développe un vocabulaire aidant à la compréhension mutuelle, par lequel on se livre à certains processus avec une plus grande confiance. Même dans les moments critiques, on est prêt à se plonger dans le travail et on ose développer des choses sur le plan du jeu. Il était aussi intéressant de voir que la moitié d'entre nous qui connaît tes habitudes de travail - entre-temps, nous avons intégré de nouveaux membres - pouvait faire en sorte d'emmener l'autre moitié avec elle, de jouer, déguisés et maquillés, une pièce d'ensemble sur la scène, et que cela ne posait pas de véritable problème.
HG C'est ce qu'il y a de beau dans un collectif - il faut le dire sans le moindre sentimentalisme.
RR C'est aussi ce qu'il y a de dangereux dans un collectif.
HG .... mais la scène est moins menacée de dangers que la vraie vie.

RR On le dit. Comment se sent-on, lorsqu'on atteint ses 50 ans ?
HG Ah, si je ne devais pas écrire un opéra, je serais complètement détendu. Je ne suis pas malheureux à cause de mon âge. Après avoir fait diverses expériences, on devient plus calme dans certaines circonstances. « History does repeat itself », comme le dit Gertrude Stein. D’un point de vue politique, voilà qui sonne de manière défaitiste, mais voilà qui aide l’individu dans sa vie quotidienne. C’est aussi de cela qu’il s’agira, dans cet opéra.

* Rainer Römer est percussionniste, membre de l’Ensemble Modern

Extrait du programme de Paysage avec parents éloignés,
Grand Théâtre de Genève, octobre 2002

Haut de page

Créé en 1980, l'Ensemble Modern constitue en Allemagne une des toutes premières formations de solistes professionnels. L’Ensemble Modern n’a pas de directeur artistique, ni de chef permanent. On y décide ensemble des projets de programmes, des chefs d’orchestre et d’éventuels solistes invités. Composé de 18 musiciens, cet ensemble est aujourd'hui parmi les plus sollicités pour interpréter la musique du 20ème siècle. Il se produit régulièrement à le Alte Oper de Francfort, à la Philharmonie de Berlin et au Konzerthaus de Vienne.

Sa gamme stylistique va des classiques de la musique contemporaine (Schoenberg, Stockhausen, Cage) aux nouvelles tendances de la composition sans oublier des compositeurs tels que Steve Reich, Michael Gordon, Ornette Coleman ou Frank Zappa.

Etabli à Francfort depuis 1985, l'Ensemble Modern est financé par la ville de Francfort, mais fonctionne essentiellement grâce au mécénat privé et aux recettes propres qui représentent 80% de son budget. Il repose sur des structures de fonctionnement autonomes, les musiciens endossant collectivement la responsabilité des projets, des orientations artistiques et assumant les risques financiers inhérents à la commercialisation.

Haut de page

Sélection d’avis du public

Paysage avec parents éloignés Le 11 octobre 2004 à 09h53

Proprement imbitable ! je me suis ennuyé ferme ! A la fin du spectacle, ce fut un tonnerre d'applaudissements : quelque chose a du m'échapper ! depuis je cherche à comprendre ... Seul bon souvenir : la jeune femme qui a tenté de me convertir au guichet ..

Vous avez vu ce spectacle ? Quel est votre avis ?

Note

Excellent

Très bon

Bon

Pas mal

Peut mieux faire

Ce champ est obligatoire
Ce champ est obligatoire

Vous pouvez consulter notre politique de modération

Paysage avec parents éloignés Le 11 octobre 2004 à 09h53

Proprement imbitable ! je me suis ennuyé ferme ! A la fin du spectacle, ce fut un tonnerre d'applaudissements : quelque chose a du m'échapper ! depuis je cherche à comprendre ... Seul bon souvenir : la jeune femme qui a tenté de me convertir au guichet ..

Informations pratiques

Nanterre - Amandiers

7, av. Pablo Picasso 92000 Nanterre

Accès handicapé (sous conditions) Bar Grand Paris Hauts-de-Seine Librairie/boutique Restaurant Vestiaire
  • RER : Nanterre Préfecture à 773 m
  • Bus : Théâtre des Amandiers à 7 m, Joliot-Curie - Courbevoie à 132 m, Liberté à 203 m, Balzac - Zola à 278 m
  • Voiture : Accès par la RN 13, place de la Boule, puis itinéraire fléché.
    Accès par la A 86, direction La Défense, sortie Nanterre Centre, puis itinéraire fléché.
    Depuis Paris Porte Maillot, prendre l'avenue Charles-de-Gaulle jusqu'au pont de Neuilly, après le pont, prendre à droite le boulevard circulaire direction Nanterre, suivre Nanterre Centre, puis itinéraire fléché.

Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Nanterre - Amandiers
7, av. Pablo Picasso 92000 Nanterre
Spectacle terminé depuis le mardi 12 octobre 2004

Pourraient aussi vous intéresser

Spectacle terminé depuis le mardi 12 octobre 2004