Les Clowns

Il y a ceux qui les aiment avec fureur, ceux les détestent et ceux qui en ont peur. Rencontre de trois grands clowns de la scène contemporaine, en présence de l'auteur François Cervantes : Arletti, angélique et enfantine, Boudu, ogre méchant et Zig, chien beckettien. À découvrir en famille dès 11 ans ! Dans le cadre de Paris Quartier d'Eté.

A voir en famille à partir de 11 ans. Dans le cadre de Paris Quartier d'Eté.

  • Rencontre de trois clowns

Arletti, Zig et Boudu, trois clowns qui apparaissent sur les scènes de théâtre, se rencontrent en présence de l’auteur François Cervantes. Le clown est un personnage de théâtre qui a un statut particulier : il apparaît sur la scène sans appartenir à une histoire. Ce qui remplace l’histoire, c’est la rencontre.

L’histoire est un ordre apparent qui cache la réalité de la vie. La vie n’est pas une histoire. Ce spectacle est un nouveau chapitre de la vie de ces personnages. Le Boudu vit dans une grotte. Zig et Arletti lui rendent visite. Ils font connaissance, échangent quelques caresses et quelques coups et ils ouvrent une bouteille. Ils descendent en ville et entrent dans un entrepôt désert. Zig découvre un litre de lait dans un frigidaire. Il adore le lait, mais ça l’endort : ce moment de délice se transforme en cauchemar... Ils s’en vont au théâtre : Arletti adore les théâtres. Elle trouve le texte du Roi Lear, ils appellent les régisseurs et jouent la pièce.

Par la compagnie L’Entreprise.

  • Entretien avec François Cervantes

Comment avez-vous eu l’idée de réunir ces trois clowns ?
Deux étaient déjà réunis puisque nous travaillons ensemble, Arletti, Zig et moi, depuis vingt ans. Le troisième, Bonaventure Gacon, avait été notre élève au Centre national des arts du cirque. La réunion était évidente. C’était l’envie de créer une confrontation entre des univers forts mais très différents. À l’origine, ce devait être une rencontre éphémère pour un projet d’un soir. On a vraiment travaillé très vite : j’ai écrit le texte à toute allure, on a répété une semaine, le soir où nous avons joué les comédiens avaient des oreillettes et je leur soufflais le texte en régie parce qu’ils n’avaient pas eu le temps de l’apprendre. On avait l’idée de travailler sur le choc et les étincelles que devaient produire en se cognant ces trois univers. Et puis, on a trouvé qu’il y avait quelque chose à poursuivre, que la rencontre pouvait aller un peu plus loin.

Comment avez-vous agencé la rencontre de ces trois univers ?
J’avais l’impression de ressentir intensément la zone intérieure où chacun se trouvait. Alors, je suis parti de leurs univers. Je ne voulais pas intervenir sur le monde propre à chacun qui était déjà très construit mais orchestrer plutôt l’espace et le texte où la rencontre de ces mondes aurait lieu. Boudu, c’est la grotte où il se terre. Zig appartient plus à l’espace des rêves, il a quelque chose de très lunaire. Arletti est beaucoup plus liée à l’esthétique du théâtre. Le mouvement du spectacle, c’est d’aller chercher Boudu dans sa grotte, de l’entrainer sur une sorte de terrain vague, de lieu vide et onirique et puis de finir dans le théâtre. S’il y a une ligne de force dans ce spectacle, c’est l’amour persistant du théâtre, la volonté d’accueillir dans le théâtre tout ce qui peut venir de l’extérieur.

Le théâtre a besoin de s’ouvrir ?
Oui, il a besoin d’être ventilé, bousculé, plus ouvert qu’il ne l’est. Il a intérêt à accueillir les arts voisins et à être dérangé par eux. La rencontre du clown et de Shakespeare que nous mettons en scène, c’est bien une rencontre de l’autre, de l’étranger, l’intrusion d’un ailleurs. Mais c’est aussi une façon de dire à quel point il est agréable, jubilatoire, d’être dérangé, perturbé, désorienté.

D’un autre côté, on n’a pas l’impression en voyant Les clowns qu’ils font tache dans Le Roi Lear.
D’abord, il y a toujours eu des clowns ou des bouffons dans le monde de Shakespeare, et puis la pièce parle de thèmes qui sont finalement très proches du travail du clown, des questions qui servent au clown à construire son propre monde : la transmission par exemple, la filiation, la filiation à l’intérieur de la famille mais aussi une filiation plus vaste, plus poétique. Ou bien le rapport à la nature, la jonction avec la nature, l’insertion de l’individu dans l’immensité des éléments. Et cette autre question encore cruciale de l’âge et du vieillissement…

Comment avez-vous travaillé sur le texte de Shakespeare ?
Je l’ai adapté comme j’aurais traduit un texte d’une langue dans une autre, une langue plus concise et pas uniquement faite de mots. Il me paraissait évident que Catherine (Germain) serait King Lear. Il me paraissait aussi évident de ne garder que deux filles sur les trois et de fondre les deux filles ainées, qui trahissent leur père, en une seule. Boudu serait la plus jeune des filles, Cordelia, celle qui est la plus brutale et en même temps la plus fidèle à son père. Ensuite, il s’agissait d’être fidèle aussi au texte, jouer ce qui pouvait l’être et trouver les moyens de faire passer le reste. Les complots, par exemple, il fallait les couper mais on pouvait les réintégrer dans un mot ou dans un autre. Trois pages peuvent être résumées en deux phrases. Les scènes de tempête ou de combats deviennent plus symboliques, c’est le combat des clowns avec leur propre texte. Je voulais aussi garder l’espace du commentaire. On a commencé à travailler à la table, et je voulais que Les clowns garde trace de ces moments où l’on se dit : j’ai compris, j’ai pas compris, je ressens ça ou ça. Je voulais voir la mécanique du théâtre sur scène, alors j’ai écrit toute une série de commentaire sur King Lear que j’ai intégré à la pièce.

Les clowns au départ c’était une représentation unique fondée sur la jubilation de la rencontre. Tenez-vous à conserver ce sentiment de plaisir, de découverte, de première fois ?
Oui, cette forme brutale, volcanique, est essentielle au spectacle. Entre les représentations, chacun retourne à ses autres activités, et chaque fois qu’on joue Les clowns on essaie de mettre en scène nos retrouvailles, de tenir compte du temps qui est passé. Bonaventure me disait récemment qu’il avait compris que dire un texte et faire un salto arrière ce n’était pas si différent, qu’aborder la langue et aborder une figure acrobatique pouvaient se ressembler, qu’il s’était rendu compte qu’il y avait une proximité entre Shakespeare et son travail beaucoup plus forte que ce qu’il aurait pensé a priori. C’est ce genre de choses, de prise de conscience au fil du temps, qu’on essaie d’utiliser pour nourrir le plateau à chaque fois, pour laisser le spectacle vivant.


Entretien réalisé par Stéphane Bouquet — novembre 2012

  • Entretien avec Dominique Chevallier

Quel est l’univers de votre Zig ?
L’univers, c’est une question difficile. Je ne sais pas. Je sais ce que fait Zig, je connais ses obsessions, les choses qui le tracassent dans la vie. Il est beaucoup dans les étoiles. Il est assis, regarde, réagit par rapport aux choses. Il ne prend pas beaucoup d’initiatives. Je dirais qu’il est pathétique. Il tombe souvent au fond du trou mais ça ne le gêne pas. C’est sa façon de mieux regarder le monde, de mieux l’appréhender. Au fond, il est très contemplatif, mais d’une contemplation active.

Une contemplation active ?
Oui, avec ses regards, il donne ses avis. Il sait se servir de son visage. Il a beaucoup de mimiques discrètes mais claires. Des petits mouvements de lèvres, des petites crispations des sourcils, des petits commentaires sonores, des onomatopées. Quand la scène est trop grande, Zig est un clown qui souffre un peu. Il a terriblement besoin d’intimité.

Comment se passe la rencontre de ce Zig lunaire avec Boudu et Arletti qui sont des clowns beaucoup plus extravertis ?
Zig est timide, très timide alors il suit Arletti qu’il connaît déjà. Il est impressionné par Boudu et lui dit qu’il lui fait peur, qu’il ne supporte pas ses activités, mais ils parviennent à vivre ensemble. Zig subit les événements, il n’a pas beaucoup d’initiative, il accepte ce qu’on lui propose. Son seul moment d’autonomie est quand il boit du lait comme on boirait du vin rouge ou de la bière. Il se saoule au lait et soit c’est une farce soit c’est un rêve mais il se rend compte qu’il va passer sa vie à chercher à se marier sans y parvenir.

Est-ce que jouer Shakespeare a modifié Zig ?
Non absolument pas. Ca l’enrichit. Je vois des côtés du personnage que je n’avais pas vu : mon personnage de la fille ainée, Goneril, dans Le Roi Lear est un personnage peu sympathique, qui ne discute et n’agit que par intérêt. Ça me permet de visiter les zones un peu malsaines qu’on a en soi.

Comment avez-vous travaillé Shakespeare ?
En lisant et en relisant. Mais très sincèrement, François avait fait le défrichage. J’ai abordé Goneril avec le personnage de Zig, avec sa façon de parler, mais sinon c’est le même travail que celui d’un comédien. C’est vrai qu’on avait tendance à vouloir faire rire mais François nous recadrait aussitôt. Il ne faut pas faire rire parce qu’on fait une femme. Il fallait défendre vraiment le rôle de Goneril, y croire. Être aussi respectueux de son personnage qu’un comédien qui n’est pas un clown l’est. Si humour il y a, il faut en quelque sorte qu’il nous échappe. C’est au public de le trouver où il veut.


Entretien réalisé par Stéphane Bouquet — novembre 2012

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Spectacle terminé depuis le vendredi 30 mai 2008

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