Les objets sont-ils ?

du 8 au 9 février 2002

Les objets sont-ils ?

CLASSIQUE Terminé

“ Nous vous proposons de faire se rencontrer deux modes spécifiques du spectacle vivant que nous appellerons, faute de mieux, le théâtre clownesque et le théâtre d'image ” Stéphanie Richard et Jean-François Maurier.

Les objets sont-ils, qu’est-ce à dire ?
Scénario
Intentions de mise en scène et réflexions diverses

Les objets sont-ils, qu’est-ce à dire ?

Nous nous proposons de faire se rencontrer deux modes spécifiques du spectacle vivant que nous appellerons, faute de mieux, le théâtre clownesque et le théâtre d’images. Point d’œcuménisme béat de notre part ; nous partons de la constatation qu’à y regarder de plus près, plusieurs éléments contribuent à rapprocher ces deux formes de manière insistante.

Le rapport au texte tout d’abord, car il est clair que dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas le texte qui génère la théâtralité. Le rapport à l’objet ensuite, que clowns et manipulateurs utilisent et poétisent, le clown ayant un rapport plutôt chaotique à l’objet quand le manipulateur s’efface et le magnifie.

Enfin et surtout parce que clowns et manipulateurs possédant la faculté de s’échapper des carcans du quotidien ainsi que celle de musarder hors des sentiers battus du théâtre, il y a de part et d’autre un goût prononcé pour la poésie, l’humour, la rêverie, l’absurde, l’incongru, le déraisonnable, le franc délire et la déconnade, que nous comptons bien entretenir.

Stéphanie Richard, Jean-François Maurier

Scénario

L’espace imaginé par Jean-Pierre Larroche est composé d’une structure métallique autoporteuse à géométrie variable. Sous la structure se trouve une longue table de conférence recouverte d’un gazon vert, montée sur un châssis de landau, donc très instable. Cette structure est biscornue.

Séquence 1
Entrée du 1er personnage, nous l’appellerons 1. C’est un homme. Comme tous les autres personnages par la suite, il porte sur le visage un nez bleu et à la main un dossier. Il apparaît immédiatement que 1 éprouve un problème à structurer son langage, sa pensée et ses gestes. De son discours confus et intranscriptible, il ressort qu’il s’excuse du retard de ses collègues et remercie le public d’être parmi lui.

Séquence 2
Entrée du 2e personnage. 2 est une femme coiffée d’une casquette à rabats qui la rapproche de l’épagneul breton. Fréquemment d’ailleurs au cours du spectacle, sous le poids d’une grande émotion, contrariété ou joie, 2 émettra un aboiement bref et puissant qui surprendra ses partenaires..2 entame immédiatement sa conférence. Elle nous parle du 1er objet auquel elle-même a été confrontée, à savoir la " teuteute ". 2 est une intellectuelle, 2 est une poète, 2 disjoncte facilement.

Séquence 3
Entrée de 3. 3 est une femme tout en longueur. Elle se déplace en ondulations, mi-danse mi-n’importe quoi, semble afficher en permanence une joie et une bonne humeur un tantinet plaquées. Sera pourtant capable de brusques coups de colère et de retours tout aussi brusques à la béatitude. 3 n’est pas très loin du ridicule. D’emblée, elle prend les choses en main d’une manière énergique et joviale.

Séquence 4
Entrée intempestive de 4. 4 est un homme, ses mouvements sont saccadés, sa démarche nerveuse, il déborde d’énergie, il nous fatigue déjà. Sa parole est limitée, son mode d’expression est le bruitage, l’onomatopée et une pantomime relativement imagée. A la seule vue du gazon, 4 entreprend, en un tour de main, l’évocation de nos campagnes profondes, ce qui donne approximativement : " brrr, meuh, bêêê, pioupiou, ouah ouah ! " 2 aboie, 1 s’excuse.

Séquence 5
Sortie de 5 de dessous la table. 5 est une femme. Elle semble avoir en permanence un train de retard sur les autres et la plus grande difficulté à appréhender les événements. C’est pourtant elle qui, tout au long du spectacle, introduira par ses questionnements insolites les recherches de l’équipe. Elle sort, le nez dans le gazon, y voit d’ailleurs du cresson et claironne en brûlant la politesse à ses partenaires : " les objets ! "

Séquence 6
Changement brusque d’éclairage, départ en bande-son d’un chœur résolument grandiloquent, play-back des personnages, descente des cintres d’une cocotte-minute très star. Cette séquence est pensée comme une sorte de générique, une entrée dans le vif du sujet.

Séquence 7
Retour à la lumière précédente. Chacun se présente au public. Nous avons donc Bruce, docteur en choses ; Berthe, ragouilleuse de bougnasse ; Liliane, présidente de l’association française des Femmes dépendantes aux objets tout le temps, enfin souvent ; Marie-Louise, gaveuse en cruches de terre du Lot ; et l’heureux propriétaire de la quincaillerie Bouchard & fils à Pouillon-sur-Blèze, dans le Calvados.
Puis 5 pose la première question : " Qu’est-ce qu’un objet ? ", ce qui la plonge ainsi que ses partenaires dans des abîmes de perplexité. Le débat s’engage néanmoins. Il est envisagé comme une chorégraphie sonore, où se mélangent prises de bec, démonstrations dans le vide, désaccords, station debout, silences pesants, station assise, inclinaison suspecte de la table, le tout allant vers un crescendo de confusion.

Séquence 8
Berthe interrompt brutalement le débat en posant une cocotte devant elle. Marie-Louise l’ouvre, une épaisse fumée s’en échappe. Pendant ce temps, les autres vont chercher divers contenants qu’ils déposent sur la table.
Tous ensemble, concentrés, ils se penchent, et d’un geste délicat, chacun tire un fil qu’il dévide en silence. Des objets sortent (outils et plomberie), qui viennent tour à tour se suspendre au-dessus de la table en tournant sur eux-mêmes. On s’aperçoit qu’ils forment les lettres du mot objet. Les cinq entament doucement une musique de manège forain, puis ils sortent

Séquences suivantes
Seront traitées avec grâce, acuité et rigueur, ces différentes questions : Objets et structure narrative,quel parcours ?
Y a-t-il un objet plus qu’un autre ?
Les objets sont-ils de l’art ?
L’objet libère-t-il la femme ?
L’objet s’émeut-il ?
De l’homme ou de l’objet qui a le dernier mot ?
L’objet est-il un paradigme relatif ?
Pourquoi les objets sont-ils si durs parfois ?
De l’objet à nous, n’y a-t-il qu’un pas ou plus ?
Peut-on dire que l’on est seul avec un objet ?
Objets, que feriez-vous sans nous ?

Intentions de mise en scène et réflexions diverses

Dans ce type de projet, mise en scène et écriture sont imbriquées. Nous sommes ici nos propres auteurs, nous écrivons debout.

Il n’empêche que les questions de mise en scène, sur les choix dramaturgiques, les intentions de jeu, les personnages, le rythme, se posent.

D’abord la question des clowns et, à travers eux, celle du rire. Si nous avons choisi de placer des clowns au centre du projet, c’est parce qu’ils nous semblent les plus à même de poser un regard neuf sur le monde des objets, et parce que nous aimons le rire qu’ils proposent, un rire que, osons le dire, nous voulons subtil et intelligent.

A ces clowns, il sera donc demandé beaucoup. D’être capable d’inventions, de ruptures brutales, de propositions absurdes, de conclusions inattendues. Capables de mener un train d’enfer sans pour autant nous étourdir. Capables de s’effacer derrière les objets.

Il leur faudra être des poètes en action.

La question de la dramaturgie ensuite. Il s’agit d’une histoire somme toute très simple : 5 personnages viennent faire une conférence sur les objets, ils s’interrogent à haute voix et répondent à leur manière. C’est évidemment dans la manière de poser les questions et d’y répondre que se crée le décalage.

Sont abordés les problèmes de la définition même des objets, des hiérarchies subjectives que nous installons entre eux, des liens conflictuels ou affectifs que nous entretenons avec eux, de leur rapport avec la littérature, avec les arts plastiques, avec la musique. Problèmes de leur utilité, de leur autonomie, de leur vie secrète, de leurs sentiments supposés. Il y a aussi des moments totalement gratuits et saugrenus.

Certaines séquences sont fortement inspirées d’expériences artistiques antérieures, jeux surréalistes, sculptures à la Tinguely, combats à la Grok, associations poétiques à la Tati. A la fin du spectacle, nous laisserons les objets se débrouiller tout seuls et nous leur abandonnerons le plateau.

L’image finale est une mise en mouvement autonome d’une machine fabriquée à partir des objets du spectacle. Nous avons tenu à ce que les objets qui participent à notre aventure viennent d’univers très différents. Ils peuvent être très rudimentaires ou sophistiqués, inutiles, voire hors d’usage ou indéfinissables, le principal c’est qu’ils nous inspirent.

Les Objets sont-ils ? est un OTNI (objet théâtral non identifié) revendiqué.

Jean-François Maurier

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Spectacle terminé depuis le samedi 9 février 2002

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